Synode sur la famille
La réflexion du MCR
Synode sur la famille
La réflexion du MCR
Janvier 2015
Introduction
Les membres du Bureau national du Mouvement Chrétien des Retraités (MCR) se sont réunis une journée durant, en novembre 2014, pour étudier le texte du rapport final du Synode extraordinaire des évêques sur la famille ; pour ce faire, ils se sont appuyés sur un questionnaire rédigé par l’aumônier national du MCR, le père Gabriel Rouillet, et qui a fourni la matrice du présent document, synthèse de leurs réflexions.
Les membres du bureau national qui ont participé à cette démarche, sont outre leur responsabilité nationale, tous membres d’équipes MCR et engagés à un titre ou à un autre dans leurs paroisses de France ; c’est en référence à ces engagements qu’ils se sentent autorisés à porter une parole commune qui dise l’expérience de la vie des aînés qu’ils représentent, qui traduise leurs interrogations et qui formule leurs attentes. C’est en référence à notre responsabilité apostolique d’un Mouvement d’action catholique représentant 40 000 membres, que nous nous estimons autorisés à vous faire connaître cette parole.
La matière de ce document se nourrit des situations que vivent et connaissent les membres du MCR qui ont participé à la réflexion ; ces situations sont très diverses, pas toujours conformes à ce qui reste encore la norme pour l’Église et souvent de ce fait, source de souffrances ; ce document voudrait vous faire entendre la voix de celles et ceux que l’Église pourrait considérer comme « hors normes ».
Qu’avons-nous à redire, à réaffirmer au sujet des « fondamentaux » du mariage et de la famille ?
Le mariage
Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; civil ou chrétien, c’est un acte libre et responsable basé sur l’amour, la fidélité et le dialogue. Alors que la société a institutionnalisé l’engagement de deux personnes avec le mariage civil, l’Église propose un engagement dans l’Amour divin avec Dieu.
Le mariage chrétien est de l’ordre du don entre l’homme et la femme, il est engagement devant Dieu et avec Dieu qui nous offre sa force et sa grâce pour vivre cet engagement considéré par les époux chrétiens comme total et absolu, au rebours des schémas sociétaux contemporains, ce qui n’est pas sans nous interroger. Le lien matrimonial est de l’ordre du sacré : il y a reconnaissance implicite que dans l’engagement que vivent les époux, il y a la présence de Dieu et de sa grâce ; cette présence fait de l’amour un don à l’épreuve de la durée et des difficultés, un lien qui va au-delà de ce qui peut sembler humainement possible.
Cette postulation n’est pas une garantie de réussite et nous sommes beaucoup à être confrontés, dans le milieu familial proche ou plus lointain, dans la sphère amicale, à des échecs, à l’échec du mariage chrétien. Mariés depuis plus de trente ans, voire quarante et parfois même cinquante ans, nous nous sommes demandés comment nous avions réussi à tenir le cap : deux réponses d’un ordre différent ; la première relève d’une exigence relationnelle : la nécessité d’un dialogue permanent, fait d’écoute et d’ouverture à l’autre, basé sur la recherche d’un consensus qui amène à se réajuster en permanence l’un à l’autre et sur l’acceptation de la liberté de l’autre que je ne peux réduire à l’image de lui que je me suis construite ; la seconde procède de cette postulation implicite, évoquée quelques lignes plus haut : « nous avons foi en notre amour car il vient de Dieu, il se fonde sur sa présence et se nourrit de la conviction que sa grâce y est agissante, nous avons tout pour réussir ». Et les épreuves surmontées avec cette conviction renforcent le couple.
Cette postulation de la grâce est présente dans le discours de jeunes couples de notre entourage : « la grâce c’est de se dire qu’on est homme et femme avec nos limites et nos imperfections mais qu’on les dépasse en se plaçant dans la main de Dieu » ; cette référence à Dieu et à sa grâce est affirmée par Sébastien, marié et père de trois enfants : « j’ai vécu un moment de grâce pendant la cérémonie religieuse de mon mariage ; mon chemin de foi a redémarré avec mon mariage ».
La famille
La famille est la cellule de base de toute société ; c’est en son sein que naissent et grandissent les enfants, fruits de l’amour conjugal et qui ont besoin de l’amour d’un père et d’une mère réunis. En cela le mariage est de l’ordre naturel de la création biblique : il est cellule qui crée la vie.
À l’homme et à la femme réunis en couple revient la responsabilité libre et éclairée d’engendrer, elle est complétée par la responsabilité d’éduquer. Nous pensons qu’il est capital que les enfants grandissent dans un cadre sécurisé et que la famille soit le lieu où se découvrent et se vivent des valeurs fondamentales du partage et du respect.
Les grands-parents peuvent donner un autre type de témoignage de l’amour parental dans l’accueil des petits-enfants, descendants directs, et de ceux issus de familles recomposées : l’ensemble des frères et sœurs issus de parents divorcés et ayant refondé une famille, peut donner l’image d’une fratrie soudée sous le regard aimant des grands-parents qui les réunissent occasionnellement et font de cet accueil bienveillant, une richesse familiale où les enfants constituent le ciment entre les familles recomposées.
