le Samedi 11 avr 2009


Frères et sœurs, en cette nuit pascale, voulez-vous que nous entrions dans le chemin de ces trois femmes, Marie-Madeleine, Marie et Salomé pour passer avec elles de la mort à la vie, de la mort à l’ouverture, de la mort à l’espérance…
Vous me direz, mais dans la fin de l’Évangile que nous venons d’entendre, ces 3 femmes ont peur… oui elles ont peur, mais cette peur est un ébranlement qui est tout en même temps ouverture à ce qui va venir…

Et d’emblée je nous invite à vivre ce compagnonnage avec ces 3 femmes en cette nuit pascale à partir du temps qui est le nôtre… à partir de cette crise financière et donc sociale que nous vivons… Cette crise qui peut facilement paraître –au moins à certains- comme un tombeau dont on ne voit pas d’issue… Gardons si vous le voulez cette crise, notre crise, en arrière-fond quand nous regardons le chemin de ces 3 femmes.

Marie-Madeleine, Marie et Salomé partent donc vers le tombeau dès le lever du soleil… elles partent avec des parfums, des aromates : on les sent comme demeurant dans l’amitié de Jésus, fut-il mort.
C’est dire que dans ces 3 femmes partant de bon matin, nous comprenons l’amour qui se lève tôt… et qui fait ce qu’il doit faire…
Et en chemin elles causent : conversation de femmes : « qui nous roulera la pierre »… elles ont besoin de quelqu’un d’autre… elles ont besoin de la force d’un autre…
Elles savent qu’elles n’y arriveront pas seules, même en s’y mettant à trois… mais elles y vont quand même… ce qui veut dire que cette question « qui nous roulera la pierre ? » n’est pas une question angoissée… sinon elles ne marcheraient pas…
Leur question n’est pas de savoir si la pierre sera roulée… pour cela, elles sont dans la confiance…. elles savent que quelqu’un la roulera…
Leur question, peut-être amusée d’ailleurs, c’est de discuter entr’elles sur qui la roulera…
Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ?

Et quand elles arrivent, la pierre est roulée…
Elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre qui était pourtant très grande.
Qui ? On !!!
On : le neutre, le neutre divin… peut-être, sans doute…
Il reste que nous pouvons tous nous reconnaître dans ce « on »…
Nous sommes appelés à nous rouler la pierre les uns aux autres, dans l’anonymat du service…

… en ce temps de crise, nous disposons tous d’un petit levier pour faire rouler la pierre devant le tombeau…

Et nos 3 femmes entrent dans le tombeau. Elles pensent y trouver Jésus mort. Et elles voient un ange… vêtu de blanc… un messager de Dieu…
Le vide du tombeau ouvre pour ces femmes la possibilité d’entendre la Parole de Dieu.

Et cette parole est parole de paix, d’apaisement : N’ayez pas peur !

Devant le vide de la crise, le Seigneur nous dit : N’ayez pas peur… N’ayez pas peur ! ces mots font le chrétien…
et tout-à-l’heure dans la 2nde lecture, livre d’Isaïe, nous avons entendu ces mots :

« Prêtez l'oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez.

Et comme la pluie et la neige qui descendent des cieux n'y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission. »

Cette parole du Seigneur, « N’ayez pas peur » nous est donnée pour qu’elle réalise en nous sa mission.

Comme toutes les autres paroles de l’ange aux 3 femmes d’ailleurs…
« Il n’est pas ici, il est ressuscité »… il est ressuscité… cette parole aussi peut faire son œuvre en nous… Il est ressuscité : c’est son être même !

Et l’ange confie au 3 femmes une mission incroyable : allez dire à ses disciples et à Pierre : il vous précède en Galilée, là vous le verrez, comme il vous l’a dit…

Et que font Marie-Madeleine, Marie et Salomé ? Elles sortent, elles s’enfuient, elles ont peur, et elles ne disent rien à personne contrairement à l’ordre reçu !
Trop dur ! Trop lourd ! Trop incroyable ! Trop énigmatique !

Il est bon parfois que nous méditions la désobéissance de ces 3 femmes au seuil de l’ère ressuscitée…
Elle nous atteste notre résistance à une existence dans la foi au Ressuscité..
Elle nous atteste la difficulté d’être de vrais témoins..

