La Morale, de quoi parle-t-on ?

avec Véronique Margron

    Nous avons accueilli ce jeudi 11 juillet à Berck , Véronique Margron, dans le cadre des conférences de l’été.

Sœur Véronique Margron vient d’achever deux mandats comme Doyen de la faculté de théologie de l’Université catholique d’Angers. Cette religieuse dominicaine, théologienne moraliste, enseignante, disciple de Xavier Thévenot et proche de Lytta Basset, est une voix qui compte. Elle fait partie d’une nouvelle génération de moralistes plus soucieux de l’écoute humble et respectueuse des « fils de l’humain » que de l’application rigide de la loi.
Membre du Comité national d’éthique, accompagnatrice de nombreuses équipes du monde médical, elle est particulièrement au fait des enjeux éthiques qui traversent notre société. Et les titres de ses livres récents, comme La douceur inespérée, L’échec traversé ou Vivre par tous les temps, disent à suffisance son souci constant d’accueillir et d’accompagner les personnes en situation de faiblesse.

 

    Le thème retenu pour cette soirée était celui de la Morale : Quand on parle de la Morale, de quoi parle-t-on ?

 

    Sr Véronique a commencé par nous rappeler les grands traits de la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui.

-                 Une société qui a plus changé en 50 ans que lors de la décennie précédente, à la fois sur le plan scientifique, technologique et humain

-               Nos manières de vivre sont aussi en complète mutation (contraception, travail des femmes, recherche sur l’embryon, mariage pour tous…)

-             Alors qu’en même temps, les cadres, les modèles disparaissent (les grandes institutions, les systèmes philosophiques ..)

Le constat de toutes ces mutations amènent de plus en plus de questions sur « le bien vivre » ; qu’est-ce que le bonheur ?  comment faire pour bien faire ?

Aujourd’hui, qu’elle est l’autorité qui peut me faire savoir ce qui est « Bien ». L’idée du « bien » en a pris un coup, ce n’est plus une idée socialement partageable.

 

Par exemple, dans les décennies précédentes, Dieu « disait ce qu’il convenait de faire »..mais aujourd’hui la religion est de l’ordre du privé, chacun est renvoyé à ce qu’il croit être le mieux. Il n’y a plus d’instance de référence.

De ce fait, cela influe sur notre façon de réfléchir ; nous cherchons du côté de ce qui est « le meilleur » plutôt que ce qui est « bien ».

On ne peut pas faire comme si les mutations n’existaient pas et nous sommes obligés d’assumer les ambiguïtés qui peuvent en découler et choisir ce qui va  conduire le plus possible vers le Juste ; de quel côté pèse le bon ; de quel côté pèse le mauvais…

Sr Véronique nous a aussi rappelé que les termes  Morale et Ethique avaient la même origine. Le mot éthique paraissant plus chic dans le vocabulaire employé aujourd’hui !

 

     On ne parle pas ici de permis ou de défendu mais plutôt de « comment faire de sa vie », une vie heureuse. A la fois, qu’ est-ce qui donne du goût à ma vie (qu’est-ce qu’une vie bonne ?) et comment faire pour bien faire  et prendre en compte les autres. De qui vais-je être solidaire ? en faveur de qui ?

Cela amène à des choix concrets ; à la fois personnels et de société. Il est indispensable de porter ensemble les 2 dimensions. Une « vie bonne » avec qui et pour qui  éclairent les termes Morale et Ethique.

 

 Sr Véronique a terminé sa conférence en nous partageant en quoi la foi éclaire le jugement éthique ou moral.

Elle nous a rappelé que la foi chrétienne n’est pas une morale, mais d’abord l’annonce d’un Dieu fait homme, qui est passé par la mort et la résurrection. Il s’est fait proche de ceux qui se croyaient loin et aucune des questions humaines ne lui est étrangère.

La Bible n’est pas un livre de Morale, elle raconte avant tout des aventures humaines et Dieu les accompagne.

Le moraliste, et avec lui tout chrétien qui s’interroge en vérité, avancent ainsi en permanence sur une ligne de crête, plus soucieux de comprendre les personnes et les situations que d’asséner réponses péremptoires, dictats et jugements.

Pratiquer la vie chrétienne, ce n’est pas d’abord se dire qu’il y a des commandements à respecter, c’est se mettre en présence de Dieu. C’est une manière de vivre les uns avec les autres qui va éclairer, éduquer la conscience qui le lieu d’unité de l’humain.

La foi est une chance et aussi une responsabilité.

-                   Une chance : nous avons un guide, Jésus. Il y a de la joie, cela donne du goût d’essayer d’aimer  comme lui. Bien sur il y a toujours la solitude à devoir choisir et cependant nous savons que le Christ nous précéde et nous accompagne. L’Esprit nous éclaire, notre conscience est habité ; c’est une force

-                   Une responsabilité : en faisant ce que nous devons faire, c’est le royaume de Dieu que nous éclairons déjà ici bas.

 

En répondant aux quelques questions qui lui ont été  posées ; Sr Véronique a précisé que

-                    ce qui est légal n’était pas forcément moral mais qu’on pouvait seulement espérer  que le légal soit moral.

-                   que nos réflexions ne doivent pas se faire par rapport à un idéal mais par rapport à la réalité. Dans la Morale, on est dans l’agir et sa fonction est de faire reculer la violence.

-             ce sont les valeurs qui font une société… et qu’une société où chacun choisirait n’irai pas très loin

 

 

Article publié par Michèle Leclercq • Publié • 2867 visites