Venu apporter un feu sur la terre...

20ème dimanche ordinaire

Jérémie 38, 4-10 ; Hébreux 12, 1-4 ; Luc 12, 49-53

 

“Je suis venu apporter un feu sur la terre…”. Le début de l’Evangile de ce dimanche peut troubler. Ce n’est pas le visage habituel que nous avons de Jésus, doux et humble de cœur. Ce qui suit est du même acabit : “pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ?”. Jésus serait-il un djihadiste religieux avant l’heure ? Ces mots ont été dits et écrits. Comment les comprendre ? Cela n’est possible qu’à la condition de lire un chapitre entier et son environnement. Or le lectionnaire nous donne 4 versets, tirés de leur contexte. A nous de retrouver le contexte pour mieux comprendre de quoi parle le Christ selon Luc.

 

Nous sommes au ch. 12. Comme aux chapitres précédents, Luc nous fait découvrir le conflit de plus en plus ouvert entre Jésus et ses opposants, pharisiens et légistes (scribes) en particulier. Jésus est traité de “Fils du démon”, suite à plusieurs guérisons. Or le discours de Jésus est appel à confesser ouvertement qu’il est le Fils de l’homme. Cet enseignement est affirmé non seulement devant les Douze et quelques disciples, mais devant la foule rassemblée par milliers, laissant entendre que devant les synagogues, certains seront déférés en vue d’un jugement. On imagine facilement que les discussions ont continué bon train entre Jésus et ses disciples. La discussion a porté entre autres sujets sur les biens matériels ; de là découle l’appelle à la vigilance, vigilance sur les biens, mais aussi vigilance sur les biens que le maître a confiés. C’est là qu’arrivent ces quelques lignes de l’Evangile. Il ne s’agit plus seulement de vigilance sur des biens matériels, mais vigilance sur l’essentiel de ce que Jésus a confié à ses disciples, c’est-à-dire sur son enseignement, sur son oeuvre.

 

Jésus a bien conscience que ce qu’il fait et enseigne dérange. La multiplication des conflits avec les autorités va s’accentuant. Lorsque Luc écrit, il est fort probable qu’il pense aussi aux conflits entre les premiers chrétiens et les gens de la synagogue, et aussi entre les chrétiens et les païens. Aussi, le constat, lu ce dimanche, est de Jésus mais aussi de l’évangéliste au moment où il rédige son évangile. Et ce n’est pas une invitation à vivre caché pour éviter les soucis, mais à être clairement témoins de Jésus envers et contre tous s’il le faut, même contre des gens de sa famille.

 

Après les siècles de persécutions, l’Eglise d’Occident s’est fort assagie. Elle est devenue maitresse des pays et des rois. La France fille aînée de l’Eglise où l’on faisait l’alliance du sabre et du goupillon a pu s’endormir sur ses lauriers, oubliant de quel Jésus nous sommes frères et témoins. Nous avons même oublié la lecture des Evangiles préférant nous abreuver de pieux ouvrages de littérature religieuse, délaissant l’enseignement même de Jésus. La conjoncture a évolué avec le contexte de la fin de la royauté, les débuts de l’empire, de la République.

 

A l’occasion on rappelle le choix pour ou contre Dreyfus, la séparation des Eglises et de l’Etat, la naissance du monde ouvrier et de son exploitation. De nouveaux clivages sont apparus. Les pères du Concile ont voulu que le Christ soit mieux connu et honoré. Les rapports avec la société ont été réexaminés, non pour se taire, mais pour prendre position avec les exigences fondamentales de marcher à la suite du Christ.
 

Au-delà du conflit pour ou contre la messe en latin, c’est bien l’annonce de l’Evangile pour les pauvres dont il est question (Devise de Mgr Huyghe : evangelizare pauperibus). De quel Jésus sommes-nous les hérauts, et pour qui ? Cela mériterait d’être vérifié au moment où s’achève l’année de la foi et le cinquantième anniversaire de Vatican II. Le Christ a confié à son Eglise un témoignage, une manière de vivre (en contradiction avec les religieux de son temps !!!). Profitons de la cure de rajeunissement que nous impose le pape François pour faire notre propre aggiornamento et accepter de devenir signes de contradiction, au nom de l’Evangile lui-même, et non pour la défense de telle ou telle philosophie, fut-elle une philosophie de la loi naturelle.

 

Le choix des deux autres lectures a été inspiré par l’Evangile du 20ème dimanche ordinaire, pour trouver des situations semblables, conflictuelles. EH