Une étole Blanche

Eglise Saint-Léger Jeudi de l’Ascension

 

 

Une étole blanche

 

C’est étonnant. La liturgie aurait dû m’obliger à porter une étole violette, la couleur du deuil et de lumiere-8d234 lumiere-8d234  la séparation. La couleur de la peine. Quand les mots ne sont plus suffisants, les symboles prennent le relais. Ils expriment un peu l’inexprimable. Jésus quitte ses disciples. Il les laisse seuls. On dirait qu’il revêt un nouveau linceul. Il les quitte une seconde fois. C’est une nouvelle douleur. Après l’incroyable résurrection, après l’impossible retour, et sa présence pendant quarante jours, il s’en va à nouveau. Adieu. A Dieu. Jésus part vers le ciel. Vers les étoiles et les planètes. Mon étole aurait dû être violette.

 

L’Eglise annonce un jour de fête. Elle demande que l’on porte l’étole blanche. C’est la couleur des étoiles qu’il faut que l’on revête. Car aujourd’hui, le temps et la course des étoiles s’arrêtent. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » annonce Jésus. Comprenons bien, il faut mettre de côté les images de poésie. Il nous faut sortir de nos représentations d’un ciel déterminé par un « là-haut », au-dessus des nuages, un firmament interstellaire ! Il nous faut comprendre le Ciel, non comme un espace dans l’espace sidéral, un au-delà du système solaire... La blancheur de cette étole dit la lumière des étoiles, parce que le Verbe incarné rejoint l’Être de l’avant-commencement.

 

Au commencement, Dieu est. Avant toute chose, Dieu est Dieu. Dieu est Trinité. Dieu est relation. Et Dieu est création. Par lui advient le monde, l’espace et le temps ! Dieu, au-delà de tout créé, ne se situe pas au-dessus d’un nuage ou d’une planète éloignée ; Dieu est hors du temps. Le mot « Au-delà » n’indique pas une hauteur, mais une condition, une entité. La blancheur de cette étole dit un au-delà de lumière, un ailleurs, un autrement. Un plus grand. Elle symbolise la gloire de Dieu. Cette gloire ne peut pas se nommer. Les images sont toujours en-deçà de la réalité divine.

 

Après avoir passé quarante jours avec ses disciples, le Christ ressuscité monte vers le Père. Nous comprenons que l’Ascension dont il s’agit ici n’est donc pas une élévation verticale, mais une sublimation de l’être. Le corps ressuscité entre en gloire. Il nous faut reprendre tout le trajet opéré par le Verbe de Dieu. Avant le commencement, il partage la gloire de Dieu. Puis il s’incarne dans la personne de Jésus. Le Christ meurt et le Verbe, en lui, descend aux enfers - il faudra revenir sur ce verbe « descendre » - puis il ressuscite dans un corps glorieux, c’est-à-dire, non atteint par les souillures du péché, et enfin, il retourne vers le Père céleste, dans sa condition initiale.

 

Que s’est-il passé entre ces deux états glorieux ? Entre la gloire d’avant les commencements, et celle du retour au temps de l’Ascension ? Il s’est passé la descente aux enfers. Là encore, notre imaginaire est marqué par des représentations terrifiantes. Aux fins fonds de la terre, une sorte d’espace avec un feu brûlant... Là-bas, tout en bas... Je ne sais où. Mes amis, vous le savez bien, descendre aux enfers, n’est pas une affaire de spéléologie ! Le cœur de l’homme s’est perverti : c’est bien autre chose. Il n’a pas accepté de vivre en tant que créature. Orgueilleux, il a voulu se faire l’égal de Dieu. Il a voulu s’élever à la stature divine. Il a voulu régler sa vie par lui-même, devenir le maître de tout. Il a noirci son âme en pensant pouvoir se passer de son créateur. Il a perdu sa lumière intérieure. Il s’est éloigné de sa source. Il est devenu violent. Tellement violent. L’Enfer n’est pas un lieu, mais une attitude, une rupture de relation, un enfermement, un repli sur soi, tout l’inverse de la relation trinitaire vécue en Dieu.

 

Le Verbe, en prenant la condition humaine, et en mourant pour et en elle, visite et répare toutes les fractures, tous les manques de relation, toutes les cassures dues à l’orgueil. En ressuscitant d’entre les morts, le Christ transfigure l’humanité et lui redonne son originalité, son sens premier : l’homme est créé à l’image de Dieu. L’homme est relation. Sa vie est don. Le Fils de Dieu l’a révélé en offrant la sienne par amour. La vie de l’homme est oblation, service de l’autre, ouverture. Par les mystères de l’Incarnation et de la Résurrection, l’homme est sauvé du péché, de l’orgueil et de tous ses poisons.

 

Au jour de l’Ascension qui, vous le comprenez, n’est plus un jour, mais une perpétuelle disposition, le Verbe rejoint le Père en emmenant avec lui l’ensemble de la création. Il mène en sa gloire l’humanité rejointe jusque dans les failles du péché et des infidélités. L’étole est blanche car, par le Christ glorifié, notre humanité à l’instant divisée, est, en tout temps, divinisée. Ce sont les mots de la liturgie au moment où l’on verse de l’eau dans la coupe de vin : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité. »

 

L’étole est blanche, couleur d’un ciel particulier. Un ciel aveuglant, couleur soleil. Lumineux. L’Eglise annonce la joie du Salut. Cette joie concerne l’ensemble de l’humanité. L’Eglise ne peut la garder pour elle seule. « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé... » Allez, allons donc vers les nations ! Allons vers les pays étrangers. Mais nous comprenons que, là-encore, il ne s’agit pas que d’espaces géographiques. Cette fois-ci, l’horizontalité, qui termine le signe de la croix, concerne des groupes, des générations, des populations qui peuvent être très proches. « Allons vers les périphéries » demande le Pape François.

 

Vous avez sans doute lu le dernier Trait d’Union. L’Equipe d’Animation Paroissiale propose que, tous ensemble, nous ayons une attention particulière aux jeunes foyers, aux nouveaux arrivants, ceux de Lens et des environs. Une rencontre aura lieu courant juin pour organiser une sorte de parrainage. Beaucoup de jeunes adultes seraient prêts à découvrir ou poursuivre un chemin de foi, s’ils étaient accompagnés un court instant, avant que le service du catéchuménat ne prenne le relais. Il ne s’agit pas de surcharger qui que ce soit, mais seulement de confier une personne durant quelques mois, afin de l’aider à s’intégrer dans la communauté paroissiale. « Allez ! Allons. De toutes les nations faites (faisons) des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit... »

 

Lors de la prochaine Veillée pascale, puisque, de ce fait, grâce à nous, il y aura beaucoup de baptêmes de jeunes adultes, je vous promets, non pas de porter une étole, mais une grande chasuble : un ciel d’étoiles blanches !

 

Abbé Xavier