La religion dans l'espace public

conférence de Jean Paul Willaime

Présentation de M Willaime

Monsieur Willaime est né à Charleville. Il est docteur en sciences religieuses et en sociologie. Il aime le Touquet, il a trois filles.

Il est spécialiste en sociologie du protestantisme. Parmi ses nombreuses publications :  La nouvelle France protestante (2012) – éditions Labor et Fides

Enseigner les faits religieux, quels enjeux ? (2007) Armand Colin

Diplomatie au défi des religions (2014), avec Laurent Fabius et Régis Debray- éditions  Odile Jacob.

 

Lien audio  

http://ftpslec.no-ip.info/shares/ftp/04%2520Mr%2520Jean%2520Paul%2520Willaime.MP3

 

Compte rendu de la conférence

 

     Pour certains, la problématique que pose la religion dans l’espace public n’est pas du tout évidente car, pour eux, la religion ne concerne que l’espace privé (le for interne) et l’individu ; mais il y a des groupes : paroisses, communautés, associations, ou des personnes religieuses, qui participent à la vie sociale, ce qui appelle à réagir à la religion.

L’espace public n’est pas seulement étatique, il concerne aussi des associations, des groupes, des réseaux qui font partie de la société civile. C’est d’ailleurs sa richesse. Un grand défi se présente à tous, celui du vivre ensemble. Cela touche à la cohésion sociale dans une même collectivité politique alors que la communauté sociale est bien plus diverse que par le passé.

 

Dans l’espace médiatique, il est beaucoup question du religieux (pas d’un retour du religieux) mais d’une approche médiatique du religieux à travers des phénomènes actuels comme le fanatisme, la violence, le terrorisme etc…Tout cela met en jeu trois aspects du religieux et de ce qui s’en rapproche :

  1. La visibilité du religieux : vêtements, signes, comportements. L’histoire du port du foulard pour les musulmanes par exemple, qui a débuté en 1989 à Créteil, puis celle de la burka, (qui peut dissimuler une personne) ; celle même de jupes trop longues etc…
  2. L’action  (dans le domaine éducatif notamment). Certains ont dit que cela ne devait concerner que l’Education nationale. Il y a aussi les actions entreprises au nom du bien commun : solidarité envers les pauvres, les handicapés, les personnes en difficulté. Cela dépasse de beaucoup le simple point de vue du religieux (que l’on pense aux actions de la Cimade ou du Secours Catholique par exemple).
  3. Les débats : ils se concrétisent lors de la mise en en application du droit à exprimer ses convictions, dans des débats sociétaux comme ceux engagés à propos des dissensions provoquées par les prises de position pour ou contre le mariage pour tous (y compris des personnes de même sexe et donnant droit à l’adoption) loi Taubira validée par le Conseil Constitutionnel le 17 mai 2013. On peut très bien ne pas être d’accord avec ces choix.

 

Paysage religieux de la France

 

L’Etat français est un état laïc. L’article 1 de la Constitution déclare : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances »

La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seulesrestrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

La loi de 1905 qui promulgue la séparation des Eglises et de l’Etat ajoute, dans l’article 2 que « la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » Pourronttoutefois être inscrits aux budgets de l’Etat « les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles, prisons ».

 

Examinons l’évolution du paysage religieux de la France.

 

  • En 1910, 66% des chrétiens vivent en Europe
  • En 2010, 26% seulement des chrétiens y vivent

Le christianisme a subi un déplacement vers le Sud. Les trois pays où l’on trouve le plus de chrétiens sont :

Le Brésil : 175,8 millions - Le Mexique : 107,8 millions – Les Philippines : 86,8 millions

On compte 2,2 milliards de croyants chrétiens au monde dont 1 quart en Europe. L’Amérique latine compte 531 millions de chrétiens.

Première constatation : On assiste à une inversion du flux missionnaire qui se dirigeait jadis de l’Europe vers les autres continents alors que l’Europe voit actuellement des prêtres et pasteurs africains  qui viennent exercer leur ministère chez elle. Avec le christianisme africain en France, on assiste à une multi-culturisation et l’on voit des africains parfois plus engagés dans leur foi que des métropolitains français.

