Effata, ouvre-toi

23ème dimanche ordinaire

Isaïe 35, 4-7 ; Jacques 2, 1-2 ; Marc, 7, 31-37

 

Jésus prit à part le sourd-muet, toucha ses oreilles et sa langue,

puis il dit "effata", ouvre-toi.

 

L’évangile de ce dimanche a servi pour justifier le geste du rituel des baptêmes quand le prêtre touche les oreilles et la langue du futur baptisé pour le rite de l’effata. Ce mot hébreu fait partie des rares mots que l’évangéliste Marc emploie d’abord dans sa langue originelle, avant d’en donner une traduction pour ses destinataires, d’origine païenne et ignorant presque tout de la langue de Jésus.


L’importance accordée par Marc à ce mot qu’il conserve avant de le traduire rappelle que l’Evangile est avant tout Parole, Parole donnée et Parole reçue. L’Evangéliste Jean commence son évangile en affirmant que le Verbe s’est fait chair… Verbe, Verbum que nous traduisons par Parole pour désigner Jésus.

 

La tradition biblique insiste sur le fait que Dieu soit Parole, comme il est écrit au premier chapitre de la Genèse : "Dieu dit et cela fut…" La Bible ne sépare pas la parole et les actes, comme c’est bien le souvent le cas chez nous : les paroles s’envolent les actes restent, ou bien : il y a loin de la parole aux actes, signifiant par là la grande distance entre ce que nous disons et ce que nous faisons.

 

Pourquoi donc s’arrêter aujourd’hui sur un mot prononcé par Jésus et prononcé, qui plus est, en apparté ? Chacun peut méditer longuement sur ce trait de l’évangile. Pour moi, aujourd’hui, je reçois cet évangile parce qu’il signifie que la Parole qu’adresse Jésus est personnelle :c’est moi qui suis concerné par ce qu’il dit, moi, et pas un autre, qu’il me faut entendre cette Parole envoyée par Dieu le Père, qu’il me faut y répondre…

 

Cet épisode suit immédiatement la scène de l’ouverture à la païenne syro phénicienne, que le lectionnaire n’a pas jugé utile d’insérer dans la lecture continue de l’évangile. Cet épisode est une clé de lecture pour comprendre que Jésus s’adresse à tous les hommes et les femmes, et qu’il ne fait pas de distinction entre purs et impurs. Cet épisode de la syrophénicienne est donc une provocation envers les bons pratiquants qui entourent Jésus pour qu’ils acceptent d’ouvrir les yeux et leurs oreilles, plus encore, pour qu’ils s’ouvrent à ce qui leur est étranger.


Au moment où nous allons célébrer dignement le 50ème anniversaire de l’ouverture de Vatican II, il vaut la peine de se souvenir de l’enthousiasme avec lequel les “étrangers à la foi chrétienne” accueillirent cette nouveauté d’une Eglise qui s’adresse à eux directement au-delà des murs épais des églises et des palais épiscopaux. C’était le souhait de Jean XXIII quand il invitait à ouvrir toute grande les portes et les fenêtres de l’Eglise. Mais ce sont ces mêmes familiers du Saint-Office qui firent tout pour refermer ces protes, pour calfeutrer l’Eglise loin des problèmes et des soucis du monde. (L’ouvrage récent du jésuite John O’Malley ‘L’évènement Vatican II’ rend compte de cette attitude durant le concile). Beaucoup de chrétiens apeurés par l’audace de Jean XXIII firent tout pour que disparaissent ses intuitions, ses souhaits de dialogue avec les autres religions chrétiennes, avec les religions non chrétiennes, avec les Musulmans et les Juifs, et même le dialogues avec tous les hommes de notre temps.


Effata, ouvre-toi… Que de personnes ont reçu loe rite baptismal mais n’ont pas fait passer dans leur corps, dans leurs mains et leurs pieds cet appel à courir l’aventure d’une foi au grand large (Du in altum rappelait Jean Paul II) A nous aussi “Duc in altum, avance au large… sur l’autre rive”, dit encore l’Evangile. Réjouissons-nous avec les spectateurs de l’évangile :“il fait entendre les sourds et parler les muets”, espérons aussi nous réjouir de voir les chrétiens rassemblés pour l’eucharistie mettre en œuvre les Paroles de Jésus et du concile. EH