Courage

Homélie de l'abbé Xavier dimanche 28 septembre à Saint Léger

Courage

 

fils a la vigne fils a la vigne  « Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne ». Voilà la phrase que le père dit à ses enfants : «  Va travailler aujourd’hui à ma vigne. » On comprend et on se reconnaît dans l’une et l’autre réactions des deux fils. Le premier refuse et, pris de remord, revient sur sa décision. Le second accepte mais n’agit pas. Nous pourrions prendre le temps de contempler l’admirable pédagogie de Jésus qui, une fois encore, raconte une histoire afin de faire comprendre aux chefs des prêtres et aux anciens qu’ils ressemblent plus au second. Jésus dénonce ouvertement leur hypocrisie. Ce faisant, il fait la volonté de son Père, lui le Fils. Non pas que la volonté de Dieu soit de juger en faisant la morale. « Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui ». (Jn 3, 17). En parlant avec vérité et bienveillance, Jésus travaille à la vigne de son Père. Il cherche à lui faire produire les fruits de l’authenticité. On peut dire que Jésus ne manque pas de courage. D’abord parce que, sans hésiter, il répond « oui » à la demande de son Père du ciel ; mais aussi, parce que devant l’ampleur de la tâche, et surtout devant les obstacles, les refus, les dangers, il poursuit inlassablement la mission dont il se sait investi. Jésus est courageux. Chers amis, c’est de cela dont j’aimerais vous entretenir ce matin : le courage !

 

Le propos ne consiste pas à parler de cette valeur pour elle-même. Une valeur perd sa valeur sitôt qu’elle cherche à s’estimer. Il s’agit plutôt de remercier les personnes courageuses qui, à travers leurs engagements tenaces, révèlent une facette de la personnalité du Christ. Autrement dit, sans chercher à faire des éloges inutiles, pouvoir rendre grâce à Dieu pour toutes ces personnes qui, jour après jour, osent le combat de la vie. Dire merci à Dieu pour ces hommes et ces femmes dont on ne parle jamais, ou pas assez, et qui pourtant ne cessent pas de dire « Oui, Seigneur, je m’en vais travailler à ta vigne ». Ceux-là le disent et le font.

 

Alors merci Seigneur pour le courage des enfants de Colombie. Ils se lèvent tôt le matin. Ils marchent durant des kilomètres et traversent des zones dangereuses pour rejoindre leur école. Ils veulent apprendre. Les conditions de travail sont plus que précaires, mais tous les matins ils marchent et apprennent leurs leçons. Rien ne peut arrêter leur désir d’apprendre. Merci Seigneur pour les parents célibataires. Ceux qui, après un échec, ressentent le poids de la solitude. Merci pour la force que tu leur donnes le matin lorsqu’ils osent se remettre en route. Plus largement, merci pour tous les parents qui, inlassablement, agissent en vue du bien-être de leurs enfants. Merci pour ceux qui, des dizaines de fois par jour, répètent les mêmes gestes d’amour pour que l’enfant handicapé soit bien installé dans le fauteuil ou dans le lit. Merci pour le témoignage des personnes engagées dans les services de solidarité. Elles ont souvent envie d’abandonner devant l’immensité des besoins et la fragilité des moyens. Elles s’acharnent malgré tout à trouver des solutions parce qu’elles ne supportent pas l’injustice et la misère. Merci Seigneur pour les femmes et les hommes imagesUSPB5RJ3 imagesUSPB5RJ3  engagés en politique et qui cherchent à construire un « vivre ensemble fraternel ». Ce n’est pas toujours facile de mettre autour d’une même table des gens différents. Merci pour celles et ceux qui permettent le dialogue entre les cultures. Merci, Seigneur, pour les journalistes qui, au péril de leur vie, parcourent le monde afin de nous informer. Merci Seigneur pour ces personnes âgées qui, chaque jour, organisent une partie de scrabble afin de rompre la solitude des ami(e)s de leur couloir. Merci Seigneur pour les ouvriers sur les chaines de production. Des heures durant, ils reproduisent le même geste. Merci Seigneur pour ces chefs d’entreprises qui restent intègres devant les tentatives de corruption lorsque leur sont soumis des marchés alléchants. Merci aussi Seigneur pour le courage de ces religieux. Tous les jours, toutes les nuits, ils nous portent dans une humble prière. Pour les étudiants qui, tout en préparant leur mémoire, travaillent le weekend et plusieurs soirs de la semaine afin de payer leur chambre. Merci, Seigneur, pour l’artiste qui recommence son œuvre parce qu’il sait que le beau est encore ailleurs. Qu’il faut chercher la lumière encore et encore. Merci Seigneur pour ces communautés croyantes confrontées à la torture, à la persécution, et qui tiennent bon. Merci Seigneur pour toutes les personnes qui poussent plusieurs fois par semaine la porte de Pôle emploi. Elles espèrent un travail, quitte à changer de région, ou partir pour la semaine. Merci Seigneur pour cette employée de maison qui lave pour la troisième fois aujourd’hui le salon, parce que les invités n’ont pas fait attention. Merci, Seigneur, pour les soldats du feu venus sauver la famille lors de l’incendie de leur maison. Merci Seigneur pour cet homme, là dehors, qui sera encore dehors quand nous rentrerons. Il pleure mais il tient bon ! Ou plutôt, il est bon. Merci, Seigneur, pour toutes celles et ceux qui osent le chemin du pardon.

route de J. route de J.  La liste est longue, mes amis. Elle est infinie. Dans l’Evangile, un peu plus loin, il est écrit : « Jésus prit, avec courage, la route de Jérusalem. » (...) Ainsi il réalise la volonté de son Père : livrer sa vie par amour. Il me semble que « avec courage » pourrait être remplacé par : « Avec les enfants de Colombie, avec les parents, avec les vieillards, avec toutes celles et ceux qui incarnent cette notion de courage ». L’Evangile de ce matin m’invite à penser que le Christ n’est pas seul sur la longue route de la passion. On pense bien souvent, avec raison d’ailleurs, que Dieu nous accompagne dans nos vies, nos joies et nos difficultés. Et c’est évidemment vrai. Dieu est là toujours. Il me vient à l’esprit aujourd’hui, mais peut-être y a-t-il de l’orgueil dans cette réflexion, qu’une multitude d’hommes et de femmes cheminent avec le Christ et le suivent sur le chemin de la croix, le chemin du don. S’il est vrai que quelques-uns l’abandonnent, rebroussent chemin, disent « oui » mais au final ne respectent pas leur engagement, il me semble que beaucoup, presque tous, ressemblent à ce fils qui hésitait, qui doutait, et qui malgré tout fit courageusement la volonté du Père.

 

« Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne ». J’oubliais… il n’y a pas que la question du courage. Il y aussi la question de la joie. Elle est grande lorsque l’on se convertit, lorsque l’on se reprend après un refus. Pour le coup, il faut aussi du courage pour se remettre en question, et l’on ressent une intense joie lorsque l’on a vécu cette expérience. Mais peut être la joie est-elle encore plus intense lorsque nous répondons « oui » à une sollicitation. Un « oui » sans hésitation, et qu’aussi vite nous passons à l’action. Cette joie-là est celle de Marie, notre Mère, et du Christ, notre frère. Ce n’est plus la joie du courage, mais celle de la sainteté.

 

« Mon enfant, veux-tu, aujourd’hui encore, travailler à ma vigne ?». Qu’allons-nous répondre à cette invitation ?

 

Abbé Xavier