Naît-au-Christ.

Eglise Saint-Léger ème dimanche de Pâques - B


 

Naît-au-Christ.

 

 

Connaissez-vous Matrix ? C’est un film de science-fiction. Le genre de film que l’on déteste ou que paix-novembre-4m paix-novembre-4m  l’on raffole au point de le regarder plusieurs fois. Les adeptes apprécient la mise en scène et les effets spéciaux, mais surtout le sens symbolique et philosophique de l’histoire qui se déroule dans une trilogie passionnante. Vous l’aurez compris, comme beaucoup, je suis fan ! Il est difficile de résumer l’histoire en quelques mots. Pour faire court, il s’agit d’un combat entre les hommes et les machines infectées par un virus informatique. Au moment où les hommes vont être anéantis, Néo, le héros, réussit à descendre au cœur du mal. Là, il négocie avec le roi des machines qui lui demande ce qu’il veut. Néo répond simplement : « La paix ! ». C’est alors qu’il s’allonge les bras ouverts. S’en suit un combat au cœur des ténèbres. Néo meurt, et sa mort provoque la destruction du virus. C’est ainsi que les hommes sont sauvés.

 

Voilà un piètre résumé d’une scène mythique. Mais l’idée est là : le héros donne sa vie pour que la paix advienne. Il s’agit bien sûr qu’un conte messianique. Nous n’avons aucune difficulté à comprendre que l’auteur s’est inspiré de l’Evangile. Néo, c’est le Christ. Le virus, c’est le Diable. La paix et le Salut de l’humanité sont obtenus par le sacrifice de Jésus qui, par amour, donne sa vie sur la croix.

 

« La paix soit avec vous » (Lc 24, 36b) annonce Jésus lorsqu’il apparaît à ses disciples. Ressuscité, il leur annonce ce qu’ils reçoivent grâce au don de sa vie. Jésus a obtenu la paix. Pas une paix de surface, une sorte de petit cessez-le-feu de quelques instants... La paix qu’a obtenue Jésus est une victoire sur l’ennemi. Mais pas une victoire humiliante. Pas une déroute qui nourrit le désir de revanche, amenant à une autre guerre quelques années plus tard. La paix qu’à obtenue le Christ est une victoire à la source. Il a détruit les racines du mal. Là où Satan ne voulait que l’orgueil et la puissance, le Christ est venu imposer l’amour et l’humilité. De ce fait, le Diable est anéanti.

 

Permettez-moi une image pour me faire comprendre. Imaginez un arbre immense avec des racines extrêmement profondes. Ces racines vont chercher l’eau dans des nappes souterraines infestées de mauvaises bactéries. L’arbre est contaminé, son feuillage jaunit et il meurt peu à peu. Les jardiniers s’évertuent à sauver l’arbre en bêchant et en apportant de nouveaux terreaux. Mais l’eau reste mauvaise. Il faut donc assainir l’eau. C’est ce que fait le Christ en offrant sa vie. Il descend dans les eaux de la mort. Il est comme une pastille de lave-vaisselle que nous vantent les publicitaires. En sa présence, toutes les bactéries meurent. Pardon pour la comparaison, mais c’est bien ce qu’il se passe. Descendu aux enfers, il détruit les germes du mal. Bien sûr, il faudra du temps pour que l’arbre gigantesque retrouve sa splendeur d’origine. Il est infecté depuis trop longtemps. Mais désormais l’eau se purifie et viendra le jour où l’arbre redonnera des fruits savoureux.

 

Notre espérance réside dans le triomphe du Christ. Encore une fois, pas une victoire acquise par la force, mais par l’amour. Par l’offrande de soi. Justement par l’arme qui n’en est pas une. Par l’arme de la non-violence, par la douceur et le pardon. « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » (Lc 23, 34a). Lorsque Jésus ressuscité apparaît à ses disciples, il leur annonce que la paix est gagnée. L’eau qui nourrit l’arbre se purifie. Bien sûr, l’arbre est encore malade, et sans doute pour longtemps. Mais, « Que votre joie soit parfaite. » (Jn 15, 11b), « Moi, je suis vainqueur du monde. » (Jn 16, 33b) annonce Jésus dans l’Evangile selon Saint-Jean. Cela veut dire que la paix absolue, la paix totale est en chemin. Qu’elle est certaine. C’est notre foi, notre espérance et notre joie.

