Qui est l'homme du XXI éme siécle ?
Conférence de Catherine Ternyck
Catherine Ternynck
Psychanalyste,écrivain,conférencière
attachée à la faculté de Lille
Préambule : Mme Ternynck vient nous proposer de prendre du recul pour analyser le monde dans lequel nous vivons afin de nous « informer » (au sens propre : donner une forme).
Mme Ternynck est psychanalyste et son travail l’a conduite à participer au Comité Ethique de la Catho de Lille. Elle déclare que celui qui parle à un psychanalyste dit toujours, aussi, quelque chose de la société dans laquelle il vit. Ainsi, l’homme fragile d’aujourd’hui ressemble quelque peu à une statue de sable, comme le propose le titre de son livre : l’homme de sable. (l’homme se vide et son humus vire au sable.)
Elle nous confie être très heureuse d’être là et de pouvoir nous parler à voix haute, d’engager avec nous un dialogue.
Son exposé se déroulera en deux parties :
- L’homme du XXIème siècle
- Echange avec les participants
Quand nous venons au monde , nous ne choisissons pas notre époque. Nous sommes, aujourd’hui, à un moment très singulier de l’Histoire des hommes, engagés dans un gigantesque changement qui, de plus, est très rapide. Les mutations sont d’ordre :
Géopolitique
Technologique, avec même la création d’un « continent virtuel » (internet, la « toile »)
Economique (avec une mondialisation qui se traduit par d’importants flux migratoires )
Ecologique avec le réchauffement climatique,
Biologique … l’épuisement des énergies, la recherche d’énergies nouvelles et toutes les nuisances dues
à des modes de vie peu responsables.
Tous ces changements se renforcent les uns les autres. A ce propos, nous pourrions lire l’excellent petit livre de Michel Serres : Petit Poucet. De tout cela ressort qu’un nouvel humain est né. Les grandes références de la condition humaine sont en train de changer. Nous sommes face à une rupture comparable à celles survenues au néolithique, à la naissance du christianisme ou à la Renaissance.
Certains applaudissent à ce changement quand d’autres y voient une apocalypse. En y réfléchissant on peut dire que ce n’est pas l’histoire humaine qui s’effondre, c’est un homme nouveau qui nait.
Ce qui est très intéressant, c’est le retour à l’humanisme ; l’intérêt porté de nos jours à tout ce qui concerne l’humain.
Mme Ternynck propose quatre « pistes », quatre directions de pensée, quatre espaces qui appellent à être repensés : * la transmission * l’éducation * la liberté * la transcendance
- La transmission : Nous sommes face à une crise grave de la transmission. Le savoir « court sur le web », le livre papier est à bout de course, l’enseignement est très contesté (on refuse toute hiérarchie). Cependant, peut-on se passer de la transmission orale pour enseigner ? N’est-ce pas la rencontre d’homme à homme qui ouvre le désir d’apprendre ? Qui d’entre nous n’a pas le souvenir d’un maitre aimé qui lui a ouvert les portes du savoir ? Par la rencontre on transmet une vision du monde, une manière de penser. Dans le refus, parfois, de faire référence au passé, on se livre à la contradiction. En effet, il y a un paradoxe entre le refus du passé comme référence et la fréquentation croissante des musées, des brocantes ; la constitution d’albums de famille : activités étranges si l’on dit tourner le dos aux valeurs du passé. Ce qui disqualifie la transmission c’est, disent certains, la technologie actuelle…Oui, on peut constater que les anciennes générations sont souvent moins agiles que les jeunes devant le clavier d’un ordinateur, mais elles ont l’expérience. (« on transmet comme on transpire ») Dans ce que nous leur transmettons, les jeunes retiendront ce que nous sommes , un savoir être, un désir d’être, plus que le contenu d’un savoir.
