Imagine a church...

Canal jeunes N°08

Canterbury Canterbury   Le ciel manque cruellement d’imagination ! Mais ça m’amuse, l’air est humide et la petite goutte d’eau que je suis prend bien du plaisir à accompagner ces jeunes qui tournent en rond avec leur grand bus français qui roule à gauche. Les essuies glaces dansent dans des allers et retours frénétiques pour me chasser de la glace. Mais je reviens toujours. L’avantage, c’est qu’en anglais ou en français, tout le monde me comprend : je mouille ! Les capuches ornent les têtes, les K-ways sortent des sacs… C’est le lundi de Pâques, Météo France avait prévu que je serais là, je n’avais pas été invitée, mais bon, j’aime être là à l’improviste pour donner du goût à ces temps-fort.

 

A Chartham, ils sont les premiers autour de la petite église en pierre. Des grands imaginent de cacher des œufs dans les murs que j’avais mouillés toute la nuit et dans les branches des arbres. Les plus jeunes courent pour en attraper le plus possible. C’est Pâques après tout, les cloches sont passées par là. Entre 100 et 150 jeunes et familles (sans compter les chiens) sont prêts à affronter mes plics et mes plocs sur leurs vêtements, sac au dos. Seuls les anglais sont en tee-shirt. Sûrement une question d’habitude. La marche part, longeant une rivière heureuse de me recevoir dans son lit. 40 jeunes ne comprennent pas tout de l’anglais. Ils partent le sourire aux lèvres demandant déjà quand était prévu le repas.

 

J’entends l’un d’eux dire « c’est la marche que j’ai préféré », je suis contente, mon baptême bruineux lui a plu. Sur le chemin, un arbre « fat » (« sûrement a-t-il mangé trop de big mac » précise une jeune fille persuadée que c’est la nourriture anglaise de base) les salue. Je me pose sur une de ses feuilles avant de les suivre encore jusqu’à la cathédrale de Canterbury qui s’élève majestueuse du haut de ses dix siècles d’histoire de bâtisseurs. L’archevêque les accueille comme il a accueilli Kate et William un peu plus tôt.

 

Assise sur l’épaule d’un jeune qui photographie, mes copines lui arrosent le visage et son objectif, je rigole ! Quand ils rentrent Tim gratte déjà sur sa guitare « Blessed be Your name » « Béni soit Ton nom ». « C’est bizarre comme ils sont très attachés à ces majuscules pour ce qui parle de Dieu ! » s’interrogent les jeunes qui s’assoient sur le carrelage de la cathédrale, levant les yeux vers le plafond qui les protègent. Je m’abrite du côté du baptistère, comme ça je ne risque pas d’être foulée au pied si je tombe. C’est le seul meuble qui orne cette cathédrale dont ils n’accèdent qu’à la nef.

 

Nathan enchaîne dans un anglais rapide et difficilement captable certainement pour les oreilles françaises. Ils sourient un peu bêtement sans comprendre. Audrey témoigne, en anglais, de ce qu’est Pâques pour elle. Suite à la mort de plusieurs enfants dans un accident de bus il ya quelques mois, elle n’avait pas trouvée les mots pour expliquer la mort de sa fille. A Pâques, en revenant de la célébration du vendredi saint, sa petite fille lui dit : « il est mort, mais il va revenir ! » Voilà ce que représentait Pâques pour elle. Mélanie remercie de l’accueil. Et Tim reprend sa guitare, les bannières rentrent, certains porteur en Luigi et Mario. « C’est bizarre cette façon qu’ils ont de mélanger concert, spectacle et religion, je ne comprends pas bien ce que cela fait là » s’interroge l’un des jeunes du groupe.

 

L’archevêque prend alors la parole « Le Christ est ressuscité ! Alleluia ! » Puis c’est au tour de Murray de lancer vers le repas tous les jeunes avec quatre petites questions : Comment le Christ en croix et ressuscité, avec ses bras qui nous sont ouverts, nous aide-t-il a avancer dans nos relations avec les autres, dans la façon dont nous nous mettons au service, dans notre vie de tous les jours, et en quoi change-t-il le monde ? Ils partent songeurs, le ventre criant. Je les accompagne dans la salle du Chapitre qui fait penser à la salle du Choixpeau Magique de Poudlard. Les ventres prennent le dessus sur l’esprit, bien que le texte proposé juste après nous parle de tous les membres de notre corps.

