Selon Newton

Eglise Saint-Léger - 14ème dimanche année A - Homélie

 

site-15e-Di-TOA site-15e-Di-TOA  « ‘Selon Newton, dans un référentiel galiléen, la somme vectorielle des forces extérieures exercées sur un système ponctuel, est égale à la dérivée du vecteur quantité de mouvement de ce système par rapport au temps.’ Si vous retenez ça, alors vous n’aurez aucun mal à retenir, qu’après le bac, on offre 160 euros aux mentions Très Bien, 80 euros aux mentions Bien et 40 euros aux mentions Assez Bien. Il vous suffit d’ouvrir un livret d’épargne dans l’une de nos agences avant le 30 septembre... »

 

Vous avez probablement entendu ce spot publicitaire à la radio. Avant d’en dire davantage, permettez-moi de féliciter les nouveaux bacheliers. Bravo ! Votre diplôme est le fruit de votre travail et la mention obtenue le signe de votre ténacité. Vraiment, félicitations à chacun. Vos parents et professeurs sont fiers de vous. Quant à ceux qui ont échoué cette année, ne vous découragez pas. A travers les paroles qui suivront, vous comprendrez que vous n’êtes pas oubliés.

 

Je reviens sur le spot publicitaire (je signale simplement que je n’ai aucune action dans la banque qui le diffuse !) : « ‘Selon Newton, dans un référentiel galiléen, la somme vectorielle des forces extérieures exercées sur un système ponctuel, est égale à la dérivée du vecteur quantité de mouvement de ce système par rapport au temps.’… »

 

Je ne doute pas un instant que la plupart d’entre vous avez retenu la théorie de Newton, mais pour ma part, j’avoue avoir beaucoup de mal. Cela dit, j’ai quand même retenu que la banque faisait une offre aux titulaires de mentions. J’ai même compris que l’offre est exponentielle : mention Assez Bien 40 euros, mention Bien 80 euros, c’est-à-dire deux fois plus, et 160 euros aux mentions Très Bien, soit encore deux fois plus.

 

Je comprends donc que, plus on est doué, plus on est récompensé. C’est la logique de notre système. Plus on est fort, plus on peut avoir. C’est pareil en Formule 1, la pole-position revient à celui qui a réalisé le meilleur temps aux essais. Plus on est fort, plus on a le droit d’être devant.

Vous voulez bien que l’on décline la publicité avec un énoncé de théologie ? « ‘Selon la constitution Sacrosanctum concilium de Vatican II : « C'est donc à juste titre que la liturgie est considérée comme l'exercice de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, exercice dans lequel la sanctification de l'homme est signifiée par des signes sensibles et est réalisée d'une manière propre à chacun d'eux, dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus-Christ, c'est à dire par le Chef et par ses membres. Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu'œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l'Eglise, est l'action sacrée par excellence dont nulle autre action de l'Eglise ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré. ’ (SC 7) »

 

Cette magnifique définition de la liturgie vous laisse perplexes ? C’est parce que, volontairement, je l’ai mal lue. Ce paragraphe est une formidable synthèse. Le texte dont il est tiré est tellement beau par ailleurs ! Il est le résumé d’une pensée de l’Eglise sur la Sainte liturgie. Volontairement je l’ai lu de manière difficile à accueillir. Mais nous devrions rendre grâce à Dieu pour ce que les évêques, réunis en concile à l’époque, ont su écrire ensemble. Si je semble blaguer en le lisant de manière monotone, ce n’est pas pour me moquer de ceux qui l’ont écrit. Au contraire, je rends grâce à Dieu d’avoir donné à notre Eglise de tels théologiens. Grâce à Dieu, partout dans le monde, nous pouvons célébrer le culte en le vivant dans une même foi et un même esprit, en communion. Ma petite farce ne sert qu’à mettre en lumière autre chose...

 

Je reviens sur cette société qui récompense plus fortement les plus doués. Le Christ, lui, agit autrement. Il donne sa préférence aux plus humbles. « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Ce n’est pas parce qu’il ne serait pas doué lui-même, que Jésus dit cela. Jésus n’est pas un cancre. Surdoué, à 12 ans, il enseignait déjà aux docteurs de la Loi ! On peut imaginer qu’à 30 ans, cet homme, qui enseigne avec autorité, est un érudit, qu’il possède toutes les sciences. Ce n’est donc pas par faiblesse intellectuelle qu’il a une préférence pour les derniers... Si Jésus loue son Père pour eux, c’est parce que sa connaissance des mystères divins l’a rapproché de la simplicité du cœur de Dieu.

 

Dieu est simple et il se dit simplement. Le cœur de Dieu n’est pas compliqué. Jésus le sait. Jésus l’a compris. Lorsqu’il observe les ‘petites gens’ – l’expression n’est pas péjorative – il contemple Dieu à l’œuvre dans les événements les plus ordinaires de la vie. Dieu ne se manifeste pas d’abord dans l’ouragan ou le tonnerre d’une démonstration scientifique magistrale, il s’écoute avant tout dans le doux murmure de la brise du quotidien. Les mères et les pères de famille n’ont peut-être pas lu la Somme théologique de Saint Thomas D’Aquin, encore que… Mais ils connaissent, tous, le prix du pain et combien de temps et d’énergie sont nécessaires pour laver et repasser les affaires des enfants. Tous n’ont pas eu la chance de faire de hautes études, mais tous savent ce que signifient les mots « courage » et « abnégation ».

 

Jésus ne fait pas le procès des sages et des intelligents. Sinon il ferait son propre procès ! Jésus a de l’admiration pour ces hommes et ces femmes qui, humblement, prient Dieu de les aider à s’en sortir. Car la vie est rude quelquefois, si rude. Ils savent que Dieu peut les secourir, les soutenir. Leur prière n’est pas forcément la récitation des psaumes ou de prières apprises par cœur à la Synagogue. Beaucoup n’aimaient pas l’école ou n’ont même pas pu y aller... Leur prière n’est pas la récitation du Credo parce qu’ils avaient du mal à tenir en place au catéchisme... Mais les mots qu’ils emploient pour supplier Dieu d’être à leurs côtés sont si simples et si vrais qu’ils touchent directement le cœur de Dieu.

 

Selon la légende, Newton a écrit son théorème après avoir reçu une pomme sur la tête. Selon les théologiens, il n’y a jamais eu de pomme dans le récit de la Genèse à propos d’Adam et Eve. Le texte parle du fruit de la connaissance du bien et du mal. Selon les humbles, le prix du kilo de pommes risque d’augmenter…

 

Selon Jésus : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. […] Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde... » Il y a bien d’autres théorèmes que Jésus énonce, et l’Evangile en fait très bien mention. Par exemple : La pauvre veuve qui ne met que deux piécettes, c’est-à-dire tout ce qu’elle a pour vivre, dans le tronc du Temple, pour montrer sa confiance en Dieu, a mis plus que les riches qui ont pris sur leur superflu. (d’après Lc 21, 2-4) Si vous retenez cela, vous aurez compris qu’elle a choisi... la bonne banque !

 

Abbé Xavier