Souvenirs

homélie du 16ème dimanche ordinaire A

 

 

Souvenirs

 

 

ob_e8cadc_epis-de-ble-017 ob_e8cadc_epis-de-ble-017  Je vous invite à visualiser une des pièces de votre maison : votre salle à manger, votre chambre, ou votre bureau, celle que vous voulez. Une pièce en tous cas où sont exposés un certain nombre de souvenirs, que ce soient des bibelots ou des objets de valeur. Maintenant que vous avez choisi la pièce, je vous invite à fixer votre attention sur l’un de ces objets. Laissez-le parler. Écoutez-le vous raconter la raison de sa présence en cet endroit et pourquoi vous y tenez tant. Il vous rappelle une amitié, la réalisation d’un projet, une victoire sportive, une journée à la mer, l’histoire de votre famille, la célébration d’un baptême... L’objet signifie un moment important, peut-être même essentiel de votre vie. En l’exposant, vous exprimez, plus ou moins consciemment, votre joie d’avoir vécu un tel instant. Pourtant si vous « écoutez » plus attentivement l’objet, vous constatez que tout ne fut pas simple à l’époque. Aussi beau que soit le souvenir, il y a eu des difficultés, des ratés, des incompréhensions, des ombres. Tout ne fut pas parfait. Il y a sur l’objet de vilaines toiles d’araignée, des traces d’ivraie.

 

Reconnaissez-vous cette petite gerbe de blé ? Elle appartenait à l’un des ouvriers de la parabole que Jésus aimait raconter. Cette année-là, à la fin de la moisson, l’ouvrier agricole avait gardé ces trois épis pour se souvenir de la leçon de son maître. C’était la première, et seule fois, que le champ qu’il cultivait avait été infesté de mauvaises herbes. Elles avaient poussé au milieu des blés. Le maître avait alors eu la sagesse d’attendre le temps de la récolte pour discerner le bon grain de l’ivraie. Il n’avait pas accusé son employé d’avoir mal travaillé. Sans doute est-ce aussi pour cela que l’ouvrier a voulu garder ces quelques épis. Ils signifiaient la confiance que le maître lui avait toujours accordée. Si l’ivraie avait poussé, ce n’était pas de sa faute, mais c’était l’œuvre d’un ennemi. Quelqu'un d’extérieur. Lui, l’ouvrier, n’avait rien à se reprocher.

 

Parlons de l’ennemi. Parlons de celui qui abîme les plus beaux souvenirs. Une fois n’est pas coutume, parlons du Diable. Osons dire le nom de celui qui ne cesse pas de se cacher, et regardons comment il agit, comment il s’arrange pour salir, casser, démolir les plus belles relations, les plus beaux projets, les meilleures réalisations.

 

Satan, je ne t’aime pas ! Et je fais appel à l’Esprit du Christ, à l’Esprit de mon baptême pour direbon-grain-et-ivraie bon-grain-et-ivraie   maintenant comment je te vois agir. Parce que seul le Christ peut te combattre et t’éloigner. Seul le Christ peut faire revenir la lumière là où tu as voulu mettre les ténèbres. Seul le Christ est capable de séparer le bon grain de ton ivraie. Souvent tu te déguises en ange de lumière. Souvent tu utilises les meilleures intentions. Tu permets à chacun de se donner bonne conscience, d’être dans sa vérité. Tu utilises l’orgueil, mais bien sûr, tu t’arranges pour nous faire croire à notre belle humilité. Tu descends dans les cœurs, tu t’immisces dans les consciences de façon subtile, avec infiniment de finesse, pour mieux déployer tes forces destructrices au moment où l’on devra choisir. Alors tu nous feras miroiter la nécessité d’abandonner ou de trahir. Tu sauras nous séduire en utilisant les arguments les plus convaincants. Tu nous susurreras que nous avons raison. Satan, ennemi pervers, tu sais même utiliser ce qu’il y a de meilleur en nous, nos plus belles aspirations, pour nous détourner de Dieu et des autres.

