L'homme sensé

Homélie du 2ème dimanche de Pâques, Equipes Notre Dame - Saint Léger

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Amis des Equipes Notre Dame, le mouvement auquel vous appartenez vous aide à découvrir la beauté et la force de votre mariage. Vous vivez ce sacrement depuis un, deux, dix, trente ou même cinquante ans. Ou plus ! Et je pense ici à plusieurs paroissiens. Quel que soit le nombre de vos années, l’Evangile de ce jour vient interroger une valeur sur laquelle repose la solidité de votre couple : la confiance, et puis la tendresse.

 

Regardons Thomas. C’est un homme raisonnable. On comprend sa réaction. Elle est logique. C’est même rassurant de le voir réagir ainsi. S’il avait acquiescé sans aucune opposition, on aurait pu se demander si cet homme était vraiment équilibré. Croire que Jésus est vivant alors que les foules ont été témoins de sa mort, de sa mise au tombeau, relève de la « bêtise ». La réaction de Thomas montre qu’il est sain d’esprit. Thomas est donc un homme logique, ce qui ne l’empêche pas d’être sensible. C’est un homme qui a besoin de voir et de toucher.

 

Messieurs les maris, soyez des hommes raisonnables, des hommes équilibrés, rassurants (vous l’êtes sans aucun doute) pour votre épouse. Des hommes solides, structurés, sains d’esprit, cultivés, droits, capables de discernement. Mais soyez aussi des hommes sensibles. Des hommes du regard et du toucher. Que vos sens soient au service de votre amour pour votre épouse. Regardez-la. Dites-lui combien vous la trouvez belle. Redites-le lui tous les jours. Non pas comme un devoir évidemment, mais parce que c’est ce que vous croyez au plus profond de votre cœur. Exprimez-le. Dites vos sentiments, vos émotions, sans peur. Trop souvent les hommes sont pudiques, muets. Osez les mots, osez les gestes. Les caresses et les baisers. Osez la tendresse. Elle dit la confiance.

 

Mesdames, vous aussi, soyez sensibles. On dit que vous l’êtes plus que les hommes. Il ne s’agit pas ici de mesurer les degrés de sensibilité. Evitons les clichés réducteurs. Une chose est certaine cependant, il vous faut sans cesse trouver la juste attitude qui permet de mettre le doigt sur la thomas thomas  blessure secrète de votre mari. Les hommes n’aiment pas montrer leurs fragilités. Il y a des plaies invisibles. Alors mesdames, cultivez votre sixième sens, redoublez d’attention pour votre époux. Offrez-lui cette tendresse qu’il réclame. Mettez votre main sur le cœur de votre aimé. Messieurs, comme le Christ, acceptez cette main sur votre cœur blessé par l’amour et la confiance que vous recevez par ce geste de douceur.

 

Amis couples, le texte de l’Evangile nous dit que « les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées ». Il arrive quelques fois que les cœurs se verrouillent aussi. Il arrive que des hommes ou des femmes se ferment, verrouillent leurs émotions, se taisent. Le couple se parle, mais les personnes ne parlent pas toujours d’elles en profondeur. Le devoir, ou plutôt le désir de s’assoir, que proposent les END est un très beau moyen pour s’écouter mutuellement. Cela dit, cet exercice peut aussi être un piège. On peut vivre ce moment avec bonheur et ensuite se laisser avaler par la routine jusqu’à la prochaine fois où l’on va accomplir l’exercice. On pourra dire aux équipiers lors de la prochaine rencontre : « Bon alors, le devoir de s’assoir, ça on l’a fait, et même deux fois. C’était super bien. On a bien parlé… » Tant mieux ! Mais vous comprenez bien que la tendresse ne se vit pas en pointillés, la confiance ne se vit pas par à-coups. C’est en tout instant qu’il nous faut poser notre oreille sur le cœur de l’autre.

 

Je dis « nous », car ce qui est particulièrement vrai dans les couples, l’est aussi pour tous, notamment celles et ceux qui ont perdu leur conjoint, ou celles et ceux qui n’en n’ont pas. Avec nos parents, nos amis, nos proches, nos collègues de travail, nous avons tous à vivre le discernement et la compassion. Dans un monde souvent stressant, où les rapports humains semblent de plus en plus violents, il nous faut mettre Thomas à l’honneur, sachant que Thomas se laisse déplacer, transformer par le Christ. « Mon Seigneur et mon Dieu » dit-il. Thomas l’incrédule devient serviteur. Il s’humilie. Il reconnaît son erreur et devient témoin. Il reconnaît surtout son Dieu. Il entre dans le mystère. L’homme sensé, l’homme sensible, devient l’homme de l’essentiel. Toute sa personne se tourne vers les réalités du ciel.

 

La première parole du Christ ressuscité est un souhait de paix : « La paix soit avec vous. » dit-il à chacun à chaque apparition. Mes amis, que la paix de Jésus soit dans vos couples, dans vos familles, dans vos relations. La paix, ce n’est pas le silence ou la quiétude, en tout cas pas la paix du Christ la paix du Christ  uniquement. Lorsque bébé braille à deux heures du matin, Dieu dit la paix qu’il vous souhaite ! Peut-être allez-vous penser : « On voit bien que l’abbé, il ne sait pas ce que c’est que se lever à deux heures du matin pour changer la couche ! ». Je vous l’accorde. Et pourtant, je crois réellement que la paix n’est pas de l’ordre de la tranquillité. La paix du Christ est un élan constant vers l’autre, les autres. Vers les plus fragiles, les plus blessés, les plus dépendants. La paix annoncée et donnée par Jésus est un appel à l’amour quotidien… et nocturne ! La paix offerte par le Ressuscité est un don qui permet de cicatriser les plaies de ceux qui pourraient mourir d’isolement, de peur, de faim ou de froid, si l’on ne posait pas les mains sur ces personnes.

 

Je termine en souhaitant à chacun, vraiment, de vivre dans la paix du Christ. Nous échangerons cette paix au cours de la messe. Là encore, il ne s’agit pas d’un geste à vivre en pointillés de dimanche en dimanche. C’est un geste de confiance, un geste qui enlève tous les doutes. En recevant la paix des frères et sœurs chrétiens, nous nous engageons à la porter au monde. Un monde si beau mais un monde blessé, un monde de technicité et de logique, mais aussi un monde qui attend une parole qui lui donne son sens : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu… ».

Comme Thomas, l’homme sensé, logiquement, nous allons tous nous réjouir de cette nouvelle naissance !

Abbé Xavier