Penchants mauvais
Homélie Veillée Pascale - Baptêmes d'adultes
Samedi 30 mars 2013
Veillée Pascale, année C
Baptêmes d’adultes
Penchants mauvais ?
Mes amis, dans quelques instants, pour recevoir le baptême, vous allez vous pencher au dessus de ce baptistère. On pourrait dire que cette cuve remplie d’eau symbolise le tombeau du Christ. Comme les femmes accourues au sépulcre, vous allez « baisser vos visages vers le sol ». Dans ce récit de la résurrection, il n’y a pas que les femmes qui se penchent : quelques instants après elles, Pierre en fera autant. « Pierre courut au tombeau ; mais se penchant, il ne vit que le linceul ».
Il y a deux ou trois jours, Ludovic, tu demandais à me rencontrer pour recevoir le sacrement de réconciliation. Et je t’ai répondu que je ne pouvais pas encore te donner ce beau sacrement puisque tu n’étais pas encore baptisé – le baptême étant le premier des sacrements, celui qui permet de recevoir les autres. Par contre, les scrutins que toi et les autres catéchumènes avez vécus, ces démarches de vérité devant Dieu et devant l’Eglise, t’amènent, et vous amènent, à recevoir le sacrement du baptême qui lave de tous péchés, de toutes fautes, de tous penchants mauvais !
On pourrait passer sa vie à marcher les yeux sur ses souliers. Regarder quelques mètres devant soi, quelques jours devant soi. On pourrait avancer sans ambition, ou avec seulement les ambitions du monde. Oui, on pourrait marcher tête baissée. Se regarder le nombril… Avoir le mauvais penchant de l’égoïsme. On pourrait vivre sans regarder très haut. Etre tristes comme les femmes ou Pierre au tombeau. Baisser le visage vers le sol. Ne voir que le linceul. On pourrait se noyer dans les eaux de l’inquiétude. On pourrait vivre comme des morts !
Ce soir, vous allez vous pencher et vous allez entendre quelqu’un vous dire : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » Ce soir, vous allez vivre l’étape décisive d’une quête d’absolu. S’il est vrai que la tentation viendra toujours vous taquiner, par le baptême, vous allez recevoir une force : l’Esprit-Saint, qui luttera toujours avec vous pour oser les gestes de l’amour et de la fraternité. Vous allez recevoir le don de Dieu qui élève l’âme et le cœur. « Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? » est un immense appel à la vie. C’est une invitation à élever le regard, à viser plus haut. Relever la tête ! Non pas vivre au ras-du-sol, au ras des pâquerettes… Mais chercher plus loin, plus haut, plus intensément.
A propos de fleurs justement… Regardez les piliers. L’église est magnifiquement décorée et nous ne pouvons que remercier celles et ceux qui l’ont fleurie. Les colonnes entrainent naturellement les regards vers les hauteurs. Autrement dit, mes amis, votre baptême vous oblige à inverser le penchant ! Non plus regarder le sol, le linceul, le péché ou la mort… Mais regarder vers le ciel, la bonté, la beauté, la grandeur de Dieu. Le baptême est un mouvement de résurrection. « Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. » Christ est ailleurs. On ne peut plus se contenter de faire ou vivre « comme tout le monde »… Baptisés, vous êtes des hommes et des femmes en quête d’absolu. Libres, vous désirez engager votre vie dans des choix plus grands, des ambitions plus folles. Vous levez la tête vers le ciel. Vous regardez les fleurs et les oiseaux autrement. Vous comprenez que tout est don. Vous contemplez les sommets des arbres, vous cherchez les étoiles.
Pas d’illusion ici non plus. Ce n’est pas de la poésie. Lever les yeux vers le ciel, c’est d’abord regarder son frère, servir son frère, aimer son frère. Le ciel, c’est l’autre. L’immensité c’est l’autre. Le Paradis c’est l’autre ! Et cet autre n’est pas toujours idéal. Cet autre est pauvre, faible, parfois déguenillé. L’autre est loin d’être parfait. L’autre est malade, blessé, isolé, perdu. Il peut même être méchant, arrogant, désagréable. Par le baptême, vous devenez les frères et sœurs d’une humanité abîmée par le péché, mais sauvée par Dieu. Et vous êtes les témoins privilégiés de ce Salut.
