Journée des migrants, approche biblique

Réflexion

La parole de Dieu, parole de vie La parole de Dieu, parole de vie  Cette année, Benoît XVI nous invite à porter sur les migrations un regard inhabituel: il nous propose de les considérer comme un « pèlerinage de foi et d'espérance». Le mot pèlerinage évoque un déplacement - un voyage, une marche - que l'on entreprend pour des motifs religieux. Comment donc peut-il être appliqué à un phénomène - les migrations - qui n'a en soi rien de particulièrement religieux ? Cette question peut alimenter notre réflexion et notre prière en ce jour. Elle était déjà dans le message Jean Paul II 1998 pour la Journée du Migrant et du Réfugié de 1998: «Le phénomène de la mobilité humaine évoque l'image même de l'Eglise, peuple en pèlerinage sur la terre, mais toujours orienté vers la Patrie céleste».

Ceux d'entre nous qui ne sont pas des migrants, nous avons tendance à considérer la migration comme un phénomène qui nous est extérieur : on vient vers nous. Du coup, le migrant est vu soit comme celui qui vient nous déranger, soit comme celui que notre charité chrétienne nous invite à « aider ». Gêneur ou objet d'assistance, comment serait-il un « frère » ? La Bible nous invite à une vraie conversion du regard. Si le peuple hébreu est invité à accueillir l'étranger comme un frère, c'est parce qu'il doit se souvenir qu'il a été lui-même étranger au pays d'Egypte. Chaque fois que nous rencontrons MIGRANTS MIGRANTS  « le frère venu d'ailleurs », commençons par nous rappeler que nous sommes nous-mêmes des « pèlerins » en marche vers un «Royaume des cieux» qui est pour nous l'équivalent de ce qu'était la « terre promise » pour le peuple de Dieu.
Un récent texte de l'Eglise, qui traite de «la charité du Christ envers les migrants », nous invite à la même conversion : ce ne sont pas seulement les migrants qui sont en «pèlerinage », mais chaque chrétien ; ceux qui veulent « suivre le Christ » sont invités à « se considérer comme de passage dans ce monde, car «nous n'avons pas ici-bas de cité permanente» (He 13,14). Le croyant est toujours un pâroikos, un résident temporaire, un hôte, où qu'il se trouve (cf 1 P 1,1 ; 2,11 ; Jn 17,14-16). C'est pourquoi leur place géographique dans le monde n'est pas de ce fait très importante pour les chrétiens ». Ce texte peut se lire comme un écho moderne d'un très vieux texte, l'épitre à Diognète, qui décrit ainsi la vie des chrétiens du 2ène siècle: «Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s'acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère.»
Les textes que propose la liturgie de ce dimanche 13 janvier, même s'ils n'évoquent pas directement cette condition du chrétien pèlerinant sur cette terre, portent sur cette condition une lumière qui peut éclairer la prière de nos communautés paroissiales.
 Dans la première lecture, le prophète Isaïe nous parle d'une route qu'il faut tracer à travers le désert, à travers les montagnes et les ravins, au prix d'importants travaux. Une route importante, visiblement, mais pour qui faut-il la tracer? Pour faciliter un nouvel exode vers une terre meilleure ? Pour rendre plus confortable le pèlerinage du peuple vers quelque ville sainte ? Non. Cette fois, ce n'est pas le peuple qui doit se mettre en mouvement ; c'est Dieu qui vient! Il vient, non pour dominer ou opprimer, mais pour prendre soin de son peuple, comme un berger de son troupeau. La voilà, la surprenante nouveauté : Dieu, Lui aussi, est en mouvement. Il vient au devant de nous pour nous délivrer de tout ce qui nous empêche d'être libres, de tout ce qui fait obstacle à la fraternité.
Et voilà que nous retrouvons « Il vient» dans l'Evangile: c'est ainsi que Jean le Baptiste annonce au « peuple en attente » la venue prochaine de Jésus. Une fois encore, c'est Dieu qui se met en mouvement vers nous en Jésus, il se rend proche. Décidément, il y a bien du mouvement dans la Bible
Pèlerinage de l'homme vers Dieu. Pèlerinage de Dieu vers l'homme... Comment le baptisé, qui a reçu l'Esprit dont on ne sait « ni d'où il vient ni où il va » pourrait-il sacraliser quelque lieu, quelque terre que ce soit? Pour le peuple de ceux qui ont été « renouvelés dans l'Esprit saint », il n'y a d'autre « sacré » que l'Homme, tout homme, d'où qu'il vienne, dont la dignité doit être respectée sans condition. Pèlerin, sédentaire, migrant, réfugié, accueillant : chacun est également aimé de Dieu, chacun est invité à la conversion qui lui fait considérer tout autre comme un « frère ».
 
Christian Mellon Jésuite
Centre de recherche et d'action sociales - Saint-Denis