Piège à Jésus.

29ème dimanche ordinaire

Isaïe 45, 1-6 ; 1 Thessaloniciens 1, 1-5 ; Matthieu 22, 15-21.


Tendre un piège à Jésus, telle est l’objet de l’assemblée des pharisiens qui ouvre le récit de ce dimanche. A la différence des Hérodiens, les pharisiens s’accommodaient de la présence des Romains, et donc de l’impôt qui leur est dû. Reconnaissons que Matthieu est clair, tout comme le furent Luc et Marc au sujet des débats entre Jésus et ses adversaires, à Jérusalem. Ils appellent piège la succession des querelles avec les autorités du judaïsme de l’époque, chaque courant de pensée venant tour à tour poser à Jésus ses questions tordues.


Reconnaissons que dimanche dernier Jésus avait amorcé la contestation, quand il affirmait que les premiers invités (les Juifs) n’étaient pas dignes du repas de noce… L’astuce de Jésus, dans le récit de ce jour, c'est de mettre ses contradicteurs en contradiction avec eux-mêmes . En leur faisant sortir une pièce de monnaie, Jésus sait qu’ils portent sur eux une représentation humaine, à savoir la figure de l’empereur couronné comme un dieu. Ils sont donc pris en faute de non-respect de la Loi qu’ils disent vénérer mieux que tout autre. A malin malin et demi, dirions-nous, ou bien tel est pris qui croyait prendre !


Nous avons vite fait aujourd’hui de spiritualiser la réponse de Jésus en séparant les choses de la terre de celles de Dieu : “Rendez donc à César (le temporel, sous-entendu par la figure représentée sur la pièce) et rendez à Dieu ce qui est à Dieu (le spirituel, sous-entendu le respect dû à son nom). Au cours des siècles on a voulu séparer les domaines, le temporel et le spirituel. Ce faisant, on oublie que le Christ a mis les pieds en pleine pâte humaine, qu'il a fréquenté les pécheurs et les malades, les exclus et les possédés. Il n’avait pas peur de se frotter aux moins que rien. Dans son premier discours, sur la montagne, Jésus avait précisé qu’il fallait faire la volonté du Père, et pas seulement dire Seigneur, Seigneur !. Le Christ aujourd’hui remet ses adversaires devant leurs responsabilités. S’ils ont une pièce de monnaie de l’occupant, c’est bien qu’ils reconnaissent l’autorité de son pouvoir ! Et s’ils respectaient la Loi, toute leur Loi, la pièce avec figure humaine aurait dû leur brûler la main !

 

Le piège pourrait sembler mesquin si on ne retrouvait ces mêmes paroles contre Jésus, lorsqu'il sera traîné devant Pilate. Qu’ont-ils retenu de l’enseignement de Jésus, toous ces détracteurs ? Plus d’une fois au cours de ses enseignements, le Christ a invité à dépasser le respect servile de la Loi pour accéder à la force d’aimer, même son ennemi. Plus d’une fois il a dénoncé l’hypocrisie de ceux qui mènent le troupeau comme un aveugle mène un autre aveugle...


Dans les années 80, la réponse portée par Matthieu a pu rassurer les chrétiens. Ils étaient obligés de se soumettre aux autorités politiques romaines. La réponse de Jésus via Matthieu, c'est: "tant que l’Etat ne prend pas la place de Dieu (en se faisant adorer)". Compris ainsi la réponse de Jésus ne crée pas une cloison étanche entre temporel et spirituel, elle invite à replacer chacun à sa place. Ce serait une erreur, heureusement contestée par les dernières encycliques sociales des papes, de croire que notre foi n’a rien à voir avec la gestion des affaires de la société. Ainsi aujourd’hui encore, ne faites pas de César un Dieu, et ne traitez jamais Dieu comme un César, c’est-à-dire selon les règlements humains. Dieu est tout Autre, appelé à être aimé ! Mais il n'interdit pas de gérer les rapports sociaux en toute justice. C'est ce que laisse entendre d'autres paraboles. EH