Attention danger!

Homélie du 9 mars 2014- 1er dimanche de Carême

LENS, église Saint-Léger

Dimanche 9 mars 2014 – 1er Carême A

 

 

Attention danger !

 

Ça veut dire quoi être tenté ? La tentation, c’est un moment extrêmement furtif. Un tout petit instant. C’est le quart de seconde où l’on est faillible. En général, on est fort. On résiste au pain au chocolat, à la colère, au jugement, à la cigarette… On résiste. Habituellement, on sait se maîtriser parce qu’on sait qu’il en va de notre santé, du bien-être avec les autres, de la vie en société. Bref, tout se passe bien.

 

Mais voilà que d’un seul coup, à un moment totalement inattendu, une petite envie vient nous titiller. « Et si… ? ». « Et si tu essayais ? Et si tu lui répondais ? Et si tu lui claquais le bec une fois pour toutes ? Et si tu le trompais ? Et si on s’amusait ? Et si je doutais ? Et si je m’en allais ? Et si nous enregistrions la conversation… pour la donner aux médias ? Et si on détournait un avion ? Et si on poussait une pointe sur l’autoroute, pour voir ce que ça donne ? Et si on buvait un verre ? Et si on faisait semblant ? Et si on laissait tomber ? Et si on choisissait un bouc émissaire pour détourner l’attention ?… ». « Et si… » ? « Et si » siffle comme un serpent ! Il se susurre à l’oreille au moment où il sent la personne fatiguée, sans défense. Le mal ne vient que lorsque l’on oublie de prier. Le mal ne vient que lorsque l’on oublie de demander le bien, le beau, le grand, le noble. Le mal ne se propose comme solution que si l’on oublie de se tourner vers Celui qui est toute beauté, toute grandeur. Celui qui ne prie pas tombe dans la tentation.

 

Méfions-nous, cette tentation vient sans se montrer. Encore une fois, elle se présente sous de beaux aspects. Elle fait miroiter un plaisir. Et de fait, celle ou celui qui se laissera séduire jouira d’un moment de pouvoir. Jouira simplement, aura du plaisir. L’espace d’un instant, peut-être d’un long moment, voire d’une vie entière, celui qui a choisi la proposition du démon sera… heureux. Enfin, le croira-t-il ! De fait, il pourra consommer à souhait. Il pourra écraser. Il ne paraîtra d’ailleurs pas forcément mauvais. Il pourra même paraître bon, à ses yeux et aux yeux des autres. Faire et se faire illusion. Le tentateur sait tenir quelqu’un sous sa coupe. Il sait y faire ! Il sait comment lui faire croire qu’il est, qu’elle est, quelqu’un de bien, même de très bien. « Miroir, mon beau miroir ! ». Parce que la force du démon, c’est de prendre la place de Dieu. En tous cas, d’essayer. Non qu’il y arrive, mais sa malignité est telle qu’il sait nous tromper.

 

Parlons-en du démon. On n’en parle jamais. Ce n’est pas un être affreux avec une grande fourche et un costume rouge feu. Non, il serait bien trop visible, bien trop ridicule, bien trop reconnaissable ! Non, le malin est plus subtil, c’est un serpent plus fourbe. Il se déguise en gentillesse, en « Il faut que je dise à mon frère le mal qu’il fait aux autres », en donneur de leçon, en amuseur de galerie, en sarcasme, en ironie, en plaisanterie sur quelqu’un, juste pour que le quelqu’un soit affaibli et que l’on soit plus fort. Non pas que ce « quelqu’un » soit forcément un ennemi, mais c’est tellement plus facile de se montrer soi, en détruisant autrui. Le démon, le malin, le diablotin, le « qui vous voulez », -de toutes façons, ça n’a pas de nom tellement c’est pourri-, vient avec finesse pour qu’on le choisisse au détriment de Dieu. « Tu as le choix entre la vie et la mort. » dit le Deutéronome. Il arrive que, sur une fraction de seconde, on choisisse la mort. On plonge, ou on replonge. On retouche à l’alcool, à la pornographie, au mensonge, à la méchanceté… Il ne suffit que d’un micro-temps pour adhérer au mal, pour lui dire « Ok ! »... Et c’est tellement facile ! C’est d’ailleurs le propre du mal. Montrer la facilité. Montrer tous les avantages. « Vas-y, elle n’en saura rien ! Et bien quoi, il restera assez de bonbons pour les autres ! Ne t’en fais pas, si tu n’as pas appris, tu as à côté de toi Pierre et tu pourras pomper sur sa copie. » Mes amis, qui dit « Facilité », dit « Attention danger ! ». Moins il faut se forcer, plus il y a suspicion de démoniaque ! Démoniaque, ça rime avec ammoniaque, ça sent mauvais, ça sent le danger.