 

Puisqu’elle est acquise, autant la promouvoir. Comprenons bien : quoique fassent ou feront les hommes, l’humanité est sauvée. La destinée finale est la paix planétaire. Ainsi est la volonté divine. Ce fut l’enjeu du sacrifice du Fils de Dieu. Pas le sacrifice d’un homme qui fût bon et remarquable par ses paroles et attitudes... Le sacrifice de l’homme-Dieu. Du Fils de toute éternité. Le sacrifice du Verbe incarné, celui qui était au commencement et qui connaît tout. La puissance infinie de l’amour nous assure la paix future, collective et éternelle. Et donc, puisque telle est notre destinée universelle, il est logique que nous fassions tout pour faire advenir cette paix au plus vite. Nous ne sommes pas sots, nous préférons recevoir rapidement ce bien qui nous est promis. Voilà pourquoi, tous, nous devenons des artisans de paix.

 

Voilà pourquoi nous osons les chemins de la réconciliation et non de l’entêtement. Sur les branches abîmées des relations, nous faisons monter la sève du pardon. Nous puisons notre force dans l’esprit de notre baptême et, grâce à Dieu, nous agissons avec délicatesse pour que l’adversaire entende notre rémission. Car c’est ainsi... Notre victoire, qui est un mémoriel de celle du Christ, dépend de la manière dont nous déposons les armes. La méchanceté, les mots savants ou agressifs, les poings et les couteaux, les regards et les jugements catégoriques... Tout doit être lâché, abandonné, offert au pied de sa croix, afin que le Christ remplisse notre cœur de charité. Or la charité n’est ni la naïveté, ni la gentillesse passive. La charité est lucide, elle mesure l’effort à fournir. Elle sait qu’il faudra être persuasif. Non pas par la force. Jamais par la force. Seulement par la main tendue. La charité est bien consciente que cette main risque d’être refusée. Qu’elle peut être comprise comme une provocation, une nouvelle agression. Le croyant ne se réfugie pas derrière ces prétextes légitimes. Il ose la paix.

 

Puisque de toute façon la paix est acquise, puisqu’elle viendra quoiqu’il en soit, le disciple du Christ annonce la Bonne Nouvelle en la vivant. S’il ne dit que des mots, aussi beaux soient-ils, mais qu’il ne les vit pas, il fait reculer l’échéance de la paix totale. Donc il annonce et il agit. Il se donne. L’homme, ou la femme, de paix est sans cesse dans la dynamique du don de soi, de l’ouverture à l’autre, à tous les autres. Il ne peut pas y avoir de paix totale s’il y a sélection d’amitié ou ségrégation de peuples. La paix nécessite l’accueil de la différence, le respect de l’autre, le souci de la justice pour tous.

 

Aujourd’hui, des hommes et des femmes de toutes convictions et de toutes religions agissent pour le respect des droits des hommes et des plus humbles. Ceux-là sont des promoteurs de la paix absolue gagnée par le Souverain Christ, que parfois ils ignorent. Qu’importe ! Ils œuvrent dans le sens de l’histoire. Ils sont dans le réel. Plus besoin de la science-fiction de Matrix, ils sont les Néo, les nouveaux hommes, les nouveaux signes de la victoire sur la mort. Ils sont les ambassadeurs du règne de Dieu. Quant à nous, les croyants, baptisés, nous sommes les naît-au-Christ !

 

Le roi des machines demandait à Néo ce qu’il voulait. Néo avait répondu : « la paix ! ». Mes amis, regardons les arbres... Celui de la croix est un arbre desséché. Le Christ ressuscité, le Christ glorieux, nous annonce le fruit qu’il est devenu, et dont il nous nourrit à jamais en nous disant : « La paix soit avec vous ! »

Abbé Xavier