Ordination diaconale Jeremy Dewidehem
Eglise saint Nicolas, place de la Préfecture à Arras
Jérémy et sa maman Pour le service du Christ et de l’Eglise, par le don de l’Esprit-Saint,l’imposition des mains et la prière de consécration,
Monseigneur Jean-Paul JAEGER
Evêque d’Arras, Boulogne et Saint-Omer
a ordonné diacre en vue du ministère presbytéral
Jérémy Dewidehem
le dimanche 29 septembre 2013
Explication du Diaconat :
Diacre, du grec diakonos, signifie serviteur.
Le diacre est consacré serviteur à l'image du Christ, qui s'est fait le serviteur de tous. Pour témoigner de l'amour gratuit de Dieu dans lequel tout s'enracine et tout s'achève, le diacre est ordonné au service de la liturgie, de la Parole et de la Charité.
Pour le futur prêtre, l'ordination diaconale est le moment où, répondant à l'appel du Christ à le suivre, il s'engage définitivement, avec le grâce de Dieu, à vivre le célibat, à prier la liturgie des heures, en intercédant pour l'Eglise et le monde, et à vivre en communion avec son évêque, dans le respect et l'obéissance.
Le diacre assiste l'évêque et les prêtres, il proclame l'Evangile, célèbre les baptêmes et les mariages, il donne la communion, l'apporte aux malades, il préside la prière, les funérailles chrétiennes et se consacre aux divers services de la charité.
L'ordination diaconale, premier degré du sacrement de l'ordre, est une grâce reçue du Seigneur, qui est venu pour servir, donner sa vie et révéler l'amour infini du Père pour tous les hommes.
Présentation
Jérémy DewidehemJérémy Dewidehem, âgé de 29 ans, originaire de Bucquoy, est l’aîné d’une famille ouvrière. Durant sa jeunesse et aujourd’hui encore, son loisir principal est la musique, à l'harmonie de Bucquoy.
Lire l'homélie in extenso
Amos, 6, 1a.4-7.; 1ère Timothée 6, 11-16.; Luc 16, 19-36.
La parabole que nous venons d’entendre met en scène l’un des drames fondamentaux de l’existence humaine. Beaucoup en retiennent l’énoncé d’un grand classique souvent repris dans tout discours sur la justice : « Tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur. Maintenant, il trouve ici la consolation, et toi, c’est ton tour de souffrir. »
Nous savons à quel point cette sentence, sans doute trop rapidement interprétée, a été critiquée par les penseurs qui ont analysé au 19ème siècle le développement industriel et ses conséquences humaines. Il serait trop facile et trompeur, à leurs yeux, de promettre la consolation dans un hypothétique au-delà aux victimes de mécanismes sociaux qui supportent, quand ils ne les créent pas, l’injustice, le mépris et le cynisme.
Ce serait faire un mauvais procès à Jésus que de lui reprocher tout bonnement de justifier l’injustifiable. Comment ignorerait-il d’ailleurs le sévère avertissement du Prophète Amos qui ne négocie rien avec personne. ? Quand la richesse étouffe, aveugle et engraisse, elle conduit l’être humain à sa perte. Elle empêche toute lucidité de la personne sur elle-même et sur sa propre détresse. Le jugement est sans appel.
Non, Jésus ne fait pas l’apologie du « chacun son tour » pour faire taire le miséreux qui devrait subir peine et indigence ici-bas en attendant que vienne son heure là-haut, De façon redoutable, le Seigneur met surtout en lumière le grand et infranchissable abîme qui sépare les riches des pauvres et divise les membres de la famille humaine.
L’idolâtrie de la richesse et son caractère exclusif engendrent l’injustice, et c’est déjà beaucoup. Mais, plus encore, ils tuent l’homme et l’arrachent à sa véritable identité. Le dialogue entre Abraham et le riche est pathétique car rien, semble-t-il, pas même la souffrance et le tourment, ne permettent au nanti d’hier d’échapper à sa funeste logique.
La terre entière tourne autour de lui et de sa fortune. Repu, il est incapable de voir le mendiant qui git à sa porte. C’est, cependant, ce dernier qui doit lui rafraichir la langue. C’est le même qui doit partir en ambassade vers ses frères, quitte à ce qu’il revienne à la vie pour que le sensationnel ébranle enfin leur carapace. Elle devait être bien épaisse pour ne pas pouvoir être entamée par l’enseignement de Moïse et des prophètes !
Abraham invoqué par Jésus conclue ses propos par un aveu radical d’impuissance : « S’ils n’écoutent pas Moïse ni les prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus. » Aucune autre parole n’est plus percutante et désespérante que celle-là pour dénoncer la vanité, la traitrise et la fausseté du culte de la richesse et de sa pratique. Ils condamnent à mort.
Et pourtant Celui qui propose cette parabole va ressusciter d’entre les morts et l’abîme sera comblé. L’antidote de la richesse perverse et pervertie nous est donné en Jésus-Christ. Il est inutile que Lazare soit envoyé vers les cinq frères. Jésus est chez nous il a épousé notre condition humaine. Il a annoncé la Bonne Nouvelle du salut, de la réconciliation, du pardon. Il est descendu dans les profondeurs de la mort. Il est sorti vainqueur du tombeau.