La crise de la transmission peut se rapprocher de celle de la temporalité. Notre rapport au temps est modifié. Tout va plus vite, très vite, trop vite et l’on n’a plus le temps. Le temps ne se déploie plus. La mondialisation ne connaît plus la durée. Par l’exercice de mon métier, ajoute Mme Ternynck, j’ai pu me rendre compte qu’une personne qui va bien se meut dans les trois dimensions du temps : passé, présent, avenir. Une personne dépressive s’agrippe souvent au passé, une autre ne fait que redouter l’avenir et imagine toutes les catastrophes possibles.
Le temps a aussi acquis, dans le monde moderne, une dimension individualiste. On a affaire à un temps précaire qui tient mal le lien et ne sait plus de quoi demain sera fait. Pour transmettre il faut avoir confiance dans le passé et dans le futur. Je citerai Saint Paul : « Il faut que l’homme se fasse infini »
Nous parents, grands parents, soyons des passeurs. Il existe un devoir de transmission comme un devoir de mémoire. Et puis c’est une joie que de donner et recevoir. Ce qui fait la force d’une personne c’est, au début, sa capacité à recevoir et, à la fin celle à donner, partager, échanger, aller à la rencontre. Je pense, entre autres à Etty Hillesum, morte encore si jeune à Auschwitz et déjà si « ouverte », si capable de donner.
- L’éducation :
C’est une question très préoccupante de nos jours .Nous nous trouvons devant la contractualisation de toute forme de lien (en particulier du lien conjugal). Ainsi le divorce (démariage) affecte près de 45% des mariés (un peu moins qu’il y a quelques années : 50%). 80% des enfants sont confiés à leur mère.
10% des familles sont recomposées. 20% des familles françaises sont monoparentales. Il y a une dissociation de la parenté. Les parents ont moins d’enfants et les enfants…ont plus de parents.
Qui est l’enfant du XXIème siècle ? Les réponses mettent en évidence les contradictions. Il peut être :
Enfant roi ou enfant victime, enfant ange ou enfant « démon » (tyran), enfant vénéré ou enfant maltraité, enfant fabriqué ou enfant détruit.
On peut dire à propos de l’enfant que « le danger rôde autour de lui » ( voir L’homme de sable)Il y a à la fois une fascination exercée par l’enfant et un désengagement vis-à-vis de lui. Beaucoup de parents se trouvent en « désarroi éducatif » (au sens propre de des-arroi : ne plus être équipé pour le voyage).
Etre éducateur est une difficile mission dans un contexte où l’autorité est assimilée à « pouvoir » et que le pouvoir est contesté. La confrontation éducative est difficile(maltraitance possible), d’autant plus si l’on adhère au « dogme » : tout se joue avant six ans ! Il faut savoir moduler.
On se trouve devant une éducation qui est, elle aussi, bien souvent contradictoire. On veut que l’enfant trouve une autonomie précoce. Les parents pensent que, pour lui, il y a urgence à grandir. Il faut que le « petit » s’adapte au rythme des adultes. On veut le considérer comme un être achevé, un « mini adulte », qui n’a plus besoin d’être « élevé ». On pense que l’amour suffit et qu’il conduit à l’épanouissement, que l’on n’a plus besoin d’éducation ! Nous nous trouvons en face de deux sortes de parents :
- De jeunes parents soucieux de dialogue , de compréhension, prêts à écouter les conseils et…
- Les autres…pour lesquels l’éducation ne veut plus rien dire et l’autorité non plus.
Résultat de cet abandon d’autorité : il y a des colères qui n’ont pas de mots et qui conduisent à la violence. Les enfants ont l’intuition du « nous avons besoin d’interdits et de limites .Nous avons besoin d’être aimés, juste aimés (sans passion) sans que l’amour tourne à l’adulation. Nous avons besoin que l’on nous apprenne l’amour du monde (des humains, des animaux, des plantes…) On a remarqué que 80% des troubles adolescents viennent de carences éducatives .Il faut que passe la désinvolture éducative actuelle. De nouveaux éducateurs sont attendus et il faut qu’advienne le nouage de l’autorité et de l’amour.
