Champions d'Europe

Homélie 6ème dimanche de Pâques du 25mai 2014

Saint Léger, le 25 mai 2014

6ème dimanche de Pâques

 

Champions d’Europe

 

Hier soir, ça s’est joué à la toute dernière minute, dans les arrêts de jeu. Le défenseur de l’Atletico de Madrid était un tout petit peu en retard et l’attaquant adversaire a pu se placer et marquer le but de la tête. Toute dernière seconde. Résultat, 1 partout, prolongation, et au final 4 à 1 pour le Réal de Madrid qui devient une nouvelle fois champion d’Europe. Au dernier moment, une toute petite erreur de marquage, un tout petit temps de relâchement dans la défense, et ce fut fatal pour l’équipe. Le défenseur doit s’en vouloir horriblement. D’autant plus que, comme les autres membres de l’équipe, il avait fait un match remarquable. Son entraîneur, à ce moment-là, est soudainement devenu bien violent. Peut-être comprenait-il que, malgré leurs multiples dons, ses grands joueurs n’étaient pas l’Esprit Saint !

 

« Mon Père vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est l'Esprit de vérité. » disait Jésus à ses amis dans l’évangile d’aujourd’hui. Loin de moi l’idée de faire de Jésus un sélectionneur d’équipe. D’ailleurs, abandonnons le football, cela risquerait de devenir agaçant pour celles et ceux qui n’aiment pas ce sport. Par contre, restons sur l’idée du défenseur sans faille : l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité.

 

Sans faille, toujours vigilant. Toujours là, prêt à surgir de nulle part pour protéger, pour défendre. Il se manifeste à travers la présence fidèle de l’ami, la parole innocente de l’enfant, le souffle à peine perceptible d’un courant d’air. Soudain, on reconnaît sa présence et l’on se sent en sécurité. Quelqu’un est avec nous. Invisible, impalpable mais présent. Une force nous envahit et rien ne peut nous atteindre. On dirait qu’un voile invisible est venu nous couvrir et qu’aucune arme ne pourra briser l’armure qui nous recouvre. Que ce soit pour nous même, pour notre famille, ou pour notre communauté, le défenseur nous protège de toutes sortes d’agression. Nous le savons. Il est indestructible, infaillible. Il est tout-puissant.

 

Encore faut-il faire appel à Lui ! L’on pourrait imaginer ne pas avoir besoin de ses services. Se croire suffisamment intelligents, suffisamment forts, pour régler les difficultés, passer les épreuves, construire des projets sans lui. Sans doute serions-nous capables de réaliser de grandes œuvres. Mais, il est probable que notre monde s’écroulerait s’il ne reposait pas sur Dieu. Il pourrait bien y avoir une faille humaine, un orgueil, un grain de sable, un tout petit mauvais marquage, qui nous fasse perdre la finale… On pourrait avoir de beaux projets, construire l’Europe par exemple, mais si Dieu n’y est pas invité, nous pourrions devenir plus violents que fraternels.

 

Champions d’Europe. Construire l’Europe, quelle magnifique ambition ! Puissions-nous la réaliser. Mais pas seuls. Puissions-nous construire l’Europe sur d’autres critères que ceux de l’économie. A chacun de chercher les valeurs, les vérités auxquelles il tient. Et de s’investir afin qu’elles soient vécues dans une Europe humaine. Quelle place pour l’écologie, pour l’énergie, pour les transports que tous pourraient utiliser ? Quelle place pour l’étranger ? Quelle place pour la personne âgée, ou pour l’embryon dont on dit qu’il sera handicapé ? Quelle place pour la jeunesse ? Quelle reconnaissance pour leurs diplômes à tous ces jeunes ? Sommes-nous vraiment prêts à partager nos richesses ? Les cultures et les religions auront-elles le droit de s’exprimer librement ? Préfèrerons-nous le consensus, le formatage des idées ? Voulons-nous une Europe avec des médias indépendants, une télévision intelligente, dégagée d’émissions ou de feuilletons pollués par le fric à tout va ? Demanderons-nous l’aide de l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité pour éclairer les consciences, apaiser les cœurs, envoyer des prophètes en politique, des hommes et des femmes intègres ? Des hommes et des femmes toujours prêts à s’expliquer devant ceux qui le leur demandent, capables de « rendre compte de leur espérance avec douceur et respect » comme le dit l’Ecriture. Il en existe beaucoup de ceux-là, mais, trop souvent, ils semblent ne pas avoir assez voix au chapitre. Prierons-nous l’Esprit Saint pour que leur voix se fasse mieux entendre ? Et la nôtre avec.