Quels points de discernement repérons-nous, qui rejoignent une des orientations « aller au cœur du monde » desquelles nous avons construit notre nouveau rapport devenu effectif depuis juin 2014.
Il faut séparer ce qui relève du comportement individuel de ce qui procède des règles et lois établies par l’institution civile ou ecclésiale, et censées organiser la vie pour le bien être de toutes et tous.
Nous notons dans le texte une volonté de prendre en compte les nouveaux modèles familiaux engendrés par l’évolution des mœurs et des mentalités. Il s’agit de la reconnaissance des situations que vivent beaucoup de ceux que nous côtoyons, à commencer par nos propres enfants : couples vivant en concubinage, non mariés ni civilement ni religieusement avec des enfants (qui très souvent ne sont pas baptisés), couples séparés ou divorcés, familles monoparentales, éclatées ou recomposées. Le fait que de nombreux mariages aboutissent à des divorces tient, certes à l’évolution des mentalités mais aussi à des conditions objectives de vie, de travail et d’instabilité qui ne contribuent pas à l’équilibre du couple et obèrent encore plus l’exigence de fidélité. Quant aux nouveaux modèles familiaux, tels que le concubinage, qui procèdent de l’évolution et de la libéralisation des mœurs, écoutons ce que dit un jeune couple : « le concubinage n’a pas moins de valeur pour moi, moins de solidité que le mariage, le premier commandement n’est pas « mariez-vous » mais « aimez-vous » ».
Nous notons aussi une volonté de reconnaître la personne, avec ses limites et ses faiblesses ; celle-ci dans un parcours, marqué par des fragilités et difficultés et qui peut aboutir à l’échec, doit toujours être respectée, écoutée, accompagnée. Il y a une urgente nécessité à ne pas exclure et à cheminer à partir des situations difficiles ; c’est dans ce cheminement que le chrétien et l’Église pourront témoigner de la miséricorde, sur le modèle de ce que le Christ nous a fait voir. La miséricorde doit en effet être un pilier de notre vie ; compassion ne veut pas dire approbation.
Un discours de compassion ne saurait être un discours d’acceptation sans condition.
L’aspect positif des situations engendrées par notre société permissive est moins net, dans le texte, dans le cas des unions homosexuelles ; au nom du principe de réalité, nous souhaiterions que la profondeur de ce que vivent des couples homosexuels soit reconnue par l’Église ; il y aurait lieu de recueillir des témoignages de vie montrant l’importance de l’engagement dans un couple homosexuel, le sentiment très fort qui unit chaque personne à l’autre et qui peut même aller jusqu’au sacrifice, et faisant valoir que des enfants peuvent grandir dans un tel cadre familial.
Nous avons tous été créés à l’image de Dieu ; chacun(e), dans le parcours de vie qui est le sien, a un chemin de sainteté qui lui est proposé. L’Église doit tenir compte de cette vérité évangélique et doit aider chacun(e) en se montrant accueillante, en ne jugeant pas les personnes, en faisant preuve de miséricorde : c’est ainsi qu’elle pourra aider à retrouver les chemins de l’Evangile.
Quelles propositions pastorales pouvons-nous suggérer du point de vue de l’évangélisation du monde qui est la mission de notre Mouvement ?
Dans notre rapport d’orientation
notre mission se décline avec quatre termes
« Rencontrer, accueillir, écouter, accompagner »
L’Église doit accueillir toute personne sans distinction de son état.
Tout homme, toute femme a des dons et des qualités à offrir à la communauté ; à cet égard les personnes homosexuelles ont leur pleine place dans l’Église.
L’Église doit se faire proche des personnes dont le mariage est un échec.
Dans ces situations de souffrance ou de blessure profonde, la parole de l’accompagnateur – un chrétien, un représentant de l’Église – qui a des convictions, vise un but et s’appuie sur une espérance, doit libérer, encourager et si possible guérir : c’est le sens du « bout de chemin fait ensemble » auquel l’Église doit s’attacher si elle veut témoigner du message d’amour du Christ.
Pour beaucoup de jeunes qui se marient à l’Église, le mariage relève, vis-à-vis de la communauté, plutôt d’un acte public, d’une démarche sociale ; d’où le fossé qui existe entre une telle vision du mariage, réduit à sa façade extérieure, et la conception que l’Église s’en fait, le discours qu’elle tient sur l’engagement qui lie un homme et une femme.
Le discours des pères synodaux exige, pour être bien compris, d’avoir de solides bases théologiques ; le niveau d’éducation et de connaissances religieuses est très éloigné du discours de l’Église sur le mariage, chez les jeunes couples qui demandent le sacrement de mariage ; ainsi un membre du MCR qui, avec son épouse, a été acteur dans un Centre de préparation au mariage (CPM) affirme : « huit couples sur dix ne savent pas ou ne comprennent pas quel engagement ils prennent en demandant le mariage religieux ». Quand l’Église dit que le mariage est grâce de Dieu, elle doit s’interroger sur la pertinence d’une telle formulation dogmatique dans le monde d’aujourd’hui et sur la capacité des générations d’aujourd’hui à la comprendre.
