Méditation pour le Jeudi Saint, Jean 13
Lavement des pieds et eucharistie.
La liturgie du Jeudi-saint propose la lecture de l’Evangile de Jean ch. 13 : Jésus lave les pieds des disciples.
L’équipe CCFD du doyenné de Lens proposait une soirée pour lire et méditer, soutenus par l’œuvre réalisée par sœur Marie-Boniface.
Pour accompagner le texte de méditation proposé par le CCFD "Vivre le carême 2013", l’abbé Emile Hennart proposait quelques compléments de réflexion.
- Progressive distance des deux autres charges de l'EgliseLe père Luc Dubrulle, qui présentait l’œuvre de Mgr Rodhain, insistait pour qu’on ne sépare pas la diaconie (ou service du frère) des autres dimensions qui sont la charge de tout baptisé : le service de l’autre, l’annonce de la foi, l’offrande à Dieu (résumé par la trilogie Roi, prêtre, prophète). Telle est la proposition que François Soulages et l’Eglise proposent pour Diaconia 2013
- Le pape Benoît XVI dans son encyclique sur le sacrement de l’Eucharistie, conclue sur le lien eucharistie et solidarité, aux § 89-90 :
§ 89 « l'union au Christ est en même temps union avec tous ceux auxquels il se donne. Je ne peux avoir le Christ pour moi seul; je ne peux lui appartenir qu'en union avec tous ceux qui sont devenus ou qui deviendront siens ». (241) À ce propos, il est nécessaire d'expliciter la relation entre Mystère eucharistique et engagement social. L'Eucharistie est sacrement de communion entre frères et sœurs qui acceptent de se réconcilier dans le Christ, lui qui a fait des Juifs et des païens un seul peuple, abattant le mur d'inimitié qui les séparait
§ 91. Le mystère de l'Eucharistie nous rend aptes et nous pousse à un engagement courageux dans les structures de notre monde, pour y apporter la nouveauté de relations qui a sa source inépuisable dans le don de Dieu. La prière que nous reprenons à chaque Messe: « Donne-nous notre pain de ce jour », nous oblige à faire tout notre possible, en collaboration avec les institutions internationales, publiques et privées, pour que cesse ou au moins pour que diminue dans le monde le scandale de la faim et de la sous-alimentation dont souffrent des millions de personnes, surtout dans les pays en voie de développement
- François Soulage, à la CEF, rappelait que la "liturgie n’est pas le tout de l’Eglise", reprenant ainsi les intuitions de la constitution de Vatican II sur la liturgie (§ 9) “La liturgie ne remplit pas toute l'activité de l'Eglise ; car, avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu'ils soient appelés à la foi et à la conversion… L’Eglise doit enseigner les croyants à observer tout ce que le Christ a prescrit, et les engager à toutes les œuvres de charité, de piété et d'apostolat pour manifester par ces œuvres que, si les chrétiens ne sont pas de ce monde, ils sont pourtant la lumière du monde, et ils rendent gloire au Père devant les hommes”
- Au moment de lire le texte de Jean 13, il faut rappeler que c’est l'ouverture de la seconde partie de l’Evangile de Jean. L’évangéliste a voulu placer au début du "livre de la gloire" le geste où le Christ se fait serviteur de tous. Il faut aussi se rappeler que pour Jean, la croix du Christ n’est pas signe de destruction, d’humiliation du Fils, mais le lieu de la révélation de la grandeur (gloire) du Fils de Dieu. Parmi les représentations du crucifié, certaines le présentent effondré sous le poids de la souffrance (voir la crosse du pape Jean-Paul II) ; d’autres représentent le Christ en majesté (en particulier chez les orthodoxes, mais aussi le Christ des Carolingiens). Pour Saint Jean l’heure de la glorification est arrivée et commence par le geste du serviteur à l’accueil des invités.
- "Comme il avait aimés les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout..." Cette introduction au Ch.13 fait penser au premier chapitre de Jean, où le Verbe qui était auprès de Dieu s’est fait homme et a habité parmi nous : il est venu chez les siens… (Jean 1)
- Au moment de lire, il faut se rappeler que Saint Jean écrit à une communauté déchirée par diverses rivalités (intellectuelles, théologiques et humaines). Les membres de ces communautés étaient loin de vouloir se laver les pieds les uns des autres. Il en est peut-être de même dans l’actuelle Eglise de Jésus-Christ. (Les apôtres eux-mêmes déchirés : penser à la demande de deux d’entre eux à Jésus et la réaction des autres, offusqués d’une telle prétention, etc.)
- Jésus serviteur : dans les 4 évangiles ont retrouve semblable affirmation, par ex. Marc 10, 45 “Je ne suis pas venu pour être servir, mais pour servir”
- Le geste lui-même est un geste naturel, normal, tout comme aujourd’hui, on dirait à un invité après un long voyage : “Vous ne voulez pas vous rafraîchir un peu ?”. Laver les pieds des arrivants n’est pas un geste déshonorant, souvent accompli par un serviteur, il pouvait être fait par le maître de maison. C’est un geste qui honore l’invité et tout le soulageant après une longue marche sur un sol desséché et chauffé par le soleil. Un geste qui accueille et soulage le visiteur. Il n’est pas difficile de transposer pour aujourd’hui.
- Jésus dépose ses vêtements… Cela peut faire penser à la lettre de Paul aux Philippiens 2, 2-9 : “Lui de condition divine, n’a pas revendiqué de rester à l’égal de Dieu, au contraire, il s’est abaissé, devenant semblable aux hommes…”
- La conclusion : “comme j’ai fait pour vous, faites de même”. A chaque eucharistie, ce sont de semblables paroles que le prêtre prononce, reprenant les paroles de Jésus lors du dernier repas : Vous ferez cela en mémoire de moi…
- Le coup de colère de saint Paul aux Corinthiens devrait nous revenir en mémoire. En effet, lors des soirées eucharistiques, les chrétiens de Corinthe gardaient leurs distances entre riches et pauvres : “Lors donc que vous vous réunissez en commun, ce n'est plus le Repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu'on est à table en effet, chacun prend d'abord son propre repas, et l'un a faim, tandis que l'autre est ivre. Vous n'avez donc pas de maisons pour manger et boire? Ou bien méprisez-vous l'Eglise de Dieu, et voulez-vous faire honte à ceux qui n'ont rien?
Il n’y a pas de meilleur rappel que ces paroles pour nous inviter à ne pas séparer assemblées de prière et eucharistie du service quotidien du frère.