L’autorité est un don d’amour. Elle dit à l’autre : « toi aussi tu seras autorisé. Il faut savoir rendre l’autre auteur »
Je vous invite, dit Mme Ternynck, à consulter le beau livre de Myriam Revault d’Alonnes : Le pouvoir des commencements sur l’autorité.
C’est un magnifique travail de mener un enfant à l’âge d’homme. Cependant, on ne peut pas non plus aller à l’encontre des mœurs ambiantes ( songeons à la question des fessées…). L’amour doit être verbalisé. On doit se dire « on s’aime ». Il faut savoir relativiser les choses, prendre des distances par rapport aux effets de mode. Rêver l’enfant comme un adulte en miniature engage sur une fausse piste, un contresens, une impasse.
b)La liberté :
Comment apprendre la liberté ?
Jadis les lois n’étaient pas très contestées, elles étaient souvent consensuelles. Cela se manifestait dans des normes établies : catéchisme, grammaire, codes divers…Il y avait une puissante tradition judéo chrétienne majoritairement acceptée. Aujourd’hui « nous avons vidé la mer, comme dirait Nietzsche » On est face à un imbroglio de repères confus. Or, vivre sa vie, c’est avoir à la penser, à décider.
De nos jours on hésite à tout propos. Est-ce permis ? Est-ce possible ? ( IVG, divorce, mariage pour tous, théorie du genre etc…) On se demande : que dois-je faire ? Souvent cette perplexité conduit à consulter un « psy » (mot que Mme Ternynck n’aime pas beaucoup car il occulte la belle étymologie grecque : psuché , qui signifie « âme ») Nous ne savons plus ce qui est bien ou mal, ce qui est permis ou pas. L’impensé nous sidère. Nous sommes « gênés » par la pauvreté de notre réflexion humaniste confrontée aux triomphes des valeurs technologiques.
Ainsi s’élèvent débats et prises de position face à des questions comme l’euthanasie, le mariage pour tous, les dérives possibles des progrès de la biologie et leurs conséquences. Les enjeux collectifs de nos sociétés portent sur la liberté et l’égalité ( surtout dans la seconde partie du XXème siècle). C’est un héritage prodigieux. De nos jours, le bien-être , la prospérité , le développement du droit des femmes , le droit à la libre expression, à la santé, à l’éducation, aux loisirs etc… sont des revendications fondamentales. Nous vivons mieux et plus longtemps, mais cette liberté nous a aussi fragilisés .
Nous n’avons pas la maturité de notre liberté.
Les besoins deviennent des dus, ce qui conduit à une tragique impasse humaniste. On se lance dans des processus de dédommagement, des procédures judiciaires…Cet individu ayant-droit doit s’effacer. Un homme nouveau arrive, c’est l’homme éthique, qui apparaît désormais partout. Ethique, qui vient de « ethos », mot qui désigne le lieu de vie, le lieu des habitudes.
Comment agir au mieux ? Voilà la question de l’éthique.
Abordons la notion du discernement éthique par rapport à la liberté. Nous avons à différencier le « progrès » des effets de mode ; à être attentifs à ce qui pénalise ou déshumanise. Il faut savoir, disait le pape Jean XXIII, maintenir l’essentiel à sa place (ce qui est d’ailleurs un critère de maturité, dans un monde marqué par l’inutile et le futile).Comme on l’a dit des moines du Mont Athos en Grèce, il nous faut être des veilleurs de l’essentiel. Comment être cela ? Il faut pressentir l’avancée des grands courants, apprendre à humaniser le métissage, car le discernement s’impose , et ce en bien des domaines : médecine, justice, éducation, entreprise etc …Le temps de la morale est révolu, celui de l’éthique s’avance. Nous n’avons plus à nous demander : Que dois-je faire ? mais : Que puis-je faire ? Il faut devenir responsable et ne pas refuser la liberté.