D’où la proposition « surprenante » faite par cette même personne d’un mariage « en deux temps » : une première étape marquée par l’effectuation d’un rite religieux, une deuxième étape qui, au terme d’un chemin de maturation spirituelle, aboutirait au sacrement de mariage : sans s’interroger sur la faisabilité de la proposition, admettons que, parfois ce sont les utopies qui préparent l’avenir !
L’Église doit donc repenser la préparation au mariage telle qu’elle est proposée aujourd’hui aux couples qui demandent le sacrement du mariage.
Si nous membres du MCR adhérons à la conception théologique du mariage comme grâce de Dieu (cf. plus haut), son acceptation comme sacrement est le fruit d’un approfondissement spirituel au cours des années et d’une foi mûrie par les expériences et les difficultés de la vie. D’où l’importance, dans cette préparation, d’un laïcat aîné qui témoigne de son parcours. Les charismes de l’âge, ne sont-ils pas, d’une part, une force intérieure acquise au fil des années et nées des difficultés vécues et surmontées, et, d’autre part, une maturité qui donne une forme de sagesse ; les difficultés et déceptions surmontées renforcent le couple et c’est précisément dans ces épreuves par lesquelles il refuse de se laisser mettre à terre, qu’il fait l’expérience de la grâce : « si on a tenu dans des situations où n’apparaissait aucune issue, c’est que la grâce était là ; nous n’avions pas d’autre choix que de nous en remettre à Dieu » affirme un membre du MCR. Certes, il n’y a pas de règles de réussite de sa vie de couple mais témoigner de la façon dont on a pu résoudre une difficulté ou dépasser une épreuve, peut être porteur.
L’Église doit proposer une réelle formation affective ; la question de la fidélité et de l’engagement total et absolu qu’il sous-entend doit en être un des axes.
Nous la réaffirmons comme une valeur fondamentale : c’est l’engagement de la parole donnée au moment du mariage mais cette fidélité doit être constructive et créatrice : les époux, dans certaines circonstances ou à certaines étapes de leur vie, doivent se redire leur « oui » ; c’est ainsi qu’on échappe à l’usure et à l’éloignement progressif que génèrent le temps qui passe et l’installation dans des habitudes.
Cette formation doit se référer à une théologie du corps (cf. Benoît XVI qui en a beaucoup parlé).
À propos des divorcés remariés l’Église doit là aussi avoir une attitude de miséricorde en reconnaissant que tout homme est pêcheur. Le discours de consolation n’a rien à voir avec un discours de justification. Toutefois, à propos de la communion, ne serait-ce pas à la personne concernée qu’il appartient de prendre une décision en son âme et conscience éclairées ? Quoi qu’il en soit, le MCR soutient la proposition d’un cheminement éclairé sous la responsabilité de l’évêque ; ce parcours pénitentiel dont le contenu et les formes sont à définir, déboucherait sur un retour à la vie eucharistique, validé par l’évêque ou un conseil. Notons, au passage, l’attitude ambiguë de l’Église qui accepte, au motif qu’il n’y a pas eu de mariage religieux, de donner le sacrement de mariage à un couple dans lequel soit l’homme soit la femme a vécu une première et pleine expérience du mariage, comme en témoigne l’existence d’enfants de ce premier lit…
La question de la finalité du mariage, posée en termes de procréation, doit être revue, au regard de l’évolution des mentalités et des conditions de vie ; le critère « d’ouverture sans réserve à la vie » est à reconsidérer par l’Église avec l’intelligence que nécessite un regard lucide sur le monde d’aujourd’hui ; il ne s’agit pas de satisfaire à des revendications libertaires en matière de sexualité, loin s’en faut, mais de comprendre que celle-ci est une dimension fondamentale de la vie conjugale et contribue à l’épanouissement des époux et à la construction équilibrée de la famille. L’Église, tout en se situant dans un ordre idéal et en en rappelant les exigences, ne saurait dicter au couple sa ligne de conduite et doit, sur ces questions de la sexualité conjugale et de la procréation, appeler chaque couple, à agir en conscience.
L’importance donnée au mariage et au couple nous ferait oublier que ce synode porte sur la famille. Le lien parents - enfants est très peu abordé or il peut être à l’origine de conflits dans le couple. Par ailleurs, si la famille est bien, comme cela est dit dans le texte, le premier lieu d’évangélisation, cette dimension, dans le contexte actuel, ne cesse, d’interroger les grands-parents que nous sommes ; pour beaucoup de membres du MCR, les petits-enfants ne sont pas baptisés et c’est pour eux, dont la vie est fondée sur la foi en Dieu, une grande souffrance. Au-delà du discours déculpabilisant que les pasteurs de l’Église tiennent, cette dernière doit se préoccuper de cette question de la transmission. Les grands-parents que nous sommes, sont à cet égard dans une attente très forte.
Monique Bodhuin
Présidente du MCR
Janvier 2015