 

Tout est là. Nous commençons maintenant un chemin de Carême, un chemin d’effort. Un effort constant. Un effort redoutable. C’est une marche spirituelle, mais comme toute marche, il faut se munir de provisions pour tenir jusqu’au bout. Le Seigneur nous a donné les moyens de nous prémunir face aux tentatives du démon, parce qu’il attaque sans cesse. Regardez sous la chaire comme il est fort. Mais aussi fort soit-il, le Seigneur Jésus, sa Parole est plus forte et l’écrase. Jésus l’a vaincu une fois pour toutes. C’est donc vers Jésus qu’il faut regarder. Si tôt que l’on sent un désir de vengeance, d’orgueil, de gourmandise, d’avarice, monter en nous, tout de suite, sans attendre, sans même réfléchir, posons notre main sur notre chapelet, sur la croix accrochée à notre cou. Si nous n’en avons pas, fixons notre regard sur quelque chose de beau : la nature, une œuvre d’art, quelque chose qui vient de Dieu. Une photo ? Pensons à quelqu’un qui nous inspire la fidélité, la gentillesse, la vraie gentillesse, la sainteté. Pensons au Christ Jésus, et à Marie sa Mère. Implorons notre saint patron et les anges du ciel. Demandons-leur la force, le courage, la volonté de tenir. Crions à Dieu notre faiblesse soudaine pour qu’il vienne vite la combler de son Esprit Saint. N’ayons pas peur de nos faiblesses mais ayons peur de ne pas appeler à temps. Dieu sait que nous sommes faibles et il ne nous en veut pas pour autant. Il connaît aussi les arguments du prince des ténèbres. Au moment même, à la seconde –car juste après il est trop tard, en tous cas c’est bien plus difficile– au moment même où le tentateur commence son œuvre, à cette microseconde où on le reconnaît, il faut se mettre en prière.

 

Mais… Mais il est une façon plus simple de résister au « destructeur », c’est l’autre nom du démon. Il détruit tout : les relations, les œuvres, les joies, les cœurs, les êtres. Le moyen le plus simple est d’utiliser les armes de la prière régulière, du jeûne et de la charité. En amont, avant que cela n’arrive. D’ailleurs dans ce cas, cela n’arrivera pas.

 

Ne jamais refuser une poignée de main, un sourire, un geste de paix. Jamais. Ne jamais refuser de faire l’aumône. Jamais, sous aucun prétexte. Bien sûr le malin essaiera de nous souffler que l’argent va servir à acheter du tabac… Mais qu’en sait-on ? Et après tout, ce qui est donné est donné. Et puis, on peut aussi donner autre chose que de l’argent. Un temps d’écoute vaut parfois plus qu’un billet, aussi gros soit-il.

 

La prière. Il faut prier mes amis. Encore et encore. « Priez pour ne pas entrer en tentation », c’est ce que dit Jésus. A chacun de trouver son rendez-vous quotidien. Le plus long possible. On croit, ou le démon nous le fait croire, que la prière ne sert à rien, qu’elle est un temps perdu. Qu’il est plus utile de faire la vaisselle. Il ne s’agit pas de fuir la vaisselle que l’on fera après. Il s’agit de donner un sens à la vaisselle. Qu’elle devienne, elle aussi, une occasion d’aimer. Qu’elle ne devienne pas un temps propice au malin qui sait nous dire « tu vois, c’est encore toi qui dois essayer les couverts ! » Il se sert de tout ! Pour nous séduire. Mais, grâce à Dieu, nous pouvons le contrer en amont. La prière est le meilleur bouclier. La parole de Dieu à méditer est le meilleur des boucliers.

Quant au jeûne, il ne s’agit pas de se priver pour se faire du mal. Il ne s’agit pas d’être un héros. Au contraire, il s’agit de laisser un espace plus grand, non au plaisir imminent, mais au bonheur réel, durable, éternel. Non pas seulement, maintenant, ou un certain laps de temps, mais toujours, éternellement ! Il est question d’une autre dimension. Non pas le temporel, mais l’au-delà. Creuser en soi un espace pour une autre vie, la vie en Dieu. Faire un sacrifice, ce n’est pas se mortifier, mais se vivifier !

 

Voilà, mes amis. Attention, au démon. C’est un danger permanent. Dans nos marches, il y a des moments de désert. Il en profite. Soyons toujours prudents. Emportons dans la besace qu’est notre cœur, les trois moyens qui l’éloigneront, et grâce à Jésus le Christ, l’anéantiront.

 

Bonne marche mes amis ! En confiance, avec le Christ. Jésus nous mène à notre guérison.

Abbé Xavier

Article publié par Chantal Erouart - • Publié • 2914 visites