Il existe de nos jours de nombreuses personnes faisant partie des « sans religion », surtout parmi les jeunes de 18 à 29 ans ; et, à côté d’eux, des athées et des agnostiques. En effet, parmi les « sans religion » on distingue des croyants et des incroyants car certains reconnaissent une dimension spirituelle à l’homme.

Autre constatation : La France n’est plus aussi catholique qu’elle l’a été. Le nombre des baptêmes a beaucoup diminué. Il est passé de 472.190 en 1990 à 290.282 en 2012. Celui des prêtres aussi : de 32.267 en 1990 à 16.830 en 2012. Le nombre des ordinations a diminué mais celui des diacres permanents ayant un ministère a augmenté, passant de 589 en 1990 à 2.540 en 2012. Il y a aussi un affaiblissement de la pratique religieuse en général. On remarque toutefois une forte présence catholique dans des actions de type caritatif (58.000 bénévoles). Beaucoup participent à des pèlerinages. On peut aussi noter l’important apport intellectuel de certaines communautés comme celle des Jésuites et des Dominicains ou des Bernardins, de même que d’intéressantes réalisations dans le domaine artistique. Retenons donc ces signes encourageants de vitalité sur fond de baisse générale.

La seconde religion en France est, comme vous le savez : l’Islam. La religion musulmane regroupe en France entre 5 et 6 millions de croyants. L’organisation du culte musulman est encore peu rigoureuse. On compte environ 2.100 lieux de culte musulman en France, 90 mosquées et 350 projets de construction de celles-ci. Les constructions de mosquées entraînent parfois du mécontentement social (plus le minaret est haut plus la désapprobation augmente…). Nous assistons à un bouleversement dans le paysage religieux. Les musulmans ont droit à des édifices décents pour exercer leur culte. Le maréchal Lyautey s’était félicité, en son temps, de l’édification de la grande mosquée de Paris en 1922. On se souvient aussi des musulmans morts pour la France et qui ont une sépulture à Notre Dame de Lorette dans le Pas-de-Calais (576 tombes, hélas profanées à trois reprises).

L’Eglise protestante unie de France regroupe, elle, désormais, les luthériens et les membres de l’Eglise évangélique (environ 1,5 million de personnes). Le 17 mai  dernier, elle a annoncé qu’elle permettait aux pasteurs de bénir les couples homosexuels, ce qui a suscité quelques « houles ». On note, partout dans le monde, une croissance notable du protestantisme évangélique surtout aux U.S.A., au Nigeria, au Brésil, spécialement dans la tendance pentecôtiste (qui met l’accent sur l’efficacité du Saint-Esprit, avec guérisons miraculeuses, parlers en langues) et la tendance piétiste qui valorise la sainte doctrine et la pratique droite (l’orthopraxie). Des évènements comparables à ceux que l’on peut observer aux U.S.A. comme celui des « méga-churches » (immenses églises) peuvent se voir en France. Monsieur Willaime dit avoir assisté à Mulhouse à un culte du dimanche qui rassemblait plus de 1 000 personnes.

Le judaïsme : il regroupe en France entre 500 000 et 600 000 personnes. Le nombre a beaucoup augmenté en métropole lors  de l’intégration des sépharades arrivés d’Afrique du nord après la guerre d’Algérie. Ces derniers temps, on peut noter  une progression de l’émigration des juifs vers Israël compte tenu du climat de violence de ces derniers temps en France. Différents courants se rencontrent : celui des juifs sépharades issus du pourtour de la Méditerranée, celui des ashkénazes issus des pays de l’Est (principalement la Pologne), celui de quelques juifs orthodoxes, peu nombreux.

Le bouddhisme et l’hindouisme : Suite à la mondialisation qui n’est pas seulement économique mais aussi culturelle et spirituelle, qui a entraîné des déplacements de population, on trouve de petites communautés bouddhistes et hindouistes en France.

Les chrétiens orthodoxes sont aussi présents au nombre d’environ 300 000.

Les chrétiens orientaux vivent une période tragique en Irak, Syrie, Liban, Egypte. Ils sont soumis à des violences, des tortures, des massacres. Certains sont obligés de fuir leur pays (quand ils le peuvent). Ne les oublions pas !

     A travers toutes ces appartenances on constate une pluralité à la fois interne et externe importante. Lorsque l’on parle d’un juif, est-ce d’un sépharade, d’un ashkénaze, d’un loubavitch ? Et s’il est question d’un catholique est-ce d’un traditionnaliste, d’un conciliaire, d’un charismatique ?