 

Ne nous trompons pas. Dieu ne donnera pas des réponses toutes faites, magiques… Les solutions pour l’avenir des nations n’est pas écrit sur un programme céleste dont Dieu serait le concepteur. Prier l’Esprit Saint, demander son aide et sa défense, c’est demander à Dieu d’éclairer les hommes et les femmes de ce temps, pour oser changer certaines perspectives qui n’ont d’autres issues que la violence et la mort. On peut toujours choisir entre Dieu et l’argent, c’est Jésus qui le dit. Mais si l’on choisit Mammon, le dieu argent, on condamne le frère à une mort certaine. Et au final, on se condamne avec lui. Si l’on oublie la fragilité de la Grèce ou du Portugal, si l’on veut se replier sur soi, viendra un moment où un plus puissant que nous se recroquevillera aussi sur lui-même, nous abandonnera. Est-ce cela que nous voulons, un monde égoïste ? Sachant que c’est ainsi que montent les nationalismes et les dictatures fascistes.

 

Prier pour l’Europe, inviter Dieu dans notre bulletin de vote, s’engager en politique en tant que chrétien, ce n’est pas faire la leçon à qui que ce soit… C’est seulement oser donner le meilleur de soi. Donner la part divine de soi. Croire que le Royaume instauré par le Christ est réalisable. Ce Royaume repose sur une fraternité, une entraide entre les peuples, entre les familles, entre les cultures. L’ouverture donne la vie. La fermeture, c’est l’enfer. C’est bien le sens du mot enfer : enfermement.

 

Que feront les chrétiens ? S’endormiront-ils ? Ou seront-ils un sel pour la terre ? Seront-ils un ferment pour que tous les hommes et toutes les femmes soient respectés ? Aimés ? Que tous aient leur dignité ? Face aux montées de violence, face aux populismes qui surfent sur les peurs, les chrétiens auront-ils la force et le courage de se reposer sur l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité ? La vérité, ça se creuse, ça s’étudie. L’Esprit qui annonce et agit pour que tout homme soit reconnu comme un frère. Saurons-nous faire appel au défenseur, non pas pour nous protéger d’un étranger mais pour lui offrir notre cœur, notre liberté de l’aimer ? Et d’être aimé de lui ? Faire appel au défenseur n’est pas un repli sur soi, mais une manière d’aller de l’avant, paradoxalement, de passer à l’attaque ! Non pas pour détruire mais pour organiser autrement le monde. Lui donner une autre logique. Ne pas forcément avoir un champion, devoir jouer des prolongations pour déterminer un vainqueur, mais pour que tous les peuples soient à égalité de chance. Un partout, la balle au centre, et la coupe pour tous !

 

Mes amis, voyons encore plus grand. Pas seulement l’Europe, mais le monde, mais l’Afrique, et les peuples en souffrance. Et pas forcément l’Afrique en souffrance par sa pauvreté en bien des lieux mais aussi l’Afrique capable d’échanger de nombreuses richesses. Regardons aussi les Amériques ou l’Asie pour leurs soi-disant richesses et leurs autres pauvretés. Et pas seulement le monde, mais l’univers. Voyons grand. Voyons le projet de Dieu. Il veut sauver la création entière. En Jésus, par le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, tout est déjà sauvé. Nous avons à le révéler. Mais cela ne se fait pas qu’avec des mots, aussi pieux soient-ils. Cela se montre par des actions, des choix au quotidien, des œuvres qu’il nous est demandé de réaliser aujourd’hui, où nous sommes.

 

Mes amis, pour que l’Europe soit belle, pour que le monde soit juste, prions le Christ de nous envoyer le Défenseur. Qu’ensemble nous puissions atteindre ce but !

 

Abbé Xavier

Article publié par Chantal Erouart - • Publié • 1835 visites