Wardrecques : le temps des adieux.

Histoire d'une maison diocèsaine

 
A l’occasion de la messe chrismale, Mgr réunit ses collaborateurs, prêtres et diacres, ainsi que leurs épouses pour un dernier repas à la maison de l’Ave Maria à Wadrecques, un repas d’adieu en quelque sorte, pour tous ceux qui eurent l’occasion de fréquenter la maison, qui pour une session, qui pour une retraite, qui pour un conseil autour de l’évêque.

 

Le temps des fondations


Au début du siècle dernier, l’abbé Pierre 0udin achetait une maison sise dans une grande propriété en vue d’y organiser des retraites pour les conscrits. Au fil des ans, la maison sera agrandie en ajoutant des ailes au bâtiment primitif, puis en édifiant des salles (les annexes 1 et 2). La maison s’ouvre également à des retraites en tous genres, dont des retraites de fin d’études pour les jeunes fréquentant les collèges religieux. Faut-il rappeler le style classique, pour ne pas dire rigide, dans lequel se déroulaient les exercices spirituels d’alors. Le diocèse de Lille n’étant pas fort pourvu en maisons d’accueil, de nombreux groupes du diocèse voisin, mais aussi de nombreuses communautés religieuses viennent en retraite à Wardrecques.

 

Maison pour retraitants


C’est ainsi que la maison est surtout connue pour les semaines de retraites. Elle accueille donc un public très ciblé. A partir de 1971, avec l’arrivée du Père Gérard Hazebaert et de sœur Michelle, la maison devient davantage maison de retraite spirituelle, pour de nouveaux groupes. De nombreux participants y viennent alors de France et de l’étranger, ainsi que des prédicateurs de tous horizons et même de plusieurs pays. L’extension de la maison et la création d’un ascenseur la rendront plus accessible encore.

 

Maison de sessions


Progressivement la maison va accueillir des groupes apostoliques, sous forme de journées de réunion. Des paroisses et des écoles sont accueillies pour les retraites de communion solennelle. Cependant avec la diminution et la disparition progressive des groupes de retraitants pour une semaine, la gestion financière de la maison devient plus difficile. Fort heureusement de « généreux donateurs » autour de « l’Association des Amis de l’Ave Maria » viennent soulager le fardeau. Le père Gérard Muchery a pris la direction à partir de 1993. La présence d’un couple gestionnaire et accueillant, Jean-Yves et Marie-Thérèse, assure un rayonnement fort utile ; mais bientôt, le cœur attiré par leurs origines bretonnes, ils regagnent leur pays natal.

 

Travaux et mise aux normes


Dès 1994 une étude est en cours concernant l’avenir et les travaux nécessaires. Faut-il remettre aux normes, investir lourdement ? Mgr Derouët prend une décision positive, qui engage à tenir la maison pendant vingt ans, le temps d’amortir les travaux. L’association des amis de l’Ave maria est créée en juillet 96. Une malencontreuse inondation due au débordement du ruisseau qui traverse le parc, puis la visite de la commission de sécurité en janvier 97 oblige à des travaux plus importants et entraine la fermeture de la maison jusqu’à la fin des travaux en mai 1998.

 

Un redressement qui ne vient pas

 

L’orientation des groupes vers d’autres lieux d’accueil aura été très préjudiciable pour l’Ave maria. Malgré des conditions d’accueil nettement améliorées, la maison n’a jamais retrouvé son niveau d’activité antérieur, et d’année en année s’est creusé un déficit d’exploitation. A partir de 2003 le diocèse est obligé de soutenir davantage le budget ordinaire. Ce ne sont pas les demi-journées de telle paroisse ou doyenné, ni de tel mouvement qui comblent le déficit continu. Ce n’est pas le cas pour Condette, qui, dix ans après la cession par les dames de Saint Maur a trouvé un équilibre sous la houlette du père Jean-Claude Boulanger et de son équipe. La maison Saint-Vaast, après une phase difficile, et la fermeture de la Maison des œuvres trouve, elle aussi, un équilibre. Or ce sont davantage des groupes de nordistes qui fréquentent l’Ave Maria ; le nombre des retraitants et des sessionnistes pour plusieurs jours diminue.

 

 

Avec des si...


Pourtant la position centrale de Wardrecques (70km de toutes part) pour un diocèse éclaté, dont les villes sont sises à la périphérie du département, et ses conditions d’accueil auraient du asseoir une participation diocésaine plus grande, hélas ! Des journées de formation théologique, sessions d’été, initiation à l’art, aux icônes, expression corporelle et spiritualité n’ont pas inversé le cours des choses. Les doyennés tout proches ont leurs propres structures d’accueil ; la notion de lieu de ressourcement ne crée pas non plus de sursaut. Il devient évident qu’il faudra se séparer de la maison. Mgr Jaeger écrit à toutes les congrégations religieuses en France, ainsi qu’aux communautés nouvelles, mais il n’a aucun retour. Comme il le dira à l’assemblée générale des religieuses à Condette en avril 2006 : « il semblerait que les communautés préfèrent s’implanter dans le Sud plutôt que dans le Nord de la France ». En 2006 vient donc la décision de chercher un repreneur. De nombreuses tractations et propositions auront lieu qu’il est trop long de rappeler ici. Sur le choix, Monseigneur s’en est déjà expliqué. La proposition retenue est de vendre à un promoteur qui créerait un espace aux multiples fonctions au service des personnes âgées : accueil de jour et accueil de longue durée de malades Elsheimer, Mapad et résidents ainés payants. Ce projet a reçu l’aval du Conseil régional et du Conseil général. Peut-être y aura-t-il, après la fin des travaux, possibilité d’accueil pour des réunions à la journée.


Le diocèse n’avait pas les moyens de subvenir à trois maisons diocésaines. Les Tourelles et la maison Saint Vaast ont réussi à équilibrer leur budget. Ce n’était pas le cas de Wardrecques. Le fait d’avoir vécu davantage en autarcie, plus que les deux autres maisons, le fait de compter sur des groupes qui s’amenuisaient au fil des ans expliquent partiellement la situation actuelle.
Il aurait fallu bien d’autres pages pour évoquer les péripéties heureuses ou moins heureuses qui ont jalonné un siècle d’histoire. La conclusion revenait à Mgr Jaeger qui déclarait aux prêtres et diacres, réuni le 7 avril, au repas après la messe chrismale : « que la maison comme telle ne pouvait plus remplir sa mission et qu’elle n’avait plus d’avenir. »
Abbé Emile Hennart
(Photos anciennes : arrivée de retraitants ; abbé Oudin ou Delépine?)
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 8289 visites