MCR Hardelot : rencontre des migrants de Calais

Le MCR de Saint Frieux et les réfugiés de Calais. La souffrance à Calais

Calais 16 juin 2014 (17) Calais 16 juin 2014 (17)  « Un changement d'attitude envers les migrants et les réfugiés est nécessaire de la part de tous ; le passage d'une attitude de défense et de peur, de désintérêt ou de marginalisation - qui, en fin de compte, correspond à la « culture du rejet » - à une attitude qui ait comme base la « culture de la rencontre », seule capable de construire un monde plus juste et fraternel, un monde meilleur. »

 

Pape François in « migrants et réfugiés : vers un monde meilleur » 19 janvier 2013

 

 

Des paroissiens de St Frieux à la rencontre des migrants de Calais avec le MCR

 

L’équipe Hardelotoise du Mouvement Chrétien des Retraités a choisi cette année d’aller à la rencontre des migrants de Calais le 16 juin dernier. Chacun connaît plus ou moins bien la situation préoccupante des femmes et des hommes qui ont décidé courageusement  de quitter leurs pays, chassés par les guerres, les islamistes ou simplement des conditions de vie insupportables, pour aller vers un monde qu’ils espèrent meilleur. Chacun connaît aussi le rejet de beaucoup d’entre nous à leur égard, mais peu de monde en définitive sait l’investissement et l’aide apportée  par diverses associations et bénévoles pour secourir ces personnes arrivées dans notre région.

 

Parcourant des milliers de kilomètres souvent au péril de leur vie, et payant des sommes d’argent importantes à des passeurs peu scrupuleux, les migrants ont ici pour la plupart comme objectif de gagner l’Angleterre. Les Britanniques en effet, bien que durcissant aujourd’hui la législation relative à l’immigration, offrent aux  migrants qui posent le pied sur leur territoire des moyens de subsister et la possibilité de travailler. Beaucoup de migrants ont aussi un parent qui s’est établi en Grande-Bretagne et les y accueille les premiers temps. De Calais partent de nombreuses liaisons maritimes quotidiennes  et c’est donc de là que les expatriés ont le plus de chance de traverser clandestinement le détroit.  Le problème cependant est que le Royaume–Uni ne fait pas partie de l’espace Schengen et procède sur le littoral français à des contrôles frontaliers sérieux, formant ainsi un barrage difficile à franchir…

 

Ainsi, des centaines de migrants ont convergé vers Calais depuis une vingtaine d’années. Dans un premier temps, un accueil fut autorisé par l’Etat et organisé par la Croix-Rouge à Sangatte, atteignant jusqu’à plus de 2.000 personnes. Puis vint son démantèlement en 2002 et l’interdiction de créer des lieux d’hébergement, ce qui provoqua forcément l’apparition de squats et de campements de fortune aux abords du port.

 

Des associations et de nombreux bénévoles Calaisiens ont alors mis en place des structures pour permettre aux migrants de se nourrir, de trouver un abri par grand froid, de se procurer des vêtements, des chaussures et de pouvoir prendre une douche de temps en temps. Mais ces Associations et bénévoles ne peuvent évidemment aider que par les dons qu’ils reçoivent….

 

Lundi 16 juin, l’abbé Jean-Pierre Boutoille et Jean Cresson, bénévole, tous deux très engagés depuis longtemps pour la cause des migrants, ont accueilli la dizaine de paroissiens de St Frieux que nous étions dans les locaux du Centre St Nicolas à Calais. Nous avons pu échanger longuement  sur l’origine et le développement du phénomène migratoire, la situation actuelle de plus en plus dramatique et la grande interrogation concernant son évolution future... Pour l’abbé, il n’est pas possible que les Etats de l’Union Européenne, les Pays  et les organismes internationaux continuent leur politique de l’autruche. Tant que la misère et l’insécurité régneront dans les pays d’où viennent les migrants, tant que les décideurs politiques des pays de destination de ces migrants n’auront pas pris les responsabilités pour lesquelles ils se sont fait élire et mis en place une politique cohérente, nous serons confrontés à l’afflux et l’errance de ces hommes et de femmes légitimement à la recherche d’une vie meilleure.

 

En attendant, pour les quelques associations et bénévoles qui s’investissent, il n’est pas possible de rester sans agir, car les migrants sont là, et vouloir les ignorer est aussi vain qu’indigne. Il faut donc agir,  pallier aux défaillances des politiques, interpeler sans cesse les autorités, solliciter les bonnes volontés, et ruser parfois pour organiser ce qui est bien souvent interdit…

 

L’abbé Boutoille a tenu ensuite à nous emmener sur les lieux mêmes de vie des migrants, dehors, en plein vent, près de la zone portuaire. A divers endroits, des jeunes gens (entre 15 et 30 ans)  se retrouvent et attendent... Ils passent des journées à attendre le bon moment pour embarquer clandestinement à l’arrière d’un camion, qu’un passeur leur ouvre, sur un parking ou à un « stop » de carrefour… on estime qu’une quarantaine de tentatives réussissent chaque semaine… Mais beaucoup sont découverts par la police et les chiens, et bien sûr refoulés. Sans se décourager, ils tenteront de nouveau leur chance dès que l’occasion se présentera !