En ce qui concerne les musulmans, certains sont venus du Maghreb pour s’établir en France. Au Royaume Uni, on trouve surtout des musulmans pakistanais. En Allemagne des turcs. Certains appartiennent à des tendances libérales et d’autres à des courants plus rigoristes.

On a pu parler aussi de « S.D.F. » de la croyance, qui ont reçu le christianisme en héritage. De nos jours, le conformisme est plutôt de ne pas être religieux, à tel point que certains évêques en viennent à envisager le catholicisme comme minoritaire. On entend parfois parler de « petits entrepreneurs » dans le domaine du salut, avec un « marché » plus ouvert et naissance de nouveaux mouvements religieux. On voit arriver des représentants des mormons (ils seraient au nombre de 36 000).

Il ne faut pas tout confondre et il existe fort heureusement une « mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les sectes » depuis l’année 2002, laquelle veille à ce que les comportements liés ou apparentés au religieux soient acceptables afin d’éviter les déviances comme celles observées au sein de la secte du « Temple Solaire » qui a conduit nombre de ses membres à des suicides collectifs en masse.

L’objet de mon étude: L’enseignement du fait religieux à l’école publique laïque.

De nos jours, il n’y a pas de formation religieuse et les professeurs se trouvent confrontés à une telle inculture religieuse chez les jeunes que, lorsque ceux-ci « tombent » sur des expressions auparavant compréhensibles par quasiment tous comme : « il a vécu un vrai chemin de croix » ou « cela  a été son chemin de Damas » ou « c’est un ouvrier de la onzième heure » ; les enseignants doivent les expliquer aux élèves. Monsieur Willaime cite deux anecdotes pour illustrer cette inculture : il est demandé à un élève : « c’est quoi Vatican II ? » Réponse : « c’est la résidence d’été du pape ». On présente à un autre élève une reproduction du tableau « Saint Sébastien » peint par Mantegna à la Renaissance et on lui demande de quoi il s’agit. Réponse :  « c’est une attaque par des Indiens »

Il y a nécessité de renforcer la prise en compte des religions comme faits marquants de l’histoire de la culture. A la demande de Jack Lang, Régis Debray avait écrit une étude intéressante sur ce problème de l’enseignement du fait religieux à l’école laïque, précisant bien que l’enseignement envisagé n’était pas l’enseignement de la religion. Suite à la destruction des tours jumelles du World Trade Center à New York en 2001, par exemple, il précise que la connaissance d’une certaine histoire permet de mieux comprendre ce qui s’est passé là. Après les assassinats perpétrés en France le 11 janvier 2015, des élèves ont participé à des débats, interrogé leurs professeurs d’Histoire. Un élève musulman a apostrophé son prof d’Histoire qui parlait de l’Islam ;  « Vous êtes une femme, probablement catholique, je ne vous vois pas le droit de nous donner un cours sur l’Islam ». Le professeur lui a répondu « je suis professeur d’Histoire et il y a à dire sur les faits religieux en tant qu’Histoire »

     La religion dans l’espace public

Est-ce un atout ou un problème ? C’est plutôt un problème surtout lorsque s’y mêle un réveil du laïcisme qui veut réduire le fait religieux à la sphère du for interne. Dans le religieux comme problème se présente la question de la visibilité. Dans les années cinquante, on voyait fréquemment dans la rue des prêtres en soutane, des bonnes sœurs portant costume. Certains commençaient à s’en agacer. Le problème resurgit à l’occasion du port du voile par les musulmanes. En 2003/2004, la commission Stasi étudie le problème et en 2013 Vincent Peillon fait promulguer une loi concernant le port de signes religieux ostensibles à l’école. On a une approche plus pragmatique de la question au Royaume Uni. En France, la dissimulation du visage (burka) est interdite par la loi. A cela les anglais ont réagi « on ne doit pas se mêler de la façon dont on s’habille dans la rue ». La Cour européenne, elle, n’a pas invalidé la loi française

Problème des repas dans les cantines scolaires :

Une règle a été adoptée par un grand nombre : proposer un menu alternatif quand il y a du porc au menu. Les laïcistes têtus, eux, disent qu’il est interdit de ne pas manger du porc. Cela rappelle les banquets au saucisson et « cochonaille » organisés par quelques groupes antireligieux le jour du Vendredi Saint ! Heureusement des solutions tolérantes sont souvent trouvées dans la majorité des cantines.

