La célébration des obsèques chrétiennes

Eglise d'Arras n°9

La célébration des obsèques chrétiennes dans les paroisses.

 

Funérailles Jean-Pierre Brunel Funérailles Jean-Pierre Brunel  Dans notre diocèse comme dans tant d'autres, la célébration des obsèques chrétiennes se déroule selon les rituels reconnus par l'Église, dans des formes diverses en raison des circonstances : prière dans les familles avant les obsèques, célébration à l'église, prière au cimetière au moment de l'inhumation.

La nouveauté est celle du développement de la pratique de la crémation dans notre société. La deuxième partie de ce texte lui est consacrée.

Mais il est bon de rappeler quelques pratiques justement attestées ces dernières années et bien appropriées.

 

            La communauté chrétienne célèbre l'espérance en Christ

 

C'est la communauté chrétienne qui célèbre l'espérance fondée sur le Christ ressuscité. De sorte qu'il est normal que les baptisés soient présents lors d'un deuil, et c'est pourquoi des équipes d'accompagnement des familles en deuil, et de préparation des obsèques chrétiennes, ont été constituées dans les paