Qu'ils soient un
Lens, église Saint-Léger 7ème de Pâques - B
Qu’ils soient un.
Lorsque Jésus est sur la croix, il crie vers le Père : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » Ce sont les paroles d’un psaume avec lequel Jésus a prié depuis longtemps sans aucun doute, mais c’est aussi l’une de ses dernières paroles dans sa vie terrestre.
« Pourquoi m’as-tu abandonné ? ». C’est étrange cette parole dans la bouche de Jésus, le Fils de Dieu. Il a passé sa vie, ce que l’on en connaît tout au moins, depuis le moment de son baptême dans le Jourdain, à appeler des personnes, et à les faire vivre ensemble. Il les éduque avec des paroles, avec des paraboles. Il profite de tel ou tel événement pour donner un enseignement sur qui est le Père, qui est Dieu le miséricordieux. A chaque instant il se tourne vers les autres pour faire comprendre ce que c’est qu’aimer à la manière de Dieu. Il ne cesse pas de donner et de se donner. Il reprend ses disciples lorsqu’ils se disputent pour savoir lequel aura la première place. Il montre un enfant pour leur dire qu’il faut être comme les plus humbles. Il se met à leurs pieds pour les laver et leur dit : votre unité dépend du service des uns aux autres. Il ne cesse pas de les enseigner. Il prie pour eux, souvent, avec ces mots que l’on vient d’entendre (Jean 17, 11b-19), pour leur joie, leur unité.
Et puis vient le moment de la Passion. Après avoir passé trois ans à faire, non pas une équipe mais une communion, il ne peut faire qu’un seul constat : au pied de la croix il n’y a que Jean. Il n’y a que Jean. Pierre a menti, Judas a trahi, et les autres se sont sauvés. Ils ont eu peur. Alors pour Jésus, ces trois années de recherche de communion, d’unité, sont un échec, semble-t-il. Les communicateurs du temps, et ceux d’aujourd’hui, pourraient dire : vraiment raté ! Parce qu’il n’y a rien de clinquant, rien de très beau dans cet événement, dans ce moment-là. Tu dis être le Fils de Dieu, tu n’es même pas capable de descendre de la croix, et tu n’es même pas capable de garder tes amis. Ils sont partis !
La prière de Jésus « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » pourrait se comprendre à partir de ces quelques mots de moqueries. Cependant Jésus est Jésus, le Fils de Dieu. Et lui voit bien plus loin, et bien plus profondément, que ce que n’importe quel être humain peut percevoir. Il connaît les cœurs, il voit au-delà du visible. Et surtout il connaît le cœur de son Père. Père, que tous « soient un, comme nous-mêmes ». Jésus, le Verbe de Dieu, sait ce qu’est l’unité. Profonde, absolue, indestructible. Il l’expérimente depuis avant les temps jusqu’à la fin des temps et durant sa vie terrestre. Il est uni au Père.
Et sa prière, c’est d’abord une prière d’abandon : « non pas que toi Père tu m’aies abandonné mais, Père, peut-être ne me suis-je pas encore assez abandonné en toi. » Peut-être qu’au moment de partir, Jésus, qui a tant prié pour l’unité, se rend compte qu’il était encore trop présent. « Il est bon que je m’en aille. » Parce que l’unité dépend de l’esprit du Père. « Père, je crois qu’ils sauront vivre ensemble en ton nom. EN TON NOM. Non pas en mon nom, moi Jésus, mais en ton nom. »
Et que se passe-t-il ? Après la résurrection, après l’Ascension, les Apôtres choisissent de se remettre ensemble. Ils auraient pu se sauver. Ils auraient pu partir. Se protéger. Et non, ils restent ensemble. Et non seulement ils restent ensemble mais ils cherchent à compléter le groupe, le collège des Apôtres. Ils étaient douze au début comme les douze tribus d’Israël ou, plus symboliquement encore, l’universalité, le monde. Il faut donc chercher à compléter l’unité selon le désir de Jésus. Selon le désir de Dieu. Ils se remettent ensemble, ils prient l’Esprit et l’Esprit choisit Matthias. Ils vont maintenant annoncer l’Evangile à travers le monde, parce que maintenant ils savent ce qu’est l’unité réelle. L’unité se vit au-delà du visible, au-delà de l’émotion, au-delà de la peur. L’unité se vit grâce au sacrifice de Jésus sur la croix. C’est lui qui se donne et c’est en son nom qu’ils se rassembleront. Et alors la joie qui est la leur, et qu’ils vont proclamer, c’est la joie du Père.
« Je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. » Dieu n’abandonne jamais ceux qu’il aime. Amen.
Abbé Xavier