 

Murray reprend ! Il va prêcher cette fois. Je ne suis pas certain que mon cerveau de goutte d’eau me permette de tout comprendre. Mais il commence en rigolant avec une publicité (il touche des royalties ?).

Cette réclame nous parle d’égoïsme. Et Murray était un enfant très égoïste. Pas de bol, son père, est pasteur en Afrique du Sud et il tient à ce que sa maison soit toujours ouverte, toujours accueillante et chaleureuse ! Pas évident quand on pense d’abord à soi de voir toujours du monde.

 

Il enchaîne sur Ubuntu, non pas le système d’exploitation, mais une notion africaine qui signifie « les Hommes ne sont Hommes qu’à travers d’autres Hommes ». Et Desmond Tutu, le célèbre archevêque sud-africain de préciser « On a besoin des autres êtres humain pour être nous-mêmes humains. J’existe parce que les autres existent » Je me demande si c’est pareil pour les gouttes d’eau… Mais ça veut dire encore que l’humanité ne peut pas exister seule, et que l’Homme n e peut exister par lui-même. Vivre avec les autres, leur ouvrir notre porte, derrière laquelle Jésus se trouve toujours, c’est ouvrir la porte au Christ. Nous accueillons ainsi tous les membres de ce corps comme l’écrit Paul dans sa première lettre aux Corinthiens. Il précise même que si l’un d’eau souffre, nos souffrons tous, si l’un d’eux est en joie, nous le sommes avec lui (1 Cor 12, 12-27) Mais sommes-nous capables d’accueillir comme le Christ accueille ? Il poursuit par une pause publicitaire.

 

Cette fois-ci elle nous parle de nos nombreux préjugés : nous jugeons si souvent sans connaître. Sans même chercher à connaître. Qui avons-nous du mal à accueillir ? Celui qui est différent, qui est en désaccord avec nous ? Mais nous ne sommes pas seuls à accueillir poursuit Murray, « nous ne devons pas essayer d’être des Chrétiens parfait s dans nos coins » Nous sommes tous un membre du corps du Christ, tous avons un rôle à jouer.

 

Imagine a Church… où si tu venais sans savoir comment prier, nous serions là pour prier avec toi et pour toi. Où si tu avais des doutes, nous avancerions à tes côtés pour t’aider. Imagine a Church…

 

Alors bien sûr, ce n’est pas facile de se défaire de ses égoïsmes, d’aller vers ceux qui nous paraissent étrangers, mais ce serait tellement plus simple de compter les uns sur les autres. Parce qu’il n’y a qu’ensemble que c’est possible. Il termine en distribuant des bracelets fabriqués par des femmes Sud-Africaines, dans une association de réinsertion au Cap. Ces bracelets ont chacun 5 perles pour 5 attitudes à méditer, les 5R.

Reflect : Prendre conscience de nos préjugés ; Rejoice : se Réjouir de nos différences ; Repect : Respecter tout le monde ; Reaffirm : Réaffirmer l’humanité de chacun ; Rebuild : Reconstruire un monde pour qu’il devienne le Royaume de Dieu.

 

Nous offrons tous un bracelet à quelqu’un d’autre et repartons avec ce grand souvenir. Moi, j’ai un peu décroché, je crois que je me suis assoupi comme une flaque sur le rebord du bénitier. Quand ils sont ressortis, je me suis raccroché à un bras. Ils ne semblaient pas vraiment frais, eux non plus. Dehors, les collègues s’en étaient donnés à cœur joie, le bitume était trempé.

 

Un dernier salut, et ils remontent dans le bus et le bateau. Quand mon porteur secoue la manche, je tombe dans la mer. Une goutte d’eau douce dans l’océan salé. C’est un peu ce qu’on découvert tous ces jeunes : l’Église Chrétienne est diverse, nous n’avons pas tous les mêmes rites, mais la même Bible. Et des ponts sont possibles ! Et si parfois notre Église Catholique nous semble terne quand l’Église Anglican nous a paru spectaculaire, il ne tient peut-être qu’à nous de devenir l’Église et d’apporter cette goutte d’eau douce…

 

François Merriaux

 

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