Nous touchons à un lien inquiétant. Partons de la Genèse dans la Bible : le récit de la création. Nous assistons à la création de différenciations successives : Différence homme/femme, créateur/ créature, parents/enfants, vie/mort, bien/mal, proche/lointain, sphère publique/sphère privée etc…
Ces différences, nous les effaçons régulièrement. Les grands interdits fondateurs cèdent. Alors toutes les questions se posent : genre, innocence, logiques primitives, violences, pour conduire à un effacement des grandes différences. Cela entraine une menace sourde, celle du retour au chaos, au tohu -bohu . Si nous analysons la pensée de la différence , nous en concluons qu’il est nécessaire que les différences existent.
Revenons à la liberté. Nous avons conquis beaucoup de libertés, cependant nous ne sommes pas des dieux . Nous devons protéger notre humanité.
On peut réfléchir, avec le philosophe Castoriadis, à la notion d’autonomie ( celle de l’individu comme celle de la société). Celle-ci se caractérise par la capacité, pour quelqu’un ou pour une société, de se donner des lois, de savoir entamer une dynamique d’interrogation illimitée sur ce que sont la vérité et la justice (pas d’appliquer des règles figées et venant d’ailleurs). Selon lui, être autonome pour un individu ou une société ne signifie pas faire ce qui plait ou ce qu’on désire mais savoir lucidement se créer ses propres lois ( donc aussi s’auto-limiter).
Des comportements dans notre société montrent que l’on ne sait plus se limiter . Ainsi foisonnent les addictions de tous ordres, des drogues au football en passant par la politique et la course au pouvoir etc…
Rappelons nous, au passage, que si l’on a appris jeune à s’auto-limiter, on a moins à souffrir ensuite lorsque l’on doit s’assujettir à des limites
Si l’on réfléchit à ce qu’est être libre, on s’aperçoit que la libéralité n’est pas égale à la liberté. La liberté implique un chemin intérieur d’autonomie. L’éthique est la main qui guide la liberté et « les chemins de la liberté » ne peuvent mener qu’au seuil de la transcendance.
Notre culture est humaniste, elle cherche à composer avec les mutations. Nous pensons de nos jours que nous avons droit à être libres et heureux. La solidarité se met au service du bien-être terrestre mais …nous avons oublié la question de l’au-delà, du spirituel. Nous vivons dans la culture du plein (liée aux lois du marché) . Il n’y a plus de place pour le manque. Mme Ternynck nous invite à consulter sur ce sujet, le livre de Christian Bobin : La part manquante. Il y a une fécondité potentielle du manque. Le manque est humanisant parce qu’il conduit à mettre en œuvre des compétences, des excellences, des dépassements, des croyances. Le manque n’est pas qu’une violence inacceptable. La vie ne serait-elle que « l’art » de bien consommer ? Nous répondons : non. Ya-t-il des échappées pour s’ouvrir aux transcendances ? Peut-être pourrions-nous relire les ouvrages du philosophe Gaston Bachelard, qui nous apprendraient que les valeurs de l’esprit doivent être retrouvées. Ainsi pourrions-nous de nouveau rechercher les joies de tous les jours dans la gratitude, le silence, la pudeur (si bellement nommée « les paupières du désir »), la solitude , le sacré (temps et lieux), la conversation (pas virtuelle) où le visage et la parole de l’autre sont présents, la beauté ( lire le petit livre de François Cheng : Cinq méditations sur la beauté) , la fécondité de l’esprit.
