La Croix des 24-25 décembre 2008 publie dans la page forum un texte signé de Laurent Giovannoni et de Pierre Levené, intitulé "à propos de la lettre de Brice Hortefeux aux évêques de France". Plusieurs fois il est fait référence à la situation des réfugiés de Calais et aux associations que le gouvernement ignore paisiblement.
Laurent Giovannoni, est secrétaire général de la Cimade,
Pierre Levené, secrétaire général du Secours catholique
Engagés et en responsabilité dans des associations chrétiennes qui œuvrent auprès des migrants, des demandeurs d’asile et des sans-papiers, nous ne sommes pas insensibles à la lettre du ministre Brice Hortefeux aux évêques de France. La réalité vécue par les étrangers que nous côtoyons sur le terrain est en décalage avec les propos du ministre.
À titre d’illustration, la situation des migrants dans la région de Calais, suite à la fermeture de Sangatte, demeure inhumaine et scandaleuse. Le Secours catholique, à travers de nombreux bénévoles, est présent auprès des migrants qui vivent dehors, sans nourriture digne, sans toilettes et sans abri pour dormir. Le Secours catholique tente depuis trois ans d’ouvrir un accueil de jour pour apporter un soutien strictement humanitaire. Toutes les démarches pour obtenir un permis de construire échouent pour des motifs qui ne sont pas techniques mais éminemment politiques.
Autre exemple: la position de la Cimade et du Secours catholique, au sujet des centres de rétention administrative (CRA), n’est pas ad mise par le ministère. Nous plaidons pour que cette mission soit nationale et confiée à des associations en capacité d’assurer, en complémentarité, une véritable présence juridique et humanitaire auprès des étrangers en instance de reconduite à la frontière. Le ministère, en éclatant cette mission et en mettant les associations en concurrence les unes contre les autres, cherche à affaiblir cette présence, à gêner l’exercice effectif des droits des personnes retenues, et à réduire le témoignage des associations vers les pouvoirs publics et l’opinion sur le sort des migrants dont le seul délit est d’être sans titre de séjour régulier.
La diminution importante des crédits prévus pour l’insertion en 2009 nous inquiète également: de nombreuses associations de terrain faisant un travail de proximité essentiel seront en grande difficulté dans les tout prochains mois. De même, le sort des demandeurs d’asile se précarise du fait de la disparition – faute de financements d’État – de nombreuses «plates-formes asile». Une tendance au désengagement de l’État est palpable, laissant l’aide aux plus faibles – migrants et demandeurs d’asile – dépendre des moyens des seules associations caritatives.
Réfugiés à Calais 15.10.08 L’examen des demandes de titre de séjour au cas par cas par les préfectures se révèle chaque jour plus aléatoire. Malgré les demandes de toutes les associations, les consignes de régularisation ou d’expulsion données aux fonctionnaires sont dénuées de toute transparence et critères précis: comment éviter alors que les personnes concernées aient le sentiment d’être traitées de façon arbitraire, de dépendre d’un hasard ?
Enfin, nos équipes de terrain peuvent témoigner de la pression qui est mise sur les étrangers en situation irrégulière – parfois insérés depuis plusieurs années avec leur famille sur notre territoire, et pour certains, disposant d’un contrat de travail. La nécessité de réguler les flux migratoires ne justifie pas que l’on éclate des familles en renvoyant par exemple le chef de famille dans son pays en laissant ses proches dans le désarroi le plus total.
Pour reprendre la situation de Calais, rien ne justifie une telle pression policière. Si «chaque étranger en situation irrégulière est d’abord une personne » , comme le rappelle Brice Hortefeux, nous ne comprenons pas alors pourquoi nous sommes si souvent entravés dans notre action humanitaire auprès de ces mêmes personnes.
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La Cimade et l'aide aux réfugiés dans les centres de rétention
Communiqué du 22 décembre:
"Nouvel appel d'offres sur les centres de rétention : le simulacre continue
Dès l'annulation du précédent appel d'offres, la Cimade a proposé au ministère de l'Immigration la mise en œuvre d'une action conjointe de plusieurs associations et organisations syndicales pour rendre effectif l'exercice des droits des étrangers en rétention. Cette proposition n'a reçu, des pouvoirs publics, ni réponse, ni début de dialogue, ni même accusé de réception.
En refusant toute concertation, en maniant habilement sa communication à l'égard des non-spécialistes, le ministère de l'Immigration a diffusé vendredi 19 décembre un nouvel appel d'offres sans qu'aucune modification sérieuse ne soit apportée à la version précédente, annulée le 30 octobre par le tribunal administratif de Paris"...
Les ONG veulent le pluralisme et la complémentarité : le ministre oppose le morcellement et l'affaiblissement.Les ONG revendiquent une vision d'ensemble : le ministre leur concède le droit de s'exprimer localement.La « transparence » affichée par le ministère de l'Immigration n'est qu'un simulacre : cette réforme vise à fragiliser l'exercice effectif des droits des étrangers et à gêner la société civile dans sa capacité de témoignage.
Soucieuse de maintenir son aide aux étrangers en rétention, la Cimade a accepté de prolonger sa mission jusqu'au 31 mai 2009. Mais après avoir déposé avec 10 organisations un recours contre le décret du 22 août 2008 devant le conseil d'Etat, elle étudie avec ses partenaires les moyens de contester ce nouvel appel d'offres. La Cimade rejette un processus qui ne peut que conduire à la disparition de l'aide apportée aux étrangers en rétention.
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Appel du C'Sur pour le 31 décembre