 

Que faire sinon attendre et beaucoup marcher, parcourir des kilomètres pour aller du point de distribution des repas jusqu’aux des douches trop peu nombreuses, ou encore au vestiaire… Car ces lieux sont éloignés les uns des autres de plusieurs kilomètres…

 

Nous avons rencontré et parlé avec quelques migrants, de jeunes Afghans, Erythréens, Syriens, qui attendent mais acceptent volontiers, avec le sourire, communiquer leur espoir de réussir si près du but, après tant de kilomètres parcourus... Cet échange a eu lieu tout à côté d’une vingtaine de migrants en grève de la faim depuis une semaine, à la suite de la destruction de leurs campements par les autorités, le 28 mai dernier.

 

Après un repas et la célébration de l’Eucharistie à la chapelle du Centre St Nicolas, sœur Véronique, une des quatre religieuses de St Vincent-de-Paul, nous a emmenés visiter le Vestiaire, situé à la Maison du Doyenné. Là se trouvent rassemblés tous les vêtements, chaussures et objets collectés pour les migrants. Beaucoup d’articles sont en attente de distribution mais il manque surtout des chaussures en bon état, car les migrants parcourent d’innombrables kilomètres.

 

Notre journée s’est terminée par la visite de l’église Notre-Dame de Calais, en pleine restauration depuis une douzaine d’années. Dominique Darre, passionné et amoureux de cet édifice, nous a fait découvrir son architecture, ses magnifiques statues et la très belle  chapelle de la Vierge récemment rendue au culte.

 

Merci à Jean-Pierre Boutoille, Jean Cresson, Sœur Véronique et Dominique Darre pour le temps qu’ils nous ont consacré.

 

Si vous voulez aider les réfugiés de Calais (ils en ont bien besoin !), vous pouvez adresser vos dons au Secours Catholique à Arras en mentionnant : « pour les migrants de Calais ». Vous pouvez également proposer votre aide aux diverses Associations de Calais et enfin participer à la collecte permanente (elle existe depuis 10 ans) des chaussures, vêtements  et des articles d’hygiène, réalisées dans les 4 églises de la Paroisse St Frieux.

 

Hervé PIAU, Mouvement Chrétien des Retraités, Paroisse St-Frieux – Hardelot

 

Courrier de Calais, reçu le 27 juin:

Le pupitre en français... illisible Le pupitre en français... illisible  En fin d’après-midi le 26 juin, un huissier accompagné de deux policiers municipaux est venu déposer deux présentoirs sur lesquels était fixé le dossier d’une centaine de pages en français de la saisine du tribunal administratif par la mairie de Calais pour obtenir l’expulsion des personnes occupant le lieu de distribution des repas.

 

Dans le dossier, il y a un formulaire en français que doivent signer les occupants du lieu auxquels la plainte a été signifiée. L’huissier essaye de faire signer des exilés, qui refusent de signer un papier qu’ils ne comprennent pas. Il apostrophe par son nom un bénévole présent, qui lui réplique qu’il n’habite pas là. L’huissier insiste pour avoir sa signature. Un bénévole naïf aurait peut-être signé sans savoir les conséquences. Est-ce la loi de trouver un quidam qui n’habite peut-être pas là pour signer un document qu’il ne comprend pas ?

 

Un pupitre en français... illisible Un pupitre en français... illisible  Les occupants du lieu essayent de comprendre ce qui se passe. Lecture du document, explications, traduction. La mairie de Calais a saisi le tribunal administratif en référé (procédure accélérée) pour demander l’expulsion des personnes occupant le lieu de distribution des repas.

L’audience est fixée au lendemain vendredi 27 juin à 9h30. On signifie la convocation au jugement en fin d’après-midi pour le lendemain matin à Lille à des personnes ne comprenant généralement pas le français.

 

Peut importe, on téléphone pour trouver un avocat pouvant représenter les exilés au procès – pour que celui-ci soit à-peu-près équitable, même si l’avocat n’a concrètement pas le temps de prendre connaissance du dossier – ce qui peut motiver un report d’audience et permettre de gagner le temps de vraiment préparer la défense.

 

L’affichage de la plainte sur des présentoirs aux accès du lieu de distribution des repas est destinés aux riverains hostiles aux exilés – les autres n’ont pas droit à la parole – et met en scène une opposition entre « Calaisiens » et « migrants » qui sert à masquer que la maire de Calais ne fait rien pour les Calaisiens et mène une politique contraire aux intérêts du territoire.

 

Comme souvent, les exilés ont répondu de manière digne. Quand sont venus les bénévoles qui avaient prévu de discuter des violences policières, et qu’ils leur ont expliqué la situation, les enjeux, leur ont dit qu’ils avaient trouvé un avocat pour les défendre, ils et elles ont été plus de trois cents à donner leur nom et signer la délégation de pouvoir à l’avocat pour les représenter. Face à la violence qu’ils subissent chaque jour ils ont opposé le respect de leurs droits.

 

Sachant que la mairie de Calais saisit le tribunal de ses propres turpitudes. Lorsque jour après jour les exilés collectent leurs déchets dans des sacs-poubelles et les déposent pour qu’ils soient collectés, c’est la mairie de Calais qui crée l’insalubrité en ne les ramassant pas. Lorsque les associations interpellent la mairie pour nettoyer les trois toilettes chimiques qui sont à l’entrée du lieu de distribution des repas et augmenter leur nombre en fonction du nombre de personnes qui utilisent le lieu ou vivent à proximité immédiate, et n’obtiennent aucune réponse, c’est bien la mairie de Calais qui crée l’insalubrité.

 

Évacuer le lieu de distribution des repas pour aller où ? La question est la même qu’à la veille de l’expulsion e campements du 28 mai. Et toujours pas une trace de solution de la part des autorités.

Article publié par Apostolat des Laïcs • Publié • 3949 visites