le Dimanche 12 fév 2012 à 11h 00


Eglise Saint Paul - Arras

 Nous étions nombreux à participer à cette célébration préparée par les membres de la Pastorale Santé : les aumôneries des Bonnettes, du C.H.A, du Centre de Cure Pierre Brunet, de l’E.H.P.A.D de Dainville ainsi que le S.E.M, Amitié-Espérance et la pastorale de la personne handicapée. Pierre GUISNET, aumônier de la prison d’Arras nous a apporté son témoignage :

 

D’abord visiteur bénévole, j’ai rencontré pendant 5 ans à la Maison d’arrêt d’Arras des personnes détenues, soit prévenus en attente de jugement soit condamnés à de courtes peines.

Je suis accompagné d’une petite équipe, deux laïcs, dont Marie Claire Cambier que beaucoup connaissent, et un prêtre qui vient célébrer l’Eucharistie chaque Dimanche matin. La célébration du Dimanche est le temps fort de notre petite communauté qui rassemble une vingtaine de personnes. Un après-midi par semaine est consacré aux rencontres individuelles et nous souhaiterions à l’avenir compléter par un petit cercle de partage autour de la Parole du Seigneur.

 

Plusieurs convictions sous-tendent notre mission :

 

Nous sommes au service de la communauté chrétienne qui est en prison. L’Eglise ne s’y penche pas, dans une démarche caritative, sur un groupe de personnes défavorisées. Elle est en mission auprès de frères chrétiens emprisonnés comme elle est en mission auprès de frères malades par l’aumônerie hospitalière. En paraphrasant Georges Bernanos, on pourrait dire que « Il n’y a pas l’Eglise du dehors et l’Eglise de derrière les barreaux. Il y a l’Eglise du Seigneur et tous nous y sommes. »

Cela n’impliquerait-il pas pour nos communautés une plus grande communion avec ces frères dans le souci d’être informé, la prière autour d’intentions particulières, voire une présence auprès des familles, une aide concrète à la sortie. Je suis touché de la façon dont mes intentions propres sont reprises dans la prière de certaines personnes détenues.

 

Le deuxième point important est qu’à travers la Parole du Seigneur relayée par la notre, est reconnue leur dignité profonde, indélébile, inaliénable d’enfant de Dieu.

Nous leur disons souvent : « L’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.- La ressemblance a pu être perdue par notre histoire, notre péché, nos crimes – l’image de Dieu demeure au plus profond de nous. »

Et c’est notre tâche à la suite du Seigneur Jésus, don de son mystère pascal, de travailler à la restauration de cette ressemblance. C’est pour beaucoup un puissant levier de relèvement.

De plus, l’accueil de cette vérité première qu’ils sont d’abord aimés de Dieu ouvre la voie à la vérité progressive sur leur passé, leurs actes, leur responsabilité auprès des victimes et les réintroduit dans l’estime d’eux mêmes. Au tout début de chaque célébration, avant le signe de la croix, chacun énonce son prénom, se rappelant qu’il est inscrit de façon indélébile dans la paume de la main de Dieu.

 

Une troisième conviction est que le Seigneur nous précède et nous succède auprès de chaque personne détenue.

Nous pouvons nous identifier à cet aubergiste de la Parabole du Bon samaritain. Auprès de cet homme blessé, que ni le culte ni la loi, quand ils sont détournés de leur signification profonde de l’amour de Dieu et du prochain, ne sont capables de sauver, le Christ s’approche.

Emu de pitié au plus profond de ses entrailles, il le soustrait à une mort prochaine et lui donne les premiers soins. Puis l’homme blessé nous est confié, à nous « l’aubergiste » pour poursuivre si je puis dire la prise en charge sur la voie de la guérison. Pour cette tâche le Seigneur nous confie non une somme d’argent mais les talents et les charismes nécessaires à notre mission auprès du détenu ou auprès des malades. Au terme de son voyage (thème souvent repris dans plusieurs paraboles), il reviendra vers l’homme qu’il a sauvé pour poursuivre dans un cœur à cœur personnel la tâche de salut qu’il nous a temporairement confié. L’aubergiste ayant accompli sa tâche se retirera discrètement pour laisser à nouveau en tête à tête l’homme guéri et son Sauveur.

Le sauveur nous précède et il nous succède. C’est avec beaucoup d’humilité et avec les talents reçus, son Esprit, que nous pouvons être derrière les barreaux son Cœur et ses Mains.

 

Enfin comment ne pas être touché, malgré un quotidien souvent désespérant, par les gestes de solidarité vécus entre eux : soutien de l’arrivant anéanti par le choc de l’incarcération, discrets partages avec ceux qui n’ont rien, invitation à se rendre aux célébrations où comme ils le disent ils peuvent se sentir eux-mêmes, respirer un peu d’oxygène. Beaucoup continuent de se correspondre après leur transfert ou leur libération.

Auprès d’eux nous aussi sommes évangélisés, témoins qu’ « aux pauvres est annoncée la Bonne nouvelle ». Comme l’écrivait St Laurent « Les seules richesses de l’Eglise ce sont les pauvres. »

 

Comment ne pas penser que l’avenir de notre Eglise se joue là aussi à ses frontières, partout où souffre un lépreux, un frère en humanité pour lequel le Christ donne sa vie.