Vous ne devenez pas soudainement de doux agneaux, innocents, béni-oui-oui… vous savez vos propres faiblesses, mais vous savez aussi que Dieu vous aime tels que vous êtes. Il vous aime éperdument. Il aime chacun de cet amour incommensurable. Lorsque l’on a goûté à cette certitude d’être aimé jusqu’à la moelle, on veut proclamer la force de l’amour. On veut dire à tous ce que l’amour divin produit, la force qu’il donne, la joie qu’il engendre. Et pour le dire, pour le montrer, il faut aimer comme le Christ aime. Aimer tous. Toujours. Aimer jusqu’au pardon. Accueillir l’autre avec ses merveilles mais aussi avec son côté bancal, ses mauvais penchants, ses instincts de mort. Accueillir et servir l’autre comme le Christ accueille et sert ses amis. Le baptême vous élève à cette dimension de l’amour ! Et croyez-moi, vivre de cette ambition, c’est plus difficile, mais c’est bien plus intense que de se satisfaire de pâquerettes !
Ce n’est pas tout. A cause, ou grâce à votre baptême, vous allez vous mettre au service du monde. Vous allez éduquer le monde. Vous allez aider le monde à regarder un peu plus haut, un peu plus vers Dieu. Vous allez témoigner. Chacun avec vos mots, avec votre façon, votre délicatesse, vous allez oser dire qui est Dieu. Ce qu’il a fait pour vous. Ce que vous savez qu’il fera encore et toujours. Non pas le dieu des magiciens, le dieu interventionniste qui surgit de la boite quand on en a besoin, celui qui réglerait tous les problèmes, et qui transformerait les souffrances en un clic de prière ! Non pas cette idole qui n’est que le reflet de nos toutes-puissances…
Notre Dieu est plus grand. Notre Dieu est plus autre ! Il est le compagnon de route fidèle. L’ami. Il est celui qui nous aime au point de se livrer pour nous, de se dénoncer pour nous sauver. Il ne change pas les événements de notre existence, mais il change notre existence ! Il nous change à l’intérieur, dans le cœur et la conscience, dans la volonté, et donc dans la manière avec laquelle nous accueillons les événements et les rencontres. La manière de les vivre. Grâce à Dieu tout devient une occasion d’aimer, aimer plus ! « Tout est grâce ». Ce n’est pas une philosophie, une méthode Coué pour affronter les aléas de la vie… Notre foi est un envisagement, une compréhension du monde. Dieu aime le monde. Dieu a sauvé le monde. Dieu croit en l’homme. Il a un grand penchant pour lui. Mais ce penchant là est bon. Humble, il se penche vers l’homme pour le servir. Dieu sait que l’homme, créé à son image, est capable d’aimer le monde comme lui-même aime le monde ! C’est une folle espérance.
En recevant le baptême, vous entrez en communion avec Dieu qui se lie d’amour avec chacun. Vous acceptez de suivre le Christ serviteur, le Christ humble. Vous communiez au geste du lavement des pieds. Avec trois autres jeunes et adultes déjà baptisés depuis longtemps, vous allez communier pour la première fois. Vous allez être intimement liés à Jésus, le Christ, le Fils de Dieu. Vous allez le recevoir, non pas comme une récompense après un long parcours d’initiation et de catéchèse… Vous allez l’accueillir comme un cadeau qui vous rapproche de vos frères et sœurs en humanité. Par le sacrement de l’Eucharistie, vous allez avoir l’ambition de tout donner sans compter, jusqu’à donner votre vie.
Donner votre vie, c’est ce que six d’entre vous ferez bientôt en célébrant le sacrement de mariage. Et oui, il y a des amoureux parmi vous, des gens qui ont un petit faible, un petit penchant ! Et dans quelques mois, vous serez plusieurs à recevoir un autre sacrement : la confirmation. Ce sera la troisième étape qui achèvera votre parcours de décision. Vous avez décidé et vous confirmez le choix de vivre selon l’Evangile. Vous croyez que votre vie, qui peut être marquée par toutes sortes d’événements, prend son sens dans l’amour que vous recevez de Dieu. Sans peur, vous décidez d’offrir cet amour au monde.
Mes amis, au soir de votre vie, vous pourrez dire : « Ainsi s’épanchait notre cœur ! »
Abbé Xavier