Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir…
6ème dimanche du temps ordinaire
Ben Sira le Sage 15, 15-20 ; 1 Corinthiens 2, 6-10 ; Matthieu 5, 17-37
En parcourant l’itinéraire de Jésus, de Galilée jusqu’à la croix à Jérusalem, on peut constater les nombreuses algarades entre Jésus et ses opposants, scribes et pharisiens en particulier. S’il est accusé de blasphème, accusé d’avoir laissé entendre qu’il était Dieu, etc., bien souvent cependant, les conflits portent sur des interprétations de la Loi, ou un certain laisser-faire de la part de Jésus. Par exemple quand les disciples froissent des épis de blé dans un champ, quand il guérit le jour du sabbat, quand ils ne font pas les ablutions prévues. Il y a aussi les multiples questions embarrassantes comme payer l’impôt à César ou condamner la femme adultère. Souvent les évangélistes précisent que c’est un piège. L’Evangile que nous lisons aujourd’hui, extrait de l’ensemble appelé sermon sur la montagne ou « les béatitudes » peut être compris comme un moment où Jésus explique sa règle de vie, son fil conducteur.
Il faut reconnaitre que la législation enseignée au Temple semble découler d’une vision légaliste de la Loi, où aimer Dieu se caractériserait par une obéissance aux préceptes accumulés au fil des siècles, surtout les derniers siècles. Jésus, en paysan venu du Nord, des territoires de promiscuité avec les païens de Galilée a l’esprit trop libre aux yeux des gardiens du Temple, là-haut à Jérusalem. Un Jésus libéral, ça dérange ! Une attitude rigoriste existe encore aujourd’hui, quand certains font valoir leur qualité de prêtre et en oublient d’être prophètes du Très-haut ! A leur égard, le dicton est toujours valable qui dit que “l’habit ne fait pas le moine”.
Bref, Matthieu a rassemblé en début de son Evangile, une invitation à la pratique de la vraie religion et non au spectacle du religieux : Aimer Dieu et aimer son prochain comme Dieu l’aime ! Le livre de Sirac est bien inspiré quand il rappelle à chacun que Dieu lui a remis le choix : choix de la vie, choix de la liberté, choix d’un itinéraire qui plaise à Dieu. Ce n’est pas une simple invitation à l’observance ; et ce serait une mauvaise interprétation de résumer ses préceptes à la crainte de Dieu…
La crainte de Dieu ce n’est pas la peur de Dieu et la soumission. Il est probable que Ben Sira a eu une expérience positive du lien entre l’homme et Dieu, au point d’accorder une grande importance à la prière, sans doute prière de dialogue. Dans les quelques lignes lues ce dimanche, on pressent quelque chose de la liberté du croyant. C’est autre chose que l’acceptation/exécution des commandements. Quand Matthieu reprend et met en forme les béatitudes, il invite à pousser plus loin la logique des commandements. Quand tu pries, c’est bien quelque chose entre toi et Dieu ; quand tu fais l’aumône, ce n’est pas pour le crier sur tous les toits… Jésus ne vient pas abolir, mais accomplir, mener à la perfection.
Il peut être utile de lire l’ensemble des ch. 5-7 de Matthieu pour avoir une vue d’ensemble du sermon sur la montagne.
Emile Hennart