Dieu se rencontre aussi dans la discrétion
19ème dimanche ordinaire
1 Rois, 19, 9-13 ; Romains 9, 1-5 ; Matthieu 14, 22-33
La liturgie de ce dimanche nous propose de lire un court épisode de la vie du prophète Elie que l’on pourrait intituler : la rencontre avec le Dieu discret, au cœur de la montagne. Comme bien souvent, pour la compréhension, il faut aussi lire dans la Bible ce qui précède et ce qui suit l’extrait proposé par la lecture. Ainsi, le visage d’Elie présenté auparavant est celui d’un “fou de Dieu”, d’un Djihadiste pur et dur, qui, au nom de son idée de Dieu casse les autels des autres religions et exécute les prêtres qui ne sont pas au service de Yahvé (le sacrifice sur le mont Carmel). Il faut reconnaître que les autres en avaient fait autant contre les fidèles de Yahvé… Est-ce une excuse ?
Elie est poursuivi par l’armée de la reine Jézabel ; il s’enfuit au désert où il demande la mort : J’en ai assez, dit-il à Dieu ! J’ai voulu te servir, toi le seul Dieu et je ne reçois qu’hostilités. On connait l’histoire de l’ange qui apporte du pain et de l’eau pour qu’il continue la route. Le voici à la montagne semblable à celle où Yahvé était apparu à Moïse. Elie avait le souvenir de ces apparitions fracassantes où Dieu se manifestait à travers l’orage et l’ouragan, les éclairs et les tremblements de terre. Or, voici un tout autre visage de Yahvé, qui se manifeste dans le murmure d’une brise légère. Elie comprend. On imagine facilement que son image du Dieu tout-puissant, celui dont parlent nos oraisons à longueur de messes, en prend un coup. Dieu est aussi celui qui frappe discrètement au cœur de ses fidèles, s’ils veulent bien ouvrir… Plus tard, le prophète Jérémie reprendra cette image du Dieu au fond du cœur, et Jésus à sa suite.
L’histoire ne se termine pas là-haut sur la montagne, car la rencontre contient aussi un envoi en mission. C’est en général ce qui se passe dans les rencontres bibliques des croyants avec Yahvé ou son ange, que ce soit Marie à Nazareth ou les saintes femmes au tombeau. Mission de oindre Hazaël, Jéhu et Elisée, son successeur. Quant aux infidèles, c’est Dieu qui s’en chargera, tout comme dans les évangiles des dimanches précédents : à propos de l’ivraie ou du tri par les anges à la fin des temps… Nous aimons tant récompenser les uns et punir les autres que nous oublions qu’il n’est pas dans notre mission de choisir ce qui est bien et ce qui mal (cf. Adam et Eve). Nous avons à cultiver, entretenir et faire pousser, sous le soleil de Dieu.
En ces temps où la guerre frappe en divers pays, nous voudrions être le chevalier blanc qui règle le sort des uns et des autres, qui dit qui a raison et qui a tort. C’est compliqué et ce n’est pas en notre pouvoir… Mais faire que l’Erythréen ou le syrien réfugié sur les rives de la mer du Nord puisse manger, dormir, espérer, cela est en notre pouvoir. Si nous n’avons pas mission de porter toute la misère du monde, au moins aurons-nous fait notre possible. C’est la citation de M. Rocard, souvent tronquée par nos politiques.
Comment ne pas être sensibles aux larmes et à la tristesse de saint Paul devant l’échec de la prédication auprès des Juifs (2ème lecture). En leur temps, les apôtres avaient demandé à Jésus d’envoyer le feu du ciel contre les bourgades inhospitalières de Galilée (Luc 9, 54), tout comme Elie. Mais ce n’était pas la stratégie de Jésus. Il préférait rassasier la foule à partir de cinq pains et deux poissons. A nous donc de voir ce qu’il y a à faire pousser pour que grandisse le royaume de Dieu. Peut-être la prière de François d’Assise peut-elle nous aider : là où se trouve la haine, que je mette l’amour ! EH