Appelés Fils de Dieu

Homélie de l'abbé Xavier à Saint Léger le 1er novembre

Saint-Léger, le 1er novembre 2014

Fête de tous les saints.

 

Appelés Fils de Dieu.

 

la paix2 la paix2  Parmi les Béatitudes annoncées par Jésus, je ne commenterai que celle-ci : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés Fils de Dieu ». Cela me permet de donner suite à la méditation commencée lors des célébrations pénitentielles de cette semaine. Il y a cent ans débutait la guerre de 14-18. Les millions de victimes et les atrocités vécues à l’époque nous invitent à réfléchir à nos comportements, car nous constatons qu’aujourd’hui encore la paix est fragile. Le Moyen-Orient, l’Europe de l’Est, plusieurs pays d’Afrique, et d’autres régions du monde sont sous les bombes. Des hommes et des femmes fuient, crient, ont faim. Les armes continuent de faire des ravages. D’autres violences peuvent détruire des sociétés entières. Les méchancetés, les vengeances, les coups bas, certaines paroles, certains regards, certains jugements, peuvent abîmer, voire anéantir, des personnes, des groupes, des familles, des communautés. A tout instant, en toute circonstance, nous avons un choix décisif à faire : faire la guerre ou faire la paix, tuer ou soigner, anéantir ou relever, haïr ou aimer.

 

Mes amis, si nous choisissons la violence, nous aurons peut-être notre vengeance. Et alors ? Qu’aurons-nous obtenu ? Des personnes auront été blessées, mais à quoi nous sert de faire le mal ? Quelle peut être notre jouissance lorsque nous constatons que l’autre est détruit à cause de nos agissements ? Sommes-nous des bêtes ? Sommes-nous des fauves, des fous ? Il est très probable que chacun d’entre nous ait été blessé par une injustice, une méchanceté, une traîtrise. Qu’allons-nous faire ? Nous enfermer dans la haine, le mépris, la guerre ? Allons-y mes amis… Rendons coup pour coup. Tapons, insultons, cassons. Que se passera-t-il alors ? L’adversaire cherchera probablement à rendre les coups parce qu’il ne se pensera pas coupable de la première agression. L’homme se sent bien souvent victime, mais il est peu enclin à reconnaître ses erreurs, ses responsabilités. Alors l’ennemi rendra le coup pour le coup qui était déjà un coup pour le coup. Et la spirale ne fait que commencer. Nous pouvons être scandalisés par le conflit israélo-arabe, ou d’autres, qui durent depuis des décennies, avec des actes terroristes de plus en plus infâmes, mais nous sommes des hypocrites lorsque nous critiquons ces guerres en entretenant les nôtres.

 

Regardons nos familles. Sont-elles des modèles d’unité ? Depuis des mois, des années, nous La paix La paix  entretenons une rancune. Nous sommes incapables d’inviter tel ou tel parent à Noël. Osons faire la vérité sur les événements. Oui nous avons été blessés, c’est vrai. Oui nous avons été, et nous sommes encore, victimes d’une profonde injustice. Oui notre cœur est encore meurtri. Mais faut-il pour autant entretenir la haine ? Qui fera le premier pas de la réconciliation ? « Heureux les artisans de paix » dit Jésus. Heureux ceux qui osent la paix. Heureux ceux qui prennent le risque d’être incompris. Et même d’être jugés comme provocateurs, car il se peut qu’une ambassade soit perçue comme une agression. Il faut infiniment de délicatesse, infiniment de courage pour oser une parole, un geste de paix. Il faut être en vérité avec soi-même, avoir fait le chemin de la remise en cause, reconnaître ses failles, demander pardon. Il n’y a pas de paix sans pardon. Il n’y a pas de paix sans justice. Les pseudo-paroles, les : « On tourne la page, on oublie tout » sont des chimères. La paix n’est pas l’oubli, l’histoire ne se gomme pas. La paix transforme l’histoire, elle sublime l’histoire.

 