Une autre question plus nouvelle surgit : celle soulevée par les défenseurs du bien-être animal qui refusent l’abattage des animaux selon le rituel juif ou musulman qui prescrit de ne pas « endormir » l’animal à abattre mais de l’occire « bien vivant ». Il y a des controverses, donc, mais elles tendent à s’apaiser.

Un autre problème : celui de la circoncision qui, elle, porte atteinte à l’intégrité corporelle d’un enfant (tollés en Allemagne). Forte contestation de la part de certains juifs et musulmans…voulant perpétuer la pratique.

Autres signes religieux reprochés : l’installation d’une crèche de Noël dans les locaux d’un Hôtel de Ville ou sur une place publique (remise en cause des coutumes). Réticences, voire refus de la construction de lieux de culte pour des minorités considérées comme sectaires (le temple mormon du Chesnay dans les Yvelines…qui obtenu le permis de construire).

Après les attentats meurtriers du 11 janvier 2015, une immense mobilisation a rassemblé des milliers de personnes disant  « nous sommes Charlie » afin de revendiquer la liberté d’expression qui est l’un de nos biens extrêmement précieux. N’oublions pas que chaque liberté est équilibrée par une autre. On a le droit à la satire, à la moquerie. Personnellement, déclare monsieur Willaime,  je suis pour la liberté d’expression. Je conseille cependant de faire attention aux réactions.

Pour ce qui est de l’intervention des religions dans le débat public, un large accord se manifeste en ce qui concerne l’action humanitaire réalisée par des personnes, des groupes, se réclamant du christianisme, du judaïsme comme des actions visant à la solidarité, à l’éthique, se référant à l’ « amour » du prochain en général. On a récemment loué l’encyclique du pape François « Laudato si » à propos des transformations et changements à opérer individuellement et collectivement si l’on veut sauvegarder et transmettre à nos descendants une planète « en état ». Une édition de cet ouvrage est préfacée par Nicolas Hulot qui rappelle l’urgence du changement dans nos comportements et pratiques en faveur de notre Terre. Il s’agit là d’éthique sociale.

Puisque nous sommes dans le Pas-de-Calais, rappelons l’action forte et positive de personnes, de groupes, d’associations en faveur des migrants qui s’entassent à Calais dans l’espoir de trouver asile et travail en Grande Bretagne.

Dans la manifestation contre la loi 2013 sur le mariage pour tous, et à laquelle certains évêques ont participé, réunissant près d’un million de personnes, quelqu’un a pu dire  « c’était un mai 68 conservateur ». Il est vrai que les religions ont le droit de s’opposer à ce qui leur paraît contraire à leurs valeurs.

Dans un autre domaine, la loi permettant l’I.V.G. a été votée en France, c’est la liberté, mais on a le droit d’être contre et de le manifester. On a aussi droit au non-conformisme. Pourquoi relèguerait-on les tenants des religions au rang d’attardés ? Il y a des droits d’opposition.

Autre problème : celui de l’euthanasie. Il est légitime que les religions interviennent dans le débat. On peut voter l’Homme (l’humain) dans les débats sociétaux qui contribuent au débat collectif.

Mon dernier point : la laïcité (on en parle partout). Elle repose sur trois grands principes :

  • Celui de la liberté de conscience, d’avoir une religion ou pas et la liberté d’en changer
  • Celui d’égalité des personnes, de non-discrimination, égalité de droits et devoirs
  • Celui d’autonomie positive. S’il y a séparation des Eglises et de l’Etat, il peut cependant y avoir coopération en matière sociale, éducative. On doit appliquer le principe de neutralité et de respect vis-à-vis de toutes les croyances, dans les limites où celles-ci ne troublent pas l’ordre public. Il y a une laïcité de l’Etat, pas de la société ; des agents publics aux usagers des services publics (cela est très important).

Prenons le cas de sorties scolaires auxquelles des parents viennent donner de l’aide et qui proposent des mamans en burka pour l’encadrement de ces sorties…La : circulaire Chatel demeure applicable mais dans un esprit de compréhension.