Ces joies nous invitent à transcender. Lire aussi Gabriel Ringlet ( prêtre, théologien, journaliste, philosophe) qui a écrit : la voie des moines poètes ou Eloge de la fragilité et voir aussi Marie Balmary
(psychanalyste) qui a réfléchi toute sa vie à « la liberté d’être soi » et qui nous propose de « faire d’ici un au-delà »
Cet inouï n’a rien de spectaculaire. Il faut se laisser prendre par ce souffle. La transcendance, c’est le pressentiment d’un mystère . Nous devons le chercher. Il est discret. Il nous faut alléger le matérialisme, aller vers cette vie de l’esprit qui est élévation.
Nous vivons une époque d’inespoir, pas de désespoir. Nous avons perdu le goût de l’avenir ( on parle de déclin occidental, de désenchantement du monde , de la difficulté d’être soi. Nous vivons dans la hantise de la catastrophe . Nous avons peur, souvent par la faute de la pression médiatique (broyeuse de noir). Alors lisons Jean Claude Guillebaud qui a écrit : Une autre vie est possible et Je n’ai plus peur. Une violence accrue semble affecter le monde moderne or, des études ont montré que celle-ci n’a cessé de décroitre depuis le XIVème siècle. Apprenons à savoir être critiques à l’égard des médias. Nous subissons aussi une autre pression, celle de « l’élite » intellectuelle qui nous abreuve de visions désespérées, avec un certain snobisme des « idées noires ». C’est improductif.
Il existe des solutions, des mutations .Il faut s’ouvrir à du nouveau. Revenons à l’espérance, elle n’est pas l’espoir, ni la confiance, ni l’illusion. C’est « La petite fille Espérance », comme l’appelait Charles Péguy, qui tend vers ce qui n’est pas encore vécu, pas encore pensé. Elle va vers ce possible dont elle ne sait rien. Là il y a la vie, la montée de l’aube. L’espérance est la vertu des temps difficiles. C’est un pari, une décision . Mme Ternynck nous raconte une histoire transmise par Pierre Rabhi, philosophe , agriculteur, biologiste, d’origine algérienne et initiateur du Mouvement « Colibris », (dans son ouvrage :La sobriété heureuse.)
Dans une forêt en feu se déplace un petit colibri qui revient de la rivière. Il laisse tomber quelques gouttes d’eau ? On lui demande : crois –tu que tu vas éteindre l’incendie avec tes quelques gouttes d’eau ? et le petit colibri répond simplement ; « je fais ma part »
Le monde est-il devenu un brasier ? Alors , comme le colibri, faisons notre part.
Echange avec les participants du Touquet
- Vous nous parlez d’éthique, de liberté, de transcendance…Que faites-vous pour les étudiants Lillois ?
Je suis enseignante à la Catho et la psychologie m’a menée à l’éthique. Il y a eu des séminaires d’ouverts et la mobilisation pour cela a parfois été difficile. La Catho fait beaucoup de choses. Elle a institué des modules optionnels, elle laisse et propose une très grande ouverture d’esprit aux étudiants. Un cycle de conférences sur « l’âme » a été mis en place. Nous avons parlé de « la peur », entre autres. Pourquoi la Catho devrait-elle faire plus ?
Parce qu’ici, dans le Pas de Calais ,on a peu de choses…
Quelqu’un cite alors la Fortule qui est un cycle d’études théologiques.
- Vous avez dit que nous vivions une crise de la temporalité, qu’il fallait ne pas courir après le temps. Or nous avons besoin de durée. Comment concilier ce besoin avec la notion d’impermanence, par exemple, dont parlent toujours les bouddhistes ?
Je pense qu’il faut savoir laisser place à l’ennui .Celui-ci est considéré comme un temps « mort » mais, ne savoir que faire n’est pas que négatif Il faut laisser un enfant, et aussi un adulte, s’ennuyer. Ce qu’il faut c’est « savoir cadencer » le temps.(avec ses ralentissements et ses accélérations ).
- N’ayant pas moi-même bien saisi la question, je ne puis la transcrire mais il m’a semblé qu’elle « tournait » autour de la fin des tabous, par rapport à la sexualité, par exemple, dans la société judéo-chrétienne et des conflits avec la libéralité actuelle .
