Une autre logique

Chapelle de l’hôpital de Lens -Messe de Noël (Evangile de Luc 2, 1-14)

Mardi 20 décembre 2016

Chapelle de l’hôpital de Lens

Messe de Noël (Evangile de Luc 2, 1-14)

 

Une autre logique !

 

Quirinius veut connaître l’étendue de son pouvoir. Pour ce faire, il met en place un recensement. thTNF849WS thTNF849WS  Il compte. Il est dans la logique mathématique. Il veut évaluer quelle est sa puissance. Sans doute pour mieux organiser son état. Et sans doute cela part-il d’une bonne intention. Suite à cette décision, des hommes et des femmes vont rejoindre le lieu de naissance de leur famille, comme Joseph qui s’en va jusqu’à Bethléem. Et il advient cet événement que nous célébrons aujourd’hui, 2000 ans plus tard : la naissance d’un bébé, comme il y en a, dans cet hôpital, des centaines par an.

 

Une naissance : c’est à la fois un événement tout petit, anodin, compte-tenu du nombre de naissances dans le monde à longueur d’années, et en même temps, pour ceux qui sont témoins de cet événement-là, et pour ceux qui reçoivent cet enfant dans leur famille, c’est unique, un immense bonheur. D’un seul coup tout change dans leur vie. A l’époque, il y a 2000 ans, ceux qui sont témoins de la joie d’une humble famille, bien modeste, ce sont des pauvres. Des gens qui n’ont rien. On ne le sait que trop bien : les bergers à l’époque n’étaient vraiment pas considérés, reconnus, ils étaient mis à l’écart. Et ce sont eux qui entendent les anges chanter dans le ciel, peut-être au-dessus des nuages mais certainement au plus profond de leur cœur, quelque chose qui les bouleverse. Ils éprouvent une joie qui les transfigure. Ils se rendent sur ce lieu de crèche et ils entrent dans la joie d’une famille. Et ensuite ils vont en témoigner partout.

 

2000 ans après, c’est incroyable, nous faisons encore mémoire de cet événement. Et nous croyons que c’est le Fils de Dieu qui est venu visiter la terre. 2000 ans après, nous voulons témoigner de la proximité de Dieu auprès des personnes, de toutes les personnes, quelles que soient leur confession, leur culture, leur opinion… Dieu a le souhait d’être là et d’aimer. Et il le fait. Nous, humblement, nous essayons de le dire, de le témoigner, avec nos travers, avec nos limites, mais avec notre vérité, notre cœur. Nous essayons de dire qui est Dieu et quel sens il donne à notre vie… Lorsque tout va bien mais aussi lorsqu’il y a des douleurs, des fragilités, des souffrances.

 

Dans cette maison hôpital, très grande, il y a beaucoup de souffrance. Beaucoup de personnes thT00DF70K thT00DF70K  en situation de solitude et de douleur physique. Je ne suis pas autorisé à parler de cette douleur que je ne connais pas. Mais vous êtes nombreux à l’avoir connue, ou la connaître, à avoir des proches qui la connaissent, et puis nous sommes nombreux à accompagner des gens qui sont dans des situations de grande souffrance.

 

Les bergers à l’époque n’avaient rien du tout, pauvres parmi les pauvres. Nous, pour soulager des souffrances, pour être présents, pour essayer de réconforter, nous n’avons pas grand-chose. Nous n’avons ni l’or, ni l’encens, ni la myrrhe des mages. Nous avons peut-être un peu de laine, quelques bricoles que l’on voudrait, comme les bergers, déposer au pied de la crèche. Ce peu que nous avons, c’est notre force, c’est notre cœur. Ce peu que nous avons, c’est une aumônerie, une cellule d’Eglise, une présence. C’est vous particulièrement qui êtes là, mais plus largement vous autres, autrement. Parce que quand je regarde vos visages, les uns et les autres, tous vous n’êtes pas engagés au sein de cet hôpital, mais tous, je crois pouvoir le dire, vous êtes engagés dans un service pour dire la proximité de Dieu auprès de tous. Dieu qui se fait homme parce qu’il aime l’homme.

 

Mais restons sur ce service ici, qui est en peine, qui devient de plus en plus pauvre, parce qu’on le sait, c’est la conséquence d’une décision prise par mesure d’économie. C’est révoltant ! On a mal, on a envie de crier, de hurler. Peut-être faudra-t-il le faire, je ne sais pas. Jusqu’à maintenant nous avons choisi d’entrer dans une dynamique qui est celle de la douceur, et surtout de l’acte de foi. De croire que ce n’est pas la violence qui l’emporte (on ne voit que trop bien dans l’actualité, hier encore à Berlin, combien cette violence mène à la violence qui répond à la violence, et elle ne résout rien). Mais c’est la petitesse, c’est la pauvreté, c’est la reconnaissance que seule la puissance est en Dieu. C’est la force de la prière, non pas pour nous rassurer, ou pour essayer de trouver des solutions à bon compte. Non ! C’est vraiment la foi des bergers que de reconnaître que Dieu, après tout, s’il veut se dire, en trouve les moyens. Cela demande donc de notre part un acte de foi puissant. Mais pas seulement : une action également. Cette action vous la menez depuis longtemps. Et il semblerait que l’on s’épuise lorsqu’on manque de moyens. Bien sûr !

 

Nous vous remercions. Nous vous remercions et nous vous demandons de continuer, autant que faire se peut. Et nous vous demandons de continuer en notre nom à tous. Nous voulons vous épauler, et nous nous engageons, pas forcément ici à l’intérieur de ces murs, à prier pour vous mais aussi à chercher autour de nous des personnes qui peuvent aider. Ce n’est pas que votre affaire ici à l’aumônerie ce qui est à vivre, cela ne concerne pas que 10 ou 12 personnes, c’est l’affaire de l’Eglise entière. Et nous sommes pauvres avec vous. Mais avec vous nous allons essayer de trouver des personnes. Mais surtout nous en remettre à Dieu.

 

Il y a dans cette manière de vivre aujourd’hui un certain nombre de choses qui nous mettent en colère. L’économie : on ne peut pas faire n’importe quoi bien sûr, mais cette façon de compter quelquefois irrite car elle considère d’abord le patient comme un client, c’est révoltant. Lorsqu’au lieu de nommer Mme …, on donne le numéro de chambre, c’est révoltant. Lorsqu’on fait faire des allers-retours trois fois, quatre fois, cinq fois dans la semaine, au lieu de garder la personne à l’hôpital, afin de faire du chiffre en nombre d’entrées, c’est révoltant. Ce n’est pas la logique de l’être humain. Ce n’est pas notre logique. Ce n’est pas la logique de Dieu. Et peut-être faut-il le dénoncer. Peut-être faut-il trouver la manière de dire les choses. Mais encore une fois, il ne s’agirait pas de devenir violents nous-mêmes. Sinon nous risquons d’utiliser les moyens de ce que nous dénonçons.

 

Avec ce qui se passe ici, nous voulons célébrer Noël, nous voulons entrer dans cette espérance, de croire que, malgré notre pauvreté, réelle (on n’a pas d’argent), malgré cette carence financière, notre force c’est la foi. Et là-dessus, aucun être humain ne peut lutter contre Dieu.

 

Aussi mon espérance est totale. Le service vécu ici se poursuivra grâce à chacun.

 

Amen

Abbé Xavier