Maux croisés

Homélie du dimanche 26 août 2012

 

Lens, le 26 août 2012

21ème dimanche B

 

Maux croisés

 

          Avec les vacances, les voyages en train, le temps libre à la plage, vous avez sans doute eu le temps de faire quelques Sudoku, ou autres mots-fléchés. Dans les mots-croisés du journal La Croix de cette semaine, il fallait trouver un verbe en six lettres dont la définition était : « Faire un choix ». La troisième lettre étant un R et la quatrième un I, je vous laisse un petit instant pour trouver la réponse… Je vois qu’il y a des cruciverbistes aguerris parmi vous. Vous avez donc trouvé : SERIER. Avouez qu’on ne l’emploie pas souvent. On l’utilise plutôt dans le sens de « classer », « classifier ». Aujourd’hui on oserait dire « prioriser »… Mais nous ne sommes pas ici pour discuter du dictionnaire. Quoique…

 

         La lecture du livre de Josué nous raconte que le peuple de Dieu rassemblé à Sichem doit faire un choix. Veut-il suivre les divinités païennes ou se soumettre au Seigneur ? Le peuple série : il sert Dieu. Dieu pourra encore chérir son Peuple en faisant, pour lui, plusieurs séries de miracles…

 

Dans l’Evangile que nous venons d’écouter, Jean rapporte que les apôtres aussi doivent faire un choix. Ils doivent sérier ! Jésus vient de proclamer « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » et beaucoup de gens pensent que ce n’est pas sérieux, que c’est intolérable. Jésus ne correspond pas à la définition qu’ils ont de Dieu. Mais Jésus se tourne vers les Douze et leur demande : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Mes amis, que feriez-vous si vous sériiez à leur place ?

 

          C’est ici que les questions se croisent. Car vous comprenez bien que cette question nous est aussi posée, à nous les disciples d’aujourd’hui. « Voulez-vous partir, vous aussi ? » nous demande Jésus. Il nous laisse libres. Il nous laisse la possibilité de nous repositionner. Il ne nous retient pas. La porte est ouverte. On peut partir. Il n’y aura pas de châtiment, de punition… Jésus ne met pas de pression. A chacun de répondre.

 

          Pierre répond par une question. Certains pensent que c’est un jésuite avant l’heure ! « A qui irions-nous ? » demande-t-il. Et puis il affirme : « Tu as les paroles de la vie éternelle. » Autrement dit : « Tu trouves les mots qui crucifient nos péchés et nos maux. Tes paroles nous délivrent de nos jalousies, de nos égoïsmes. Tu parles pour nous consoler, pour nous délivrer… Qui d’autre que toi pourrions-nous sérier ? » Jean aussi choisit de poursuivre le chemin avec Jésus. L’un et l’autre, Pierre et Jean, ont choisi de faire confiance à Jésus. Cette confiance les amènera jusqu’au tombeau vide de Pâques. Mais…

 

Mais avant d’être les témoins de la résurrection, les disciples doivent assumer leur choix. Jésus monte à Jérusalem. Il y sera jugé et rapidement condamné. Jean se fait discret. Il est le seul disciple présent au pied de la croix. Il contemplait le cœur de Jésus. Il y lisait l’Etre suprême. CHRIST sont les six lettres qui le définissent. La troisième, le R rappelle la Royauté, et la quatrième, le I, dit l’Intériorité. Jean l’avait trouvée en se penchant sur le cœur de Jésus. Plus tard, il écrira dans son Evangile que le Christ est le Verbe de Dieu.

 

          Pierre quant à lui, a peur. Il renie, il fuit. L’espace d’une nuit, il refuse. Il se retire. Et il pleure. Mais le coq chante et c’est déjà le lever d’un nouveau jour. Lorsque, quelques jours plus tard, le Ressuscité lui demandera à trois reprises : « Pierre, m’aimes-tu ? », l’homme ne tergiversera plus. Cette fois sa réponse est directe et absolue. Il n’y a plus de prudence : « Seigneur, tu sais bien que je t’aime !». Maintenant Jésus lui confie son Eglise. Il annonce aussi à Pierre qu’il devra, lui aussi, aller jusqu’au bout du sacrifice de sa vie.

