Davantage

messe d'action de grâce à Saint Théodore pour le départ de soeur Yvonne et soeur Geneviève

 

Lens, le 15 juillet 2012

Départ des sœurs de St Théodore

Davantage

« Pour la première fois, il les envoie deux par deux. » Jésus envoie Yvonne et Geneviève. « Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais ». Toutes les deux ont une force, un  sourire désarmant, une immense joie de vivre. « Il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton ; de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture ». Nos deux petites sœurs vivent simplement : pas de sac Longchamp ou Hermès… Pas de superflu. « Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ. » Lens est une terre d’accueil. Nos deux sœurs ont beaucoup d’amis dans les cités… On ne pourrait pas retarder leur départ ? « Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d'huile à de nombreux malades, et les guérissaient. » Combien de personnes seules, âgées, malades avez-vous visitées ?

Le texte d’Evangile tombe bien. Humblement, toutes les deux, comme vos autres sœurs, vous essayez de mettre en pratique les instructions de Jésus. Merci pour votre témoignage. Merci pour la mission vécue à Lens. Bonne route pour la suite, car le chemin n’est pas fini… Oh que non !

 

Vous allez nous manquer. Plusieurs se demandent comment on va faire pour l’aumônerie de l’hôpital, pour les funérailles, pour la liturgie, saint Vincent de Paul, pour beaucoup d’autres choses que vous faisiez dans la discrétion… Ces questions sont légitimes, et il nous faudra trouver des solutions, des nouveaux bénévoles. Mais, chères sœurs, ce n’est pas d’abord à cause de ce que vous faisiez que vous allez manquer… Ce qui va surtout faire vide, c’est votre présence, la gratuité de votre présence.

 

Les religieux, les religieuses sont des cadeaux. Dans un monde où la consommation et la productivité font la loi, les consacrés nous rappellent que l’essentiel, le sens de la vie, se trouve dans une attitude : s’offrir. Se donner. A tous, sans distinction. Non pas chercher à obtenir, mais à s’appauvrir. Les religieux montrent un autre chemin, un autre idéal. Ils et elles deviennent les frères et sœurs de tous. Leur lubie, leur rêve, leur moteur, leur raison de vivre, c’est de fabriquer de la fraternité. Ils et elles sont touchés par la folie de l’amour inconditionnel. Ils et elles aiment envers et contre tout. Oui, les religieux sont des cadeaux, un soleil radieux pour un monde trop souvent terni par le chacun pour soi.

 

Le fait de vivre ensemble est déjà un signe fort. Les sœurs ne choisissent pas. Elles accueillent les autres membres de la communauté. Le partage et la prière et le pardon sont les maîtres mots. Voilà pourquoi la fraternité vécue dans les petites maisons ou les appartements est un humble signe du Royaume que le Christ est venu instaurer. Il est possible de vivre ensemble. Implanté au cœur des quartiers populaires, les communautés religieuses nous rappellent aussi que ce Royaume est d’abord annoncé aux plus démunis, aux plus souffrants. « Ce n’est pas pour les bien-portants que le médecin se déplace, mais pour les malades. »

 

Tout est gratuit. Le Louvre va bientôt s’implanter à Lens. Tout près d’ici, nous allons pouvoir contempler des œuvres d’art. Contempler du beau. A quoi sert un tableau ou une sculpture. A rien si ce n’est qu’à comprendre que l’homme est capable d’au-delà. L’homme est créateur. L’homme est mû par le désir du « davantage ». Il cherche quelque chose de plus grand que le visible, que le sensible. Une sorte d’autre dimension. Un inexplicable. Un « Je-ne-sais-quoi » dit Jean de la Croix. Un « Davantage » dit Ignace de Loyola. Quelle que soient les spiritualités, les religieux ont compris qu’il existe un plus grand, un plus haut ; ils l’appellent « l’Amour » !

 

L’amour de Dieu. Dieu invisible. Ou plutôt Dieu visible dans la vie des hommes. Dans le visage des pauvres. Dieu proche. Dieu incarné. Non pas un Etre suprême, tout puissant, inabordable, donneur de leçon, effrayant… Mais un Dieu humble, parfois fatigué. Un Dieu aux traits tirés. Un Dieu mère de famille qui doit trouver le courage de se lever malgré la longue déprime. Un Dieu chômeur. Un Dieu brisé par des rancunes. Un Dieu enfant jouant au ballon dans la rue ou aimant faire de jolis dessins. Un Dieu malade. Un Dieu veuve de silicosé. Un Dieu qui aime chanter en chorale. Un Dieu tout simple qui propose « an’bonn’ tass’ ed’ju » ! Et même un Dieu supporter des « Sang et Or » !

 

Les religieuses, les religieux nous parlent du Dieu tout-proche. Ils nous en parlent sans parler. Ils et elles le montrent en se faisant proches. C‘est la délicatesse d’un regard, une main posée, une simple présence. C’est la gratuité de l’amour. L’Amour : le chef d’œuvre d’une vie. L’Amour : le sommet, la quête d’une existence. L’Amour, l’autre Nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu naissant pauvre, vivant pauvre, mourant pauvre. Ressuscitant pauvre. Se montrant pauvre aujourd’hui à travers l’humilité de vos vies. Merci, frères et sœurs religieux, religieuses, de nous redire que le Christ est un compagnon ; qu’Il est l’ami fidèle.

 

Chères Yvonne et Geneviève, vous nous quittez ; ça nous fait beaucoup de peine. Oui, vous allez nous manquer. Mais nous savons que dans votre prochaine mission vous allez apporter le sourire de Dieu avec le même entrain, le même dynamisme, la même joie de vivre. Allez… Allez dire que le Christ est ressuscité. Que son amour est pour tous. Allez proclamer la Bonne Nouvelle jusqu’aux limites du monde… Reprenez votre bâton de pèlerin. Poursuivez la mission. Faites des disciples ! Ne craignez rien. Soyez toujours joyeuses, toujours enthousiasmées par la vie que Dieu offre. Chercher toujours comment aimer davantage…

 

Davantage, c’est bien le mot. D’avant-âge… Ce qui existe avant l’âge, avant le temps… Avant tous les temps, il existe un au-delà, un autre âge… Montrez nous le Royaume, l’Amour, la Gloire de Dieu, Le trois fois Saint… Montrez nous qu’il n’y a pas d’âge pour tout recevoir de ses mains.

 

Bonne route et merci. Qu’il vous garde et vous bénisse. Ainsi vous êtes pour son Eglise un grand avantage !

Abbé Xavier

 

 

Article publié par Chantal Erouart - • Publié • 3160 visites