INRI
Homélie du Vendredi Saint 6 avril 2012
Vendredi saint
Lens, le 6.04.12
INRI
Un écriteau est placé sur la croix. Le motif de la condamnation est écrit en hébreu, en latin, en grec. Sur nos calvaires apparaissent seulement 4 lettres : INRI, l'acronyme de l'expression latine Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ». Mais les initiales peuvent aussi signifier In Nomine Romanum Imperium : « au nom de l'empire romain ».
Certains, aujourd’hui, se demandent en quoi Jésus est-il Sauveur ? De quoi nous sauve-t-il ?
Il nous sauve de nos erreurs, de nos horreurs. De nos empires qui empirent.
Empires du rendement. On sacrifie sur l’autel de la productivité. Trois infirmiers cette semaine, travaillant dans trois hôpitaux différents, s’inquiètent du changement des mentalités. « Beaucoup de nouveaux infirmiers semblent ne pas avoir reçu de formation humaine… On leur demande de faire des soins ; ils les font bien, mais sans être à l’écoute des personnes.» Il faut aller vite, toujours plus vite !
Empires de consommations à outrance. Empires des jugements sans fondement, des condamnations télévisées, des voyeurismes malsains.
Empires des violences folles. Tueries. Attentats.
Empires des drogues. Des alcools que l’on vend en ajoutant hypocritement que l’abus est dangereux pour la santé. Mais jamais on ne vante que l’alcool ne s’évente sans casser des familles.
Empires des romances à l’eau de rose. On fait croire que l’amour est un baiser, un attrait, un désir. Un essai. Qu’il faut, pour l’essayer, s’en protéger.
Empires des manques de courage, des lâchetés.
Les empires des toutes-puissances. Des illusions. Nos manques de conscience qui se traduisent par une question : « De quoi devons-nous être sauvés ? » On ne voit même plus que l’on est orgueilleux. On ne voit plus l’autre, la misère de l’autre, la faim de l’autre. « Moi ça va bien, merci ». « Moi » est omniprésent, débordant, dégoulinant.
De quoi faut-il être sauvé ? De quoi INRI nous sauve-t-il ?
Il nous sauve de l’empire des vampires. Des pires vents : les vents froids des suceurs de sang, des mangeurs de vie. Les vents de la méchanceté gratuite, de la médisance, de l’infamie. Les paroles susurrées, justes à peine prononcées pour détruire. Les regards pénétrants qui, tel un virus, viennent empoisonner l’âme et le corps.
INRI nous sauve des faux-sauveurs, des faux-guérisseurs, des faux-prophètes. Celles et ceux qui promettent, qui s’apitoient, qui consolent un instant mais qui oublient. « 700 millions de petits chinois… »
Il nous sauve de nos médiocres comportements. De nos émois qui ne sont pas des émotions mais des peurs. L’on pleure quelques fois devant un drame, non par peine pour l’autre, mais parce que l’on pense : « Et moi si ça m’arrivait ?... »
Il y a sur la croix, un écriteau rédigé en hébreu, en latin, en grec. Dans toutes les langues pour que toutes les cultures comprennent que Jésus libère de l’emprise de nos empires.
Le Christ fonde un Royaume de frères. Les relations sont nouvelles. Il donne sa mère. Il nous fait frères.
Le sang de Jésus coule pour irriguer la famille humaine. Le sang du Christ offert pour la multitude change les rapports humains. En Christ, l’homme est accompli. L’homme est central, tout l’homme. Tout homme.
In Nomine Christi, le mal est vaincu. L’amour est plus fort.
L’amour du Christ est oblatif. Il se donne. Totalement.
Le disciple du Christ est effrayé par l’amour qu’offre le Christ crucifié. On ne peut que craindre la puissance d’un tel don. L’absolu d’une telle offrande. Le disciple du Christ est tenté de fuir. Il comprend que l’amour vrai, l’amour divin, est un amour qui coûte. Cet amour demande un effort permanent. Toujours à renouveler, toujours à redonner. Un amour fatiguant. Blessant.
« Je me donne à toi. Je t’aime » sont les antithèses des attitudes phagocytes. L’autre n’est pas à détruire mais à construire. Il n’est pas à manipuler, mais à accompagner. Il n’est pas l’esclave mais le maitre. L’autre est un frère. Tout autre. Toute personne porte la semence divine de l’amour.
INRI nous sauve des relations trop suaves, trop gentilles-gentilles dans lesquelles il ne se passe rien, ou si peu. Le Christ nous libère des « Comment ça va ? » qui n’attendent pas de réponse. La croix plantée au Golgotha nous révèle que le Christ nous sauve de nos écarts de langages. Elle nous corrige et nous oblige à demander : « Comment puis-je prendre soin de toi ? ». Et elle nous oblige à agir.
Oui, sur la croix, il y a un écriteau. Il annonce que Jésus nous sauve des langues de bois. Une nouvelle Pentecôte allume un feu sur la terre pour fonder le Royaume. C’est par l’amour d’INRI que, ne le perdant plus, l’homme l’atteint !
Abbé Xavier