Fête de l’épiphanie.
Les païens sont associés au même héritage
Isaïe 60, 1-6 ; Ephésiens 3, 2-6 ; Matthieu 2, 1-12
Chaque premier dimanche de l’année revient le récit des mages venus adorer l’enfant Jésus. Après les bergers, voici les mages. Ceux qui aiment la lecture accommodatice des Ecritures disent qu’il a fallu plus de temps aux Mages pour arriver auprès de Jésus… Qui regarde les témoins qui ont transmis ces récits d'Evangile découvre que l’un s’appelle Luc et l’autre Matthieu. Deux auteurs différents, deux présentations différentes pour introduire leur sujet dans l’histoire des hommes, vouloir trop les réunir en un seul récit n'est pas une bonne chose.
L’un, Luc, nous a livré le récit de l’annonciation à Marie et nous en sommes familiers, l’autre, Matthieu, nous livre l’annonciation à Joseph, et cela ne fait pas partie de nos images concernant la naissance et l’enfance du Seigneur. Depuis l’aube des temps modernes, (XVIème siècle) les chrétiens ont davantage recherché la vérité historique au-delà des récits… avec le désir de faire coïncider la succession des évènements raconté par chaque évangéliste sous forme de film historique (historicisant ?). Certains en ont perdu leur latin et leur foi, devant l’impossibilité de raccorder en une seule histoire continue les multiples bribes d’histoire concernant Jésus homme et Dieu.
Beaucoup de chrétiens ont continué à croire et à s’interroger. Au lieu d’accuser les évangélistes d’avoir falsifié les réalités, les chercheurs et croyants d’aujourd’hui se sont demandé si l’erreur de lecture ne venait pas de nous. Les évangélistes ne racontent pas des histoires à dormir debout, pour le plaisir de raconter une belle histoire. ils essaient à l’aide de leurs mots à eux de dire ce qu’ils ont compris de Dieu… et c’est à chacun de nous de comprendre, à partir des images et représentations qu’ils ont utilisées, leurs convictions sur Dieu, sur l’homme et sur les rapports entre eux. Faire dire aux évangélistes que les mages auraient mis deux ans entre la Mésopotamie et Bethléem n’a aucun sens… Comprendre que la Bonne Nouvelle concerne les petites gens à l’écart, comme l’étaient les bergers, et comprendre que Dieu sait être reconnu des gens cultivés des lointains de la terre… cela a davantage de sens. La présentation des bergers par Luc et la présentation des mages par Matthieu n’est qu’une préfiguration, un avant goût de ce que sera Jésus au cours de son histoire. Ce qui se passe au palais d'Hérode n'est qu'un avant goût de ce qui se passera trente ans plus tard à Jérusalem : le Christ y sera aussi rejeté.
Regardons les personnages qui gravitent dans le récit des mages selon Matthieu : il y a là tous les ingrédients de la tragédie qui va se dérouler autour de Jésus trente années plus tard : L’autorité suprême représentée par le Rois ; les religieux et hommes de la cour : prêtres scribes et pharisiens ; il y a la question à laquelle il faut répondre : qui est ce roi des Juifs… La confrontation aura lieu trente ans plus tard, à Jérusalem entre le descendant d’Hérode, le grand prêtre et le grand sanhédrin réunis, et Jésus contre lequel on ne trouve aucun témoignage négatif.
La réponse à la question "qui est-il", il a fallu la chercher dans l’Ecriture : les mages sont allé chercher la réponse chez les hommes de la religion qui sont allés puiser aux Ecritures. Plus tard les premiers chrétiens se référeront aux Ecriture pour confirmer leur intuition, leur foi que Jésus est bien celui dont avaient parlé les prophètes… C’est de cela que veut parler le récit des disciples d’Emmaüs (Luc).
Un autre détail mérite encore toute notre attention : le signe que suivent les mages… cela fonctionne par intermittence. Par moment il est visible, par moments il disparait. Je l’appliquerai volontiers à notre proche marche vers Dieu : par moments c’est facile à discerner, à d’autres moments, nous marchons comme dans la nuit, en attendant de retrouver des signes “évidents”. Ne soyons donc pas étonnés pour notre propre vie, notre marche avec Dieu. Sortir de nos églises, aller aux périphéries, interroger le fonctionnement des cycles d’argent peut étonner… pourtant cela fait partie des signes que donne le pape François, en fidèlité avec la grande tradition de l’Eglise.
C’est le moment d’aller relire les deux autres lectures du dimanche : la première, d’Isaïe, est un écrit tardif de l’école prophétique, probablement 3éme siècle avec la prise de conscience que des nations lointaines (païennes) peuvent accuorir vers le Seigneur. Saint Paul de son côté affirme le sens (le mystère) de Dieu : c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse. Si Paul doit ainsi écrire cette affirmation, c’est qu’elle n’était pas (n’était plus) partagée par ses destinataires d’Ephèse. Lorsque le pape demande à l’Eglise de ne pas édifier de barrières douanières pour distinguer qui est digne et qui n’est pas digne d’entrer dans l’église, il doit sans doute dire la même chose. Pensons-y quand notre responsabilité pastorale nous amène à ouvrir la porte à quelques lointains de notre Eglise ! E.H.