L'Esprit prie

Homélie de la Pentecôte

Dimanche 8 juin 2014,

Pentecôte, Saint Léger

 

L’Esprit prie.

 

 

Nous produisons notre propre prière. Ce que je veux dire, c’est que trop souvent, notre esprit fabrique ses divinités. Dans l’antiquité, les peuples adoraient des dieux. Ils les priaient pour demander la pluie, la victoire ou je ne sais quelle bénédiction. Il nous arrive bien souvent de prier des divinités. Elles ne portent plus les noms d’Horus ou d’Osiris. Nous ne les représentons plus avec un corps d’homme et une tête d’animal, comme on peut les voir ici au Louvre. Pourtant il nous arrive bien souvent de prier nos petits dieux. Et je ne parle pas ici des dieux Argent, Pouvoir, Egoïsme… Ceux-là, nous ne les prions pas. Quoique ! Mais là n’est pas la question pour ce matin, pour ce jour de Pentecôte.

 

Nous sommes entrés dans l’église, et peut-être avons-nous allumé un cierge. Nous avons sans doute tracé sur nous le signe de croix et, assez vite, nous sommes entrés en conversation avec Dieu. Avec Dieu ? Ou avec notre espoir, notre petite divinité, notre désir ? Chacun d’entre nous porte de belles intentions de prière dans son cœur. Nous souhaitons la guérison d’un proche, l’obtention d’un travail pour un ami, l’unité d’une famille… Et nous prions Dieu de nous exaucer. La prière universelle que nous allons vivre dans quelques instants exprimera les souhaits de notre communauté, nos désirs d’unité et de paix, ici et dans le monde. Tout cela est bon, et nous croyons que Dieu, le vrai Dieu, entend la prière…

 

Mais… Mais avant de parler, avant de demander, de réclamer, avons-nous écouté ? Oui, trop souvent, nous produisons notre propre prière, nous parlons de nous-mêmes à une sorte de petite divinité, c’est-à-dire que nous prions le dieu de nos désirs, de nos espoirs, et parfois même de nos caprices. Lorsque nous prions, nous devrions commencer par nous taire. Etre là, face à Jésus, à la croix, face à l’hostie consacrée, et contempler. Ne rien dire. Ne rien exprimer. Seulement le regarder, Lui, Le Dieu unique, Dieu abîmé, Dieu pauvre, Dieu torturé. Le signe de croix, tracé au début de notre prière, n’est pas un signe extérieur, posé sur nous ou au-dessus de notre corps ; la croix pénètre en nous, en notre esprit, en notre intelligence, en notre cœur. En notre âme.

 

Et notre âme fait silence. Elle tente d’oublier ce qui, croyait-elle, pouvait la combler. Elle se rend disponible. « Parle, Seigneur, parle, ton serviteur écoute. ». De même, nos communautés réunies le dimanche doivent apprendre un peu plus sans doute à se poser. Quelle est la place du silence dans le rythme effréné de nos liturgies ? Comment peut-on vraiment se poser en arrivant si tardivement ? Disant cela, il n’y a que de l’amour… pour que nos messes, nos célébrations soient toutes entières consacrées à Dieu. Et merci à celles et ceux qui le permettent en s’investissant dans toutes les préparations. Vraiment merci…

 

A propos de silence, ne trouvez-vous pas que le prêtre parle beaucoup trop ? Alors, pendant un petit temps, je vous invite, maintenant, à écouter votre cœur, ou plutôt Dieu dans votre cœur, l’Esprit de Dieu. Ecoutez bien ce qu’il va vous dire maintenant, quelle folie d’amour, quel acte va-t-il vous demander d’oser, tout à l’heure, très bientôt. La chose que vous pensez être incapable seul de réaliser. Ecoutez donc Dieu nous parler.

 

(Silence)

 

Trop souvent nous produisons notre propre prière, nous écoutons nos propres désirs. La prière chrétienne consiste à nous mettre à l’écoute de la volonté du Père, sa volonté. Il nous parle. Son Fils Jésus nous a proclamé sa Parole, montré sa Parole. Tous les actes de Jésus racontent l’Amour du Père. Et aujourd’hui, Dieu nous offre de vivre comme Jésus, d’agir comme Jésus. Il nous donne son Esprit pour aimer comme Jésus. C’est incroyable ! Il nous donne son Esprit-Saint. Il nous donne sa Force divine pour que nous construisions le Royaume inauguré par son Fils. Il met en nous les sept dons de l’Esprit Saint pour que nous osions vivre la charité, absolument, sans peur. Nous sommes trop timides !