 

          Mes amis, choisir le Christ est une folie. C’est un choix quotidien. Sans cesse, il nous faut donner le meilleur de nous-même, nous décentrer de nos désirs pour nous mettre à l’écoute, au service des besoins de nos frères. Cela coûte. C’est dur. Parfois pénible. Usant. C’est un combat. Choisir oblige à re-choisir. Dans toute vocation chrétienne il y a des moments de doute. Certains sont légers, d’autres profonds. Il y a des cases noires. Mes amis, ces cases permettent des temps d’arrêt pour mieux écrire le reste de notre vie. Comme Pierre, nous avons le droit au découragement et à l’erreur. On ne trouve pas forcément la bonne réponse tout de suite. On a le droit de cafouiller, de raturer. Le Christ nous redonne toujours la possibilité de recommencer. Il souhaite que nous vivions en HD.

 

          Vivre en HD, en Haute Définition ! C'est-à-dire, choisir, sérier l’absolu. Choisir d’aimer envers et contre tout. Comme le Christ, redonner une chance à celle ou celui qui nous a blessé ou abandonné. Comme le Christ, oser le pardon. Comme le Christ, partager le peu que l’on a. Tout donner. Ses forces, son cœur. Sa vie. Aimer comme le Christ aime L’Eglise, son épouse. On a entendu : « Le Christ voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut ; il la voulait sainte et irréprochable. C'est comme cela que le mari doit aimer sa femme : comme son propre corps. » Aimer comme le Christ, c’est donner le tout de sa vie. Absolument tout. Quelle folie !

 

          Oui, c’est vrai, les chrétiens sont fous, ils semblent avoir une case en moins. Au contraire, ils sortent du cadre ! Ils osent des paroles et des gestes en vue de vivre la fraternité. D’autres qu’eux, c’est heureux, vivent la fraternité. Mais les disciples du Christ la vivent selon le principe de l’Evangile. En HD. A la suite du Christ, ils choisissent de tout sacrifier pour que la vie de leurs frères soit haute en couleur. Plus de noir ! Cela impose un choix radical. On ne peut pas être tiède. « Que ton oui soit oui, que ton non soit non. »

 

          La définition d’une vie, le sens réel d’une vie, nous dit l’Evangile, c’est de la donner. Il ne s’agit pas de faire des actions d’éclat. Il vaut mieux choisir la discrétion, la simplicité. C’est dans la banalité du quotidien qu’il faut oser renouveler le oui. Face à la solitude, ces moments où l’on aimerait presque en finir avec la vie parce que, croit-on, on ne n’est plus utile à personne. Ou encore lorsque l’on doit faire la lessive. Les enfants rentrent le week-end, et tout ce qu’ils trouvent à faire, c’est de jeter le linge devant la machine. C’est aussi à ce moment-là que ce joue le tout d’une vocation. Au moment où on en a marre et qu’il faut retrouver des forces. A qui irons-nous ? Irons-nous vers les idoles du Loto, ou de je ne sais quelle divinité ? Ou irons-nous puiser nos forces dans la prière, dans le Christ ?

 

          Tout instant de vie est un instant de choix. Heureusement, nous ne nous en rendons pas compte. La plupart du temps, nous assumons les choix posés sans trop nous poser de questions. On remplit les cases blanches d’une vie heureuse. C’est la naissance et le sourire des enfants, une promenade en famille, la visite d’un ami. C’est la réussite d’un projet, l’épanouissement au travail, un week-end avec des cousins, et même une simple partie de cartes que l’on gagne ! Quel bonheur !

 

          On pose les actes et les mots doucement et l’on avance ainsi vers le terme de notre vie ! Le terme, le mot est juste… Ce moment où, en nous, grâce à Dieu, il n’y aura plus de maux. Une fois pour toutes, ils auront été lavés, pardonnés.  A la suite de Pierre et de Jean, à la suite de tous les croyants, nous comprendrons ce que veut dire : « Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu. »

 

          Puissions-nous encore et toujours, le choisir, le sérier.

Abbé Xavier

 

Article publié par Chantal Erouart - • Publié • 2320 visites