Regardons nos groupes d’appartenance, nos clubs de sport, nos ambiances de travail. Que faisons-nous réellement pour améliorer les relations ? Gagnons-nous les matchs à coups de crampon, gravissons-nous les échelons à coups de coude ? Et qu’en est-il de nos comportements sur la route, que nous soyons chauffeurs ou piétons ? Sommes-nous devenus des sauvages à hurler, insulter, maugréer ? Est-ce la faute de ce camionneur si nous ne sommes pas partis plus tôt pour notre rendez-vous si important ? Contre qui sommes-nous réellement en colère, contre l’autre ou contre nous-mêmes ? Il s’agit d’être juste. La paix se gagne en tout instant. La paix avec soi-même avant tout. Car bien souvent nos violences envers autrui trouvent leur source dans notre manque de douceur avec nous-mêmes. Et si nous nous prenions un peu moins au sérieux ? Et si nous riions de nous-mêmes ? Et si nous dédramatisions ? Nous sommes violents parce que nous voulons être parfaits, tout-puissants. Nous n’acceptons pas les failles de notre personnalité. Le phénomène est pratiquement toujours inconscient mais en fait nous n’acceptons pas notre finitude. Nous sommes orgueilleux. Nous nous croyons humbles, mais nous sommes imbus de nous-mêmes. Nous n’acceptons pas d’être pauvres sachant que notre plus grande fragilité est notre mortalité. Nous n’acceptons pas de mourir. Nous avons peur de la mort. Nous sommes angoissés par le peu de temps qu’il nous reste à vivre. Nous ne sommes pas en paix avec le temps. Nous faisons notre crise d’adolescence, notre crise de la quarantaine, notre crise de vieillesse… parce que nous avons peur du temps et de la mort.

 

« Heureux les artisans de paix ». Heureux celles et ceux qui regardent leur mort en face et n’en ont pas peur. Ils ne la souhaitent pas proche, au contraire, mais ils en comprennent la beauté. L’au-delà est un au-delà de vie, de relation, de paix. C’est notre espérance. La mort permet le passage dans le Royaume de l’Amour absolu que le Christ a inauguré sur terre. La vie après la mort, la relation de pur amour en Dieu, se prépare durant le pèlerinage terrestre. Nous avons une vie pour apprendre à aimer, apprendre à faire la paix. Nous sommes sur un terrain d’entraînement et l’effort physique est intense. L’effort moral est constant. Heureux sont celles et ceux qui envisagent leur mort comme étant l’acquisition du repos de l’âme. « Mon âme se repose en Dieu », c’est ce que dit Sainte Thérèse d’Avila, « Que rien ne te trouble, Dieu seul suffit ».

 

Mes amis, la paix ne s’acquiert que dans la prière. Dans le cœur à cœur avec Dieu. Ne nous croyons pas capables de faire la paix avec qui que ce soit sans faire appel à l’Esprit Saint. Il nous la paix3 la paix3  faut d’abord nous en remettre à la sagesse de Dieu. L’Esprit Saint n’a rien de magique. Il n’est pas un truc que l’on sort du chapeau au moment où l’on en a besoin. L’Esprit Saint est le compagnon de la conscience, il est la lumière qui éclaire nos actes. Il est le guide de nos volontés. Ceux qui le prient régulièrement, en silence, à l’écart de tout, de tous les bruits, ceux qui le prient longtemps, sont étonnés des actes qu’ils se sentent obligés de poser, et qu’ils posent. Face aux trafiquants d’armes, ils deviennent des fabricants de paix, des prophètes, des prix Nobel de la relation humaine. Grâce à Dieu, la paix est toujours possible. Ils le savent. Ils ne désespèrent jamais de l’homme. Ils croient en tout homme. Ils aiment envers et contre tout, toujours. Ils aiment même leurs ennemis qu’ils considèrent comme des amis. Simplement parce qu’ils savent que, comme eux, tout homme est aimé de Dieu.

 

Nous fêtons les saints aujourd’hui. Tous les saints. Nous fêtons toutes ces personnes connues ou non qui se sont laissées entraîner par la Grâce. Toutes et tous avaient, et ont, foi en Dieu, en la vie qu’il donne et en la vie qu’il promet après la vie. Tous ont cru en la résurrection. Avec tous les saints de tous les temps, demandons à Dieu de faire de nous des artisans joyeux de la paix. Réunissons nos familles. Construisons des ponts entre les communautés et non des murs. Favorisons le dialogue entre les cultures et les peuples, osons la justice, dénonçons les trafics des armes, des corps, du fric, des consommations poisseuses. Sortons de notre torpeur, de nos silences qui sont pour les peuples opprimés une autre forme de violence. Nous sommes souvent trop tranquilles. Il s’avère que la paix proposée par le Christ est un feu ! « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, dit-il, mais un feu ! » (Luc 12,49) La paix que donne le Christ et que nous échangerons au cours de cette eucharistie est un engagement à changer le monde. Elle est une responsabilité devant les plus démunis, les plus fragiles. Elle nous oblige à agir. Autrement, nous sommes des menteurs, des frileux, des incroyants. Si nous ne cherchons pas à faire la paix, nous ne faisons pas confiance au Fils de Dieu, le Roi, le modèle, l’artisan de paix par excellence.

 

Mes amis, heureux ceux qui le suivent, lui le Christ. Comme Lui « ils seront appelés Fils de Dieu ».

 

Abbé Xavier