Le semeur sortit pour semer...
15ème dimanche ordinaire
Isaïe 55, 10-11 ; Romains 8, 18-23 ; Matthieu 13, 1-23
Ce dimanche et les deux suivants, nous entendrons quelques paraboles extraite du “discours en paraboles” qui couvre les chapitres 13 et 14.
Quand Matthieu a rédigé l’Evangile, il a choisi de rassembler nombre de paroles et enseignement de Jésus en discours selon leurs thèmes. On discerne aisément les sujets : le sermon sur la montagne à tous les disciples (5-7) ; le discours missionnaire à ceux que Jésus envoie (9-10) ; les paraboles du Royaume (13-14) ; le discours communautaire ou comment vivre au sein des communautés, (18-20) et le discours tourné vers la fin des temps, qui invite à veiller et à agir au service du frère (24-25).
Les paraboles que nous entendrons concernent le Royaume de Dieu. Ce sont des images qui donnent à penser… Ce ne sont pas des définitions mais des invitations à comprendre : aujourd’hui Jésus invite à entendre le Royaume comme l’histoire d’un semeur… Il n’est pas compliqué de deviner qui est le semeur : Jésus. Il sème la Parole à tous vents. Cette parole tombe sur différents terrains, différentes réalités, plus ou moins aptes à recevoir, à faire pousser. Il ne juge ni e condamne les différents terrains, il invite à observer ce qui se passe. La méthode des semailles hier diffère d’aujourd’hui. On jetait d’abord la graine sur le terrain, non labouré et ensuite, on la recouvrait avec le peu de terre utile, souvent rocailleuse et argileuse. Il y avait beaucoup de perte : terre impropre à la culture, terres ingrates et remplies de ronce, présence d’intrus. Qu’importe, à chaque poignée la graine tombe.
Aujourd’hui l’Eglise diocésaine souhaite que tous, nous investissions à nouveau dans le domaine de l’annonce, que ce soit nouvelle évangélisation, catéchèse ou maison d’Evangile, etc. Considérons qu’il nous est demandé de semer la parole à tous vents. Si nous commençons par calculer les lieux à investir, les occasions à saisir ou à laisser tomber, nous ne ressemblerions pas aux semeur évoqué dans l’Evangile. Or il s’agit aujourd’hui de donner sa chance de faire lever : “Allez dans le monde entier…” Ne commençons pas à radiner et à sélectionner les lieux à ensemencer.
A la suite de Matthieu, la première Eglise a développé l’aspect moralisant contenu dans la seconde partie de la parabole, pas dans la première : la terre qui est ceci, qui est cela. C’est une interprétation déviante postérieure au temps de Jésus, interprétation de la seconde ou troisième génération où les prédicateurs, insisterons sur l’examen de conscience : quelle terre suis-je ? Cette attitude ressemble à une terre qui se replie sur elle-même.
Il semble bien que le premier message de Jésus pour ses disciples est de ne pas se ménager pour les semailles. De limiter, économiser du grain, ce n’est pas la conception de Jésus dans cette parabole : du grain tomba sur le sol pierreux, du grain tomba dans les ronces, il tomba d’autres grains où il n’ya a pas beaucoup de terre… L’invitation de Jésus c’est de semer, non de vérifier quelle terre on est, ni si le lieu est apte à produire : pour cela on verra plus tard.
Pour l’instant, les disciples du XXIème siècle, tous laïcs et prêtres, sont appelés à nouveau à semer. Où sèment-ils. Dans quels espaces culturels acceptent-ils de porter la semence ? Acceptent-ils d’aller aux quatre vents du monde, et pas seulement dans les cercles où ils sont respectés et entretenus ? Si l’on choisit la terre à ensemencer, “la bonne terre” au détriment des autres, nous aurions déserté le projet de Jésus et oublié d’aller partout où des oreilles peuvent entendre. Disciples du Semeur, comme Jésus, nous sommes envoyés à la rencontre de tout homme, à commencer par les derniers et les exclus. Semer dépend de nous, que cela pousse ou non ne dépend pas de nous. Abbé Emile Hennart