 

Quelle était la chose à laquelle vous pensiez à l’instant durant ce petit temps de silence beaucoup trop court ? Qu’est-ce qui vous est venu à l’esprit ? « Venu à l’esprit », l’expression est idéale ! Qu’est-ce qui vous est venu à l’esprit alors que vous pensiez à un acte d’amour qui serait une folie ? Mes amis, il n’y a rien d’impossible à Dieu. L’impossible est en l’homme. L’homme qui prie les petits dieux de ses désirs, aussi légitimes soient-ils, voit l’immense montagne à déplacer et il se décourage. Parce qu’inconsciemment, il se prie. Il se regarde. Il compte sur ses propres forces. Il n’écoute pas. Il n’a pas goûté la force inouïe que Dieu a mise en lui pour réaliser l’acte charitable. Ecoutons Dieu…

 

Celle ou celui qui a commencé par écouter, comprend la puissance de Dieu. Avec Lui, par Lui, en Lui, tout est possible. Tout. Tout. Tout… Nous parlons d’amour évidemment ! L’amour est possible. Le pardon est possible. Se faire proche des frères est possible. Donner sa vie est possible. Il n’y a plus de folie lorsque l’on a laissé entrer en soi la force de Dieu, l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Pentecôte. On peut prier pour la paix dans le monde, avec notre Saint père le pape François, prier pour Israël et le peuple palestinien. Et nous savons que Dieu réalise, à travers des hommes et des femmes de bonne volonté, cette paix. Il la donne.

 

Mes amis, brûlons de charité. Je sais bien que cette expression revient souvent. On en a parfois « plein la bouche. » Et pourtant… Laissons-nous porter par Dieu, emporter par Dieu, par son Esprit ! Il nous demande d’agir, d’être bons. D’être généreux tout simplement. D’être meilleurs qu’hier. Il nous demande de ne pas nous enfermer dans nos sécurités, nos conforts. Il nous demande de marcher encore, d’aller vers l’autre. Laissons entrer le vent turbulent de la Pentecôte ! Celui qui déverrouille le cénacle de nos cœurs ankylosés. Il nous demande de nous appauvrir, de quitter l’orgueil, et nos jalousies maladives. L’Esprit Saint, le Don de Dieu, la Force de Dieu nous invite à devenir des êtres de feu. Là où il y a la haine, à mettre la paix. Et s’il y a le mensonge, d’oser la vérité. Sans violence, jamais. Sans mépris. Avec un profond amour, un profond respect. Et c’est possible…

 

Et je prierai pour que l’Esprit de Pentecôte nous le fasse mieux entendre. Je prierai pour qu’il nous en persuade. Je prierai, et nous prierons, non pour recevoir les grâces que nous souhaitons, mais pour que la Grâce nous soulève, selon la volonté de Dieu. Qu’elle nous emmène, nous emporte dans un tourbillon de tendresse et de générosité. D’instants en instants, faire le bien. Etre doux. Etre bons.

 

C’est possible. Il ne tient qu’à… Dieu ! Et à nous aussi, c’est vrai. C’est-à-dire qu’il ne tient qu’à nous de laisser agir Dieu en nous. Aurons-nous confiance ? Croirons-nous que c’est Lui qui nous prie ? Que pour Dieu, nous sommes des dieux ? « Vous êtes des dieux » dit l’Ecriture. Que nous portons son Esprit et qu’Il nous prie d’agir pour transformer Son monde ? Attention, il ne s’agit pas de fabriquer un dieu qui louerait l’homme… Ce serait l’orgueil suprême : penser une divinité pour que la divinité mette l’homme sur un piédestal. « Miroir, mon beau miroir... » Non ce n’est pas cela.

Mes amis, il s’agit de prier Notre Père, le Dieu unique et humble qui désire que nous lui consacrions notre cœur, notre vie. Ecoutons notre cœur. Ecoutons notre Dieu. Il brûle en nous. Notre cœur se dilate. L’amour de Dieu, le Don de Dieu nous implore d’agir sans peur. Dieu est là. En nous, l’Esprit prie. Que rien, absolument rien ne nous trouble. Aimons. Aimons en vérité… L’Esprit de Pentecôte, aura alors, en nous, produit une jolie prière.

 

Abbé Xavier

Article publié par Chantal Erouart - • Publié • 2140 visites