Hommage et Gratitudes à l'Abbé Jean-Pierre Pollart

Lors de ses funérailles à l'église St Vaast de Frévent

FUNERAILLES

DE MONSIEUR L’ABBE JEAN-PIERRE POLLART

 

 

Ephésiens 2, 1-10

Matthieu 13, 1-9

 

 

Vendredi dernier, dans la soirée, Jean-Pierre participait à une ultime rencontre. Elle réunissait les fidèles et les pasteurs des communautés paroissiales du doyenné des Sept-Vallées - Ternois. Il se réjouissait de l’intérêt et du dynamisme d’une assemblée nombreuse qui découvrait les orientations du synode provincial. Vicaire de l’Evêque pour les doyennés, Jean-Pierre avait déjà partagé la même joie lors de trois précédents échanges. Oui, le synode se mettait en route et lui parcourrait longtemps et longuement le diocèse pour lui faire porter les fruits de l’annonce de l’Evangile dans les paroisses et par les paroisses. Il ne savait pas alors que ce chemin serait si court, terriblement court. Il s’achèverait quelques heures plus tard !

 

Le brusque départ de Jean-Pierre vers le Père nous prive d’un frère, d’un oncle, d’un familier, d’un curé, d’un accompagnateur, d’un confrère, d’un collaborateur. C’est beaucoup. Il avait encore tant à faire, à entreprendre avec nous et pour nous. Son décès peut tout naturellement nous décourager et nous affaiblir un peu plus. Nous ne lui serions pas fidèles si nous nous abandonnions à la tristesse et au désespoir. Pétri et façonné par la Parole de Dieu, Jean-Pierre nous invite tout simplement à l’accueillir et à la vivre. Lui-même s’efface devant cette Parole. Elle ne sera pas sans effet. Elle accomplira ce que, de manière visible, il ne peut plus envisager avec nous.

 

Oui Jean-Pierre nous manquera, mais déjà il fait résonner à nos oreilles la certitude de l’apôtre qui savait sa mort proche : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas vous, c’est le don de Dieu. » Paul peut mourir, Jean-Pierre peut nous quitter. Dieu est à l’œuvre. Le salut ne vient pas de nos actes, « personne ne peut en tirer orgueil. » Contre vents et marées, « Dieu nous a créés dans le Christ Jésus en vue des œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance. »                                                                     

 

Au moment où nous nous apprêtons à vivre une grande et belle aventure dans le diocèse, la mort de Jean-Pierre nous frustre, elle nous dit cependant que nous n’avons rien à craindre. Dieu donne la Vie même lorsque nos fautes nous conduisent à la mort. Il est riche en miséricorde. Rien ne peut briser l’élan du grand amour dont Dieu nous aime.

Jean-Pierre reste pour nous un témoin de la confiance en Dieu, en tous lieux et en toutes circonstances. Bien loin des grandes envolées et des apparences trompeuses, il a cultivé au milieu de nous le bon sens terrien. Il savait à quel point il est indispensable de ne jamais perdre de vue le sol et sa qualité et de ne pas renoncer à semer largement, généreusement. Le bon grain tombe partout. Nul ne peut présumer de la récolte, mais elle arrivera, étonnante, riche et belle. Ce travail des semailles a besoin du ministère des prêtres. Nous prions le Seigneur d’en susciter pour notre diocèse.

 

Parfaitement à l’aise dans la vie quotidienne d’un pasteur, Jean-Pierre était persuadé qu’il ne faut abandonner aucune terre, la plus ingrate fût-elle.  Il n’est jamais trop tard pour lui redonner force et vigueur et la laisser travailler par Dieu. C’est pour jeter la semence de l’Evangile que Jean-Pierre s’engage  dans l’accompagnement de communautés du chemin néo-catéchuménal. En mai 1991, il écrit à son évêque : « S’il y a quelque chose qui m’anime, peut-être avec excès, c’est de voir des gens souffrir, des foyers qui se détruisent, des jeunes désemparés et d’avoir vu que Dieu pouvait avec le temps reconstruire, réconcilier et laisser un espace où Dieu lui-même peut par sa Parole et ses sacrements accomplir son œuvre de salut. C’est ça une catéchèse. Donner cette possibilité sans abandonner les autres chemins que Dieu donne à son Eglise, voilà, je vous assure ce qui m’anime et ce que j’ai essayé de manifester depuis quelques années. »

 

Nous comptions beaucoup, je comptais beaucoup sur Jean-Pierre pour tracer dans le diocèse le sillon du synode. Nous en perdons un acteur majeur. Est-ce bien certain ? Comme nous le faisons si souvent, nous rêvons de mettre en ordre de bataille tous les artisans de l’annonce de l’Evangile et nous désirons ardemment réussir. Quoi de plus normal, quoi de plus humain ? Le départ de Jean-Pierre nous révèle de façon peut-être brutale que nous pouvons fort bien nous tromper d’objectif.

 

Comme il l’a fait, nous devons nous dépenser sans réserve en acceptant de ne pas être maîtres du but et de résultat. Ils ne nous appartiennent pas. Nous apprenons toujours à nous en désapproprier avant qu’ils ne nous soient ôtés.

 

Jean-Pierre, nous te confions notre marche. Tu ne nous es pas enlevé. Nous croyons que dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ tu nous es envoyé. Dans nos réflexions, nos recherches, nos hésitations, nos choix et nos orientations, tu seras pour nous un guide fiable et fraternel.

 

Notre diocèse veut apporter sa contribution à la mission que le Christ confie à son Eglise. Il le fera dans la proximité avec tout frère humain, la communion entre les membres de l’Eglise et avec la famille humaine, la participation de tous à l’œuvre divine. Les douloureux événements qui endeuillent et bouleversent notre pays crient notre besoin de créer à tous les échelons de la planète, de la société, de nos familles, de notre Eglise, de nos paroisses, de véritables communautés.

 

Dans un autre courrier qui précède de peu celui que je citais plus haut, tu écris au même évêque : « Une communauté, c’est le moyen de formation le plus fort car il ne touche pas simplement l’intellectuel, mais aussi et d’abord la vie concrète des personnes. L’expérience du partage de la Parole de Dieu et du pardon est une source de vie impressionnante. Les jeunes ont un lieu de confrontation, d’écoute et de liberté. Bref, il y a là un trésor que vous ne pouvez pas imaginer … Je ne peux et ne renoncerai jamais à cette perle précieuse. 

Eh oui, il est des trésors que même un évêque ne peut pas imaginer ! Seul le cœur qui abandonne tout et se donne entièrement peut découvrir la perle la plus précieuse, la source de vie impressionnante, la richesse surabondante de la grâce de Dieu donnée en son Fils vainqueur de la mort. Jean-Pierre, reste avec nous pour nous le redire sur la route synodale qui s’ouvre devant nous. Si tu nous escortes, nous ne ferons pas fausse route !

 

Monseigneur Jaeger

Article publié par Françoise Dequidt • Publié • 2712 visites