Dans le cas d’une crèche privée pour enfants à Chanteloup-les-Vignes, où travaillait une femme en burka, il a été procédé au licenciement de celle-ci.

Ne pas étatiser la société est un immense défi

Conclusion : Dans une dimension européenne, c’est le même défi pour chaque pays. Des différences existent entre les pays. La France tient une position singulière en raison de sa laïcité et de son passé (nationalisation des biens du clergé).

Qu’en sera-t-il des clochers et des minarets du futur ? Dans le concret il y aura des débats délicats. Dans nombre de pays d’Europe existe un principe d’autonomie lié à la coopération en vue du bien commun, comme en Pologne. Ailleurs, il y a moins de préventions qu’en France. En Allemagne on peut assister à de grands rassemblements protestants, à des débats de théologiens à la télévision. La manifestation de faits religieux dans la vie sociale et culturelle est plus facile ailleurs qu’en France. On peut vivre une laïcité positive, inclusive. Mais il y a des écarts entre rhétorique et pratique. La France est plus européenne qu’on ne pense.

 

Echange avec le public

  • Après la loi de 1905, qu’en est-il des conventions passées avec les écoles privées ?

Ces écoles sont très souvent catholiques, elles ont passé un contrat avec l’Etat (loi Debré de 59), mais elles ne sont pas « crispées » sur leur identité religieuse. A Marseille par exemple, il peut y avoir une majorité d’élèves musulmans dans une école catholique.

Les écoles protestantes sont peu nombreuses mais il en existe une grande à Strasbourg. On constate le développement de 18 écoles protestantes évangéliques. Dans de petites écoles on applique une pédagogie spécifique (méthode Montessori). Quant à la question des enfants juifs qui ne fréquentent pas l’école publique, elle tient au fait que les parents constatent trop d’antisémitisme déclare un rabbin.

A Lille se trouve un lycée musulman (Averroès) qui a signé un contrat avec l’Etat.

  • Un point non évoqué : en Occident la religion suppose une relation à Dieu, mais le Bouddhisme n’a pas de relation à Dieu…

C’est une philosophie a-t-on dit en Belgique. Nous avons une vision occidentale de la religion

En Chine, un mot a été trouvé pour désigner la religion : Tao (la Voie). Du point de vue du sociologue, les systèmes religieux constituent un système symbolique qui procède à une mise en forme symbolique de l’existence.

Partout, la mort a donné lieu à une gestion symbolique et rituelle qui fait souvent référence à des religions. Max Weber a déclaré  « dire, c’est mettre  des mots sur les maux », et ouvrir des voies d’espérance et des conduites de vie. Cela rejoint la question du « sens » selon les différentes acceptions du mot : sens comme signification, comme orientation et comme sensation (sensibilité).

  • Les musulmans manquent de lieux de culte. Que pensez-vous de la proposition du recteur de la mosquée de Paris, monsieur Boubakeur, d’utiliser les églises désaffectées pour le culte musulman ?

Je pense que c’était une « bourde » et lui-même est revenu sur sa proposition.

  • J’ai été étonnée de l’accueil reçu par le pape François au parlement européen de Strasbourg…

Elle traduit la position « crispée » de la France

  • Le cas français n’est pas spécifique, d’autres pays mêlent public et religieux ; ainsi l’Angleterre a-t-elle comme devise  « Dieu et mon Droit » et la Pologne « Dieu, Honneur, Patrie »

Je conforte votre remarque. Sur le terrain européen, la prise en compte du fait religieux est plus décomplexée qu’en France. Dans l’Europe des 49, des rencontres annuelles sont prévues avec les religions. Cela reste rigoureux tout de même. Dans la pratique, les interlocuteurs français sont plutôt bienveillants mais il existe des opposants « viscéraux » au religieux. On peut y deviner un héritage des Lumières françaises. Un débat Chirac /Jospin était advenu à propos des droits fondamentaux de l’Homme quand le premier avait déclaré que ces droits reposaient sur « un héritage culturel, religieux, spirituel et moral »

Dans le préambule du traité de Lisbonne en 2009 entre les 27 Etats membres de l’Europe, on trouve un excellent compromis entre la laïcité et les religions en mettant en avant les valeurs universelles reconnues par les Etats. L’Europe est un « laboratoire » très intéressant pour ces questions.

Article publié par Michèle Leclercq • Publié • 3311 visites