Parce que le Fils de Dieu a aimé jusqu’au bout, qu’Il a tout donné, qu’Il s’est donné. Il n’y a plus d’abîme. La route est ouverte à une vie nouvelle enracinée dans le Christ Lui-même, nourrie par sa Parole, son sacrifice, son Corps et son Sang.
Jérémy, tu es ordonné et envoyé pour que l’abîme soit vaincu. Tu as certainement entendu le pape François inviter l’Eglise à sortir d’elle-même et de ses cénacles pour aller loin vers les hommes et les femmes, les jeunes de notre monde.
Ils sont souvent séparés les uns des autres par des abîmes qui semblent infranchissables. Ils se sont enfermés ou ont été enfermés dans les prisons qu’ont façonné pour eux toutes les richesses qu’ils tentent désespérément d’accumuler et préserver jalousement : l’argent, la supériorité, le prestige, le pouvoir, l’orgueil, la drogue, le plaisir. La litanie de ces tyrans ne connaît malheureusement pas de limites et ils finissent tous selon le mot même de l’Evangile par torturer.
Non ce n’est pas eux qu’il faut regarder. Cet après-midi, nous levons les yeux vers Abraham, vers Lazare, vers le Christ, vers toi Jérémy. Bien mieux que quelqu’un qui surgit de chez les morts, ministre du Fils de Dieu, configuré à Lui, tu es envoyé au cœur de l’Eglise et avec elle, là ou l’être humain souffre et aspire à la vie.
L’attente, le cri, le désir et l’espérance de cette humanité ne sont pas vains. La conversion et la nouveauté sont possibles puisque Jésus s’est abaissé par amour jusqu’à la mort et la mort de la croix. L’amour a vaincu la mort. La richesse, toutes les richesses ont été terrassées par la pauvreté et l’humilité choisies par le Christ venu d’auprès de Dieu.
Jérémy, tu diras dans l’Eglise et avec elle qu’il n’y a plus d’abîme. Tu proclameras que l’avenir est largement ouvert pour les cœurs soudain devenus vraiment riches parce qu’aucune fausse valeur n’obstrue en eux le chemin de l’Amour du Père pour ses enfants, du Christ pour ses frères et sœurs, de l’Esprit qui fait en l’homme toutes choses nouvelles.
Jérémy, tu vas miser toute ton existence sur le Christ. Tu seras dépouillé comme lui, tu seras obéissant comme Lui, tu seras chaste comme lui, tu seras sur la croix avec Lui.
« Mais c’est çà l’abîme ! » hurleront tous les otages de la richesse. Quelle folie te pousse à vouloir t’y précipiter ? Ne crains pas, Jérémy, n’aies pas peur ! Par le Christ, avec le Christ, dans le Christ, tu es déjà ressuscité. Tu es bénéficiaire, apôtre et témoin de la vie nouvelle qui a raison de l’abîme.
Tu seras désormais, serviteur comme Jésus de Nazareth et à sa suite pour qu’aucun être humain ne soit condamné à l’enfermement et que tous savourent le bonheur de l’Amour reçu et partagé, redevenu l’unique trésor de toute existence.
Il te faut aller là où il est si difficile de reconnaître en l’être humain qui n’a pas, n’a plus ou n’a que si peu de valeur pour ses semblables, le visage défiguré du Fils bien aimé du Père.
Tu annonceras la Parole de l’Evangile, Bonne Nouvelle qui peut seule définitivement régénérer le cœur de tous les riches de la création. Tu en donneras les signes dans ta vie et ton ministère. Tu appelleras, au nom du Christ et avec sa force les fidèles du Christ et les hommes et les femmes de bonne volonté à prendre place à la même table que les plus petits auxquels sont refusées les miettes qui tombent de tables plus fournies et garnies.
Je ne te demande pas Jérémy d’être anarchiste, révolutionnaire ou démagogue. A dire vrai, je ne t’imagine pas bien dans ces costumes ! Je t’appelle à exercer le service qui est celui du Christ quand il s’abaisse jusqu’au plus bas de l’humanité pour la relever et lui rendre sa splendeur. C’est là que le riche et le pauvre peuvent se retrouver et revivre ensemble.
Cette aventure que par le don de l’Esprit Saint et l’imposition de mes mains, tu vivras dans ta chair, dans ton cœur, dans ton histoire est celle de l’Eglise avec tous ses membres. Elle te reçoit pour exercer le ministère diaconal pour le bonheur de toute la famille humaine.
Jérémy, « Vis dans la foi et l’amour, continue à te battre pour la foi, et tu obtiendras la vie éternelle … Garde le commandement du Seigneur en demeurant irréprochable et droit jusqu’au moment où se manifestera notre Seigneur Jésus-Christ. » Accueille ces vœux formulés par Saint Paul et que le Peuple Dieu ici rassemblé et ton évêque t’adressent de grand cœur !