Mme Ternynck répond que trois métiers sont « impossibles » : psychanalyste, mère, enseignant.
Elle l’expérimente dans l’évolution des pathologies qu’elle rencontre dans son métier. Elle y rencontre moins de névroses mais davantage de conduites traduisant le « mal être » : addictions, dépressions. On n’a plus de grandes névroses dues au refoulement sexuel , mais l’apparition d’une fatigue liée au fait d’avoir à porter seul sa vie.
La personne qui a posé la question ajoute : La tendance jungienne en psychanalyse serait-elle plus d’actualité que le freudisme ?
Peut-être, répond Mme Ternynck . Je vous rejoins à cause du souffle de spiritualité que cette tendance apporte. La santé se cherche du côté de l’esprit. Il faut lâcher l’avoir pour aller vers l’être.
- L’homme occidental est issu d’une culture judéo-chrétienne. Que penser des autres cultures ?
Je ne peux répondre à cela, qui dépasse mes compétences, mais je dis que l’on doit réfléchir à la question du métissage (voir Finkelkraut qui demande : comment garder notre identité et notre héritage ? s’ouvrir tout en restant soi ?) Voir aussi un livre sur « la conversation » qui dit que je vais à l’autre, comme l’autre vient à moi. On est heureux de se sentir écouté. A propos de la spiritualité elle raconte comment, en Inde, à l’aide d’une histoire, on apprend à transformer l’ordinaire de la v ie.
Un homme rencontre trois casseurs de cailloux au travail. Il demande au 1er : que fais-tu ? Celui-ci répond : je casse des cailloux. Il demande au second : que fais-tu ? Il répond ; je fais mon métier. Il demande alors au 3ème : que fais-tu ? et ce dernier répond : je construis un temple pour mon Dieu. Ceci démontre que nous pouvons regarder la simple matière (nous sommes tous casseurs de cailloux) ou la transcender. Il faut apprendre à voir « la petite transcendance ».
- Quelle différence entre psychiatre et psychanalyste ?
On peut distinguer entre l’orthodoxie et la non orthodoxie. La médecine est la base de la psychiatrie Le(la) psychanalyste exerce un art plus « transversal » . La psychologie désigne une « nébuleuse » où le meilleur et le pire se côtoient ? Quand on veut consulter, mieux vaut ne pas aller chercher dans les pages jaunes, mais demander conseil à son médecin de famille, par exemple , ou à des personnes en qui on a toute confiance.
- Dans l’approche de l’humain à laquelle vous nous avez conviés ,j’ai aimé le : « tracer son chemin ». Cela rejoint les paraboles du Christ. J’insiste aussi pour appuyer sur l’importance, pour moi, de l’autre, de l’autre dans la conversation par exemple. Or dans la transcendance, vous ne mettez pas l’autre.L’autre, dans la transcendance, qui est-il ?
Je ne cache pas que cela, pour moi, rejoint mes convictions de foi. C’est une position très minoritaire dans mon métier. 80% des psychanalystes se disent athées, et déclarent que la croyance en Dieu repose sur un fond de névrose .Ainsi se manifestent des divergences de « psychisme » comme dans le dialogue du psychanalyste Jacques Lacan avec son frère Marc, moine à l’abbaye d’Hautecombe.
Adresse du lien pour charger la conférence http://ftpslec.no-ip.info/shares/ftp/04%2520Mme%2520Ternynck%2520.MP3
Prochaine conférence :
jeudi 7 août à 20h30
salle sainte Anne rue des Halles à Berck
vendredi 8 août à 20h30
Annexe de l’église du Touquet
Un moine au carrefour du monde à Roissy
Par le père Philippe Vanneste
Moine trappiste au mont des Cats, aumônier à l’aéroport de Roissy