Pourtant partants

Homélie du dimanche 6 mai 2018 - 6ème dimanche de Pâques

 

 

Pourtant partants !

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Comment commenter ce passage d’Evangile ? Je reste longtemps devant le texte, essayant d’écrire quelques lignes, mais rien ne vient. Faut-il réconforter les cœurs en listant des gestes de paix et de réconciliation, comme celui vécu sur la place hier, un cercle de silence pour protester devant la fermeture du camp de Angres pour les Vietnamiens exilés ? Les exemples de charité ne manquent pas. Ils sont autant d’occasions de rendre grâce à Dieu. Mais j’ai peur d’un satisfecit qui permet d’oublier les situations les plus douloureuses. L’amour est encore si souvent blessé. Faut-il alors écrire avec l’encre de mes larmes, en couchant sur le papier les échecs, les ruptures, les haines viscérales ? Chacun sait que l’amour demandé par Jésus, le commandement proclamé il y a deux mille ans, n’est pas encore atteint.

 

« Aimez-vous les uns les autres. » Peut-on obliger quelqu’un à aimer ? Peut-on commander un sentiment ? Bien sûr que tout le monde souhaite un monde de paix, harmonieux, sans aucune discorde. Mais les êtres humains, les corps et les esprits humains, sont remplis de forces contradictoires. Saint-Paul lui-même le disait : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas.. » (Rm 7,19) La demande de Jésus ressemble à un rêve. L’ambition est splendide, mais sa réalisation semble compromise.

 

Je ne sais pas commenter ce texte. L’Evangile devrait réchauffer nos cœurs, mais une vision réaliste du monde m’empêche de proclamer la réjouissance annoncée par Jésus : « Que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » (Jn 15, 11) Jésus n’est-il qu’un rêveur ?

 

Pourtant...

 

Pourtant, je le sais portant ! Jésus porte ce projet en portant la croix. La souffrance infligée est le gage de la réalité. Le rêve évite le supplice. Jésus, lui, porte le projet de l’amour universel sur la croix des douleurs. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » C’est la seconde partie de la phrase qu’il faut bien entendre : « Comme je vous ai aimés ». « Comme je vous ai sans-titre sans-titre  aimés » est la demande qu’il formule à ses disciples d’aimer comme il le fait, c’est-à-dire en allant jusqu’au bout, en pardonnant à l’ennemi, en servant les plus humbles, etc. Et le disciple ne peut pas faire fi de cette demande. Mais réaliser cela comme le fait Jésus est mission impossible. Lui seul peut aimer parfaitement, puisque lui seul est Dieu. Le mot « comme » est alors et surtout à comprendre en « étant donné que », « puisque » : « Puisque je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » Cela en change un peu le sens. Le commandement de l’amour radical demeure. Il faut mettre en œuvre l’enseignement reçu sur le Mont des Béatitudes : vivre le partage et la prière dans le secret, ne pas juger, etc... (Cf Mt 6 et 7) ; tout en comprenant que Le Christ assume toutes nos œuvres sur la croix.

 

Bien sûr que nos plus belles générosités sont entachées du péché d’orgueil. Evidemment qu’il reste ici ou là le mystère de la jalousie... Le Diable, le Diviseur sait y faire : là où il y a l’amour, il veut mettre la division. Et il sait s’y prendre. Il n’aime pas l’amour. Est-ce que, pour autant, il ne faut rien faire ? Nos actions ne seront jamais pures, c’est vrai. Nous sommes marqués du péché originel. Jamais notre amour ne sera aussi pur que celui du Christ. L’amitié aussi sincère. Lui Jésus n’est pas atteint par le péché. Le Diable a beau y faire, il n’a aucune prise sur ses œuvres puisqu’il est le Fils de Dieu, le Fils de l’amour absolu.

 

« Puisque je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. Puisque le Père m’a aimé… Comme le Père m’a aimé... Puisque moi qui suis pur, moi qui suis le Fils du Très-Haut, je vous ai aimés » dit Jésus, « aimez-vous ! N’ayez pas peur. » C’est comme s’il nous disait de ne pas craindre les incompréhensions restantes, les distorsions entre nos désirs les plus nobles et la réalité des faits. Car c’est lui, le Christ, qui par sa toute puissance, comble les manques. C’est lui qui, assumant la croix, emporte dans sa mort les erreurs, les manques, les mensonges, les jugements, les impatiences... « Aimez-vous les uns les autres, même de façon imparfaite, qu’importe, puisque moi, Jésus, le Fils éternel, je comble tous les abîmes. Je transforme les restes de haine en amour. Ma résurrection sublime toutes les relations. N’ayez pas peur. Ayez confiance. Aimez-vous toujours, malgré tout. Le mieux possible. Moi, je vous porte. Mes souffrances, les clous et la lance, les épines et les crachats ont réparé à l’avance toutes vos erreurs. Aimez-vous, puisque j’assume tout par la souffrance et par la confiance que j’ai en mon Père. »

 

« Comme je vous ai aimés » est donc un mot de comm-union. Unis au sacrifice de Jésus, porté par le don de sa vie, nous n’avons plus peur d’oser la bonté. Nos cœurs seront toujours imparfaits, c’est sûr. Il ne s’agit pas de nous en contenter ; il y a toujours des efforts à fournir, des pardons à demander, des remises en question à effectuer. Mais quoiqu’il en soit, nous sommes sauvés. Nous sommes sauvés. Christ nous a libérés du péché et des ruptures de fraternité. Au-delà de tout ce que nous percevons, le Royaume est déjà gagné. L’amour est vainqueur. En communiant au Christ, nous communiquons la joie du Sauveur. La bonne nouvelle thLAW7Z3MZ thLAW7Z3MZ  de l’Evangile réside dans cet amour : l’absolu amour du don du Fils, l’amour de Jésus.

 

En méditant l’Evangile, je ne savais pas ce que je pouvais en dire. Peut-être parce qu’il était trop important. Pourtant, puisque c’est le Christ qui porte la croix de nos tourments, je termine par cette demande : pour tant d’amour à vivre, serons-nous encore partants ?

 

Abbé Xavier