Plaine de lumière
Eglise Saint Léger de Lens - 2ème dimanche de Carême – A
Plaine de lumière !
Pierre, Jacques et Jean suivent Jésus. Il les emmène sur une haute montagne. Une haute montagne, c’est-à-dire plus haute que le mont qui borde le lac de Galilée où Jésus avait donné un enseignement sur la Loi, un enseignement qui transcendait la Loi : « Il vous a été dit… et moi je vous dis... » (Mt 5). Les auditeurs avaient donc pris de la hauteur dans la compréhension de la Loi. Jésus avait sublimé le message en révélant le sens profond des Ecritures. C’était une première révélation.
Jésus les emmène plus haut. Plus loin dans la compréhension. Sur la haute montagne, il est transfiguré. Il est difficile d’imaginer ce que signifie ce verbe. On parle d’une intense lumière, plus forte que le soleil. Jésus devient la source de la lumière, la source du jour. A ses côtés apparaissent les deux plus grands prophètes de l’histoire d’Israël : Moïse et Elie. Tous deux avaient montré le projet de Dieu pour le peuple élu. Jésus révèle ce projet sous un nouveau jour !
Mais il donne un ordre à ses disciples : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. » La compréhension de cette transfiguration dépend d’un évènement qui aura lieu sur une troisième montagne. Après le mont des Béatitudes, après la haute montagne de la Transfiguration, il y aura le Golgotha, le lieu de la révélation absolue. La crucifixion est comme l’antithèse de la transfiguration. Au moment où le Christ meurt, le ciel s’obscurcit. Il n’y a plus de lumière. Les ténèbres recouvrent la terre. « A la vue du tremblement de terre et de ce qui arrivait, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus furent saisis d’une grande crainte et dirent : ‘Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu.’ » (Mt 27, 54)
Tout est inversé : lors de la Transfiguration, le jour est éclatant, il y a un second soleil, bien plus puissant que l’astre créé. Au moment de la Transfiguration, c’est le jour, intense. A la crucifixion, c’est la nuit. Au moment de la Transfiguration, une voix venue du ciel proclame : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. » Quand Jésus meurt, c’est un homme, un païen, qui annonce Jésus Fils de Dieu. Avez-vous remarqué que c’est à la vue du tremblement de terre le centurion a fait cette déclaration ? C’est au moment où la terre se déchire, au moment où elle se dérobe sous ses pieds, qu’il annonce ce que Dieu lui-même annonçait à propos de Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » La terre est abîmée, la terre est creusée... La montagne s’effondre. Il n’y a plus de sommet. Il n’y a plus de haute montagne... Dieu révèle sa puissance dans la faiblesse !
Regardons Jésus. Il est humble. Il n’est pas nécessaire de lister les rencontres et les prises de parole du Christ. Vous savez la vérité et la simplicité de ses actes et de ses paroles. Le lavement des pieds résume à lui seul l’attitude continuelle de Jésus. La puissance de l’amour se révèle dans le service désintéressé. Jésus ne montre pas un dieu vengeur ou guerrier, ou extrêmement puissant au-delà de je ne sais quoi, ou encore d’un dieu à atteindre par l’observation de rites scrupuleux. Jésus, par sa personne, par les gestes qu’il pose, montre le Dieu de la relation, de la proximité. On pourrait dire le Dieu du corps à corps, du cœur à cœur. Le Dieu de la poignée de main, du baiser, du sourire, du regard. Dieu n’est pas ailleurs que dans l’offrande des corps mus par l’amour, la volonté de faire grandir, de servir.
Quand il meurt sur la croix, le corps de Jésus est fragile. Les muscles sont lacérés par les coups de fouet. La peau est en lambeaux. Et plus rien n’est beau. Les Grecs qui avaient un culte du corps, et nous leur ressemblons à en croire nos spots publicitaires aujourd’hui, auraient été horrifiés devant cet homme décharné. D’ailleurs il est dit qu’il n’avait plus apparence humaine. On dit parfois de quelqu’un de robuste qu’il est une montagne... Ici la montagne est détruite, anéantie, rasée...
Mes amis, qu’est-ce que la Transfiguration ? Je n’ai évidemment pas la prétention de répondre à cette question. Simplement, de proposer un élément de méditation. Je crois qu’elle est tout l’inverse d’une démonstration de toute-puissance. Elle est plutôt l’annonce de la fragilité d’un Dieu suffisamment amoureux de sa création pour s’identifier à elle. Il se fait homme pour montrer que l’homme est capable de service et d’offrande. L’homme est capable de se donner par amour. Sa vie devient lumineuse lorsqu’il est dans la dynamique du don et du pardon.
Cet après-midi, dans le cadre des conférences de Carême, à l’église de Sallaumines, nous entendrons le témoignage de Claire LY. Elle est présente dans notre assemblée ce matin et je la remercie de sa visite dans notre doyenné. Nous avons de la chance, vraiment, parce que nous pourrons réfléchir sur comment pardonner après avoir été victime des camps khmers au Cambodge, victime de l’horreur. Il y a des récits de vie qui nous font toucher du doigt la présence du Dieu AMOUR. Parce que Dieu, par son Esprit Saint, par l’Esprit de notre baptême, s’incarne dans les vies les plus ordinaires. Et au cœur du monde, parfois au cœur des ténèbres les plus sombres, il montre la lumière intense de sa miséricorde à travers nos corps. L’amour est un soleil plus puissant et il détruit les montagnes de l’orgueil et de la violence.
Tout au long de ce Carême, nous prions pour les vocations. Nous demandons à Dieu de donner à notre terre des hommes et des femmes dont le cœur et le corps soient pétris d’Evangile. Que par toute leur vie, ils et elles puissent révéler la lumière divine du service et de l’humilité. Qu’ils et elles nous donnent l’envie, le désir ardent de devenir chaque jour davantage plus aimants, plus humbles, plus doux, plus serviables, moins orgueilleux, moins ‘montagneux’ !
L’icône de la miséricorde, que nous avons présentée ici il y a quelques semaines, qui circule dans les foyers pour aider à cette prière pour les vocations, montre un Christ dont le cœur déborde de lumière. Cette icône irradie de sa lumière les maisons qui l’accueillent. Et nous entendions dans la première lecture : Dieu bénit les familles. Chères familles, chers amis, que vous soyez en couples ou que vous soyez célibataires, chers jeunes, chers enfants, priez, prions Dieu. Prions-le intensément pour qu’il éclaire nos cœurs de sa lumière. Demandons-lui de devenir des artisans de paix. Des hommes et des femmes justes. Des donneurs, non pas de leçon, mais de pardon. Que nous fassions de notre vie un acte d’offrande perpétuelle. Oui que nous devenions ensemble, en Eglise, en communauté, cette lumière de Dieu pour le monde, sans laisser qui que ce soit de côté. Et surtout pas les plus fragiles... Puisque ce sont eux les plus avertis quant à la question de la traversée des ténèbres et du besoin de lumière.
Mes amis, au long de ce Carême, demandons à Dieu de détruire nos montagnes d’orgueil et de remplir nos cœurs et nos mains de sa lumière... Sans doute ressentirons-nous une sorte de tremblement de cœur et alors nos mains, de lumière, seront ‘plaines’ !
Abbé Xavier