Bref en ces 3 femmes, nous n’avons pas de mal à nous reconnaître. Devant l’incroyable nouveauté d’être qui se présente à nous dans le Ressuscité de Pâques, nous préférions parfois ne pas entendre, nous terrer dans l’inaction et le silence.

La peur de ces femmes, notre peur humaine, s’oppose parfois à la volonté divine… au mandat divin que Dieu nous confie !

Tout se passe alors comme si notre nature même se dressait contre le surnaturel…

Dans cette désobéissance des femmes se dit notre difficulté à croire et notre tiédeur à dire la vérité…

Et puis quand même, nous pouvons en même temps comprendre que ce surgissement du divin demande à être digéré pour pouvoir se dire ! Et peut-être qu’ensuite Marie-Madeleine, Marie et Salomé… peut-être… mais c’est une autre histoire…

L’ange en tout cas leur dit : il est ressuscité, il vous précède en Galilée…
Autrement dit, c’est en repartant dans le chemin de votre histoire, en repartant dans votre quotidien que le Ressuscité vous attend…

Voyez-vous l’interrogation profondément mystique sur la mort, la foi, la résurrection, la crise, et cet écartèlement que cela peut produire en nous, cette interrogation mystique trouve son chemin de résolution dans la manière même dont nous repartons dans l’histoire en croyant cette histoire habitée précédée, menée par le Ressuscité !

Souvenez-vous, 1ère lecture : l’ange du Seigneur marchait en avant d’Israël…
… et le bâton de Moïse ouvre la voie, écarte les eaux… pour que le peuple puisse être libéré et marcher…

Et souvenez-vous, tout-à-l’heure nous marchions derrière le cierge pascal… il nous ouvrait la route !
Et dans la 3ème lecture nous entendions : à sa lumière, marche !
A sa lumière !

Et c’est bien à cette conversion là que Pâques nous appelle : que nous chantions ici en cette église « alléluia, il est ressuscité » pour que nous soyons de plus en plus ardents à vivre toute notre vie comme suivance du ressuscité qui nous précède en Galilée, c’est-à-dire qu’il nous précède au pays de la finance, qu’il nous précède au pays de l’économie, qu’il nous précède au pays du social, et qu’il nous précède au pays du politique.

Qu’est-ce à dire ?

Baruch, 3ème lecture : « pourquoi es-tu exilé chez tes ennemis, vieillissant sur une terre étrangère, souillé par le contact des cadavres, inscrit parmi les habitants du séjour des morts ? - Parce que tu as abandonné la Source de la Sagesse ! Si tu avais suivi les chemins de Dieu, tu vivrais dans la paix pour toujours.

Apprends donc où se trouvent la connaissance, et la force, et l'intelligence ; apprends en même temps où se trouvent de longues années de vie, la lumière de tes yeux, et la paix. »

Cette lumière que nous cherchons, c’est le Christ ressuscité…

En lui, et c’est le sens de notre baptême, en lui nous sommes invités
. à mourir à la jouissance occulte du présent pour ressusciter à une vie possible pour nos enfants et les enfants de nos enfants

En lui, nous sommes invités
. à mourir à l’égoïsme, pour ressusciter dans la charité, dans la charité totale, dans l’amour tout entier de Dieu pour toute l’humanité..
En lui, le Christ ressuscité, nous sommes invités
. à mourir à des systèmes de pensées qui ont écarté l’homme, pour ressusciter dans les pensées mêmes de Dieu sur l’homme

En lui, nous sommes appelés
. à mourir à une économie du gain particulier pour ressusciter dans une économie de communion
. à mourir une idéologie du prendre pour ressusciter dans une culture du don

Mes amis, notre Seigneur est Ressuscité… il nous précède sans arrêt… il nous entraîne…
Désormais ses idées et son amour sont là, à portée de foi, pour entraîner l’humanité dans la résurrection…

Frères et sœurs, et vous…
voulez-vous vous rouler la pierre les uns aux autres, actionner le petit levier qui est en votre pouvoir ?
voulez-vous rester quelques instants devant l’interrogation fondamentale du vide de l’existence ?
voulez-vous écouter le message de l’ange qui vous dit : n’ayez pas peur !
voulez-vous écouter la parole du Seigneur qui appelle : venez !
voulez-vous désormais vivre à sa suite au quotidien de votre vie ?
voulez-vous croire que son amour peut tout ressusciter ?

Frères et sœurs, replongeons-nous dans la logique de notre baptême !
Plus que jamais, notre humanité en a besoin !

Amen.