 

Je te rejette Satan. Et je prie Dieu pour que tous te rejettent. Je prie le Christ pour qu’il nous aide à discerner tes œuvres malfaisantes. Pour que nous sachions les contrer, non pas dans la précipitation, de peur d’abîmer le champ de blé de nos âmes, mais par la patiente écoute de la Parole du Christ. Notre seule arme face à toi, Satan, c’est la prière et les sacrements que l’Eglise nous donne. Notre seule façon d’arrêter tes folies, qu’elles soient flagrantes ou insidieuses, c’est de regarder la croix de Jésus. Là, à ce moment de l’histoire des hommes, Satan, tu as perdu. La mort que tu infliges est morte. Christ est ressuscité ! L’ivraie que tu disperses s’est fanée. Tu ne peux rien faire contre la puissance amoureuse du Fils qui donne sa vie au Père par amour de tous les hommes. Tu n’es plus rien face à Celui qui t’a résisté au désert et plus encore au jardin des Oliviers. Jésus a bu la coupe jusqu’à la lie, sans te laisser la moindre chance de le détourner de la volonté de son Père.

 

Alors Satan, quand je te vois agir en moi, dans mes excès d’orgueil, quand je te vois provoquer des guerres entre les peuples, quand je comprends ta présence dans les jalousies, le mensonge, dans les peurs et les replis sur soi, dans toutes sortes de gourmandises, dans les regards et les mots destructeurs, dans les exclusions ou dans certains conseils soi-disant bienveillants... En tous ces instants, Satan, sache que nous nous tournons vers le Christ. Que nous savons qu’à la fin des temps, il saura séparer le bien du mal. Que ce que tu as perverti sera oublié. Seuls resteront le beau et le bien que le Christ nous aura inspirés. Dans le salon ou la chambre du Père céleste seront exposés les épis de nos belles actions, de nos rencontres. Tout sera purifié. Il n’y aura pas de toile d’araignée.

 

As-tu remarqué, Satan, que le souvenir de l’ouvrier ne comporte que des épis de blé ? Pas d’ivraie. Le temps a effacé l’œuvre éphémère de ta méchanceté. Parce que, toi, Satan, tu engendres la mort. Le Christ, lui, engendre la vie. La vie éternelle. « L’amour ne passera jamais. » (1 Co 13, 8a) écrit l’apôtre Paul. Nous savons qu’en tant qu’ennemi de la beauté et de la vie, tu ne cesseras pas d’agir pour détruire. Nous savons que tu essaieras d’une façon, puis d’une autre. Que tu feras tout pour séparer les couples et les familles, les sociétés... Ton nom « diabolos » en grec ancien le signifie : ta seule fonction est de désunir. Il faut reconnaître que tu sais le faire ! Mais nous n’avons pas peur de toi. Tu ne vaux rien. Nous avons Jésus et il nous a témoigné que le Père céleste est miséricordieux. Cela veut dire qu’il accepte nos imperfections, qu’il nous pardonne et qu’il nous relève sans cesse. Qu’il nous redonne des forces et la paix.

 

Tu vois Satan, tu voulais nous désespérer en montrant nos fragilités. Figure-toi, -toi qui n’as pas de visage !-, que c’est justement aussi à partir de nos faiblesses que l’Esprit-Saint agit. « Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 10b) a encore écrit l’apôtre. C’est le mystère de la Croix. Tout y est inversé. Toi, tu veux faire croire à la force et à la perfection ; le Christ, lui, appelle des pêcheurs, des prostituées, et les comble de sa grâce. C’est normal, Satan, que tu ne puisses pas comprendre. Le Christ agit selon des principes opposés aux tiens. Et tant que tu resteras convaincu de ta vérité, tu seras enfermé dans la médiocrité du désir d’être supérieur ! Regarde le Christ : son humilité le fait reconnaître Fils de Dieu. C’est bien ce qu’a dit un centurion au pied de la croix : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! » (Mt 27, 54b)

 

On va s’arrêter làSatan. Tu saurais encore utiliser mes paroles pour les tourner à ton avantage. Tu es fort, il n’y a pas de doute... D’ailleurs le doute est l’une de tes armes favorites ! Tu es fort, mais tu as perdu parce le Christ est plus fin, plus juste. Simplement, le Christ nous aime et tu ne peux rien y faire.

 

Adieu Satan ! Oui à Dieu... Je te remets à lui. Comme ton ivraie, il te laisse brûler en enfer. Quant à moi, je me dépêche de rendre ce souvenir à son propriétaire !

Déposer la gerbe de blé sur l’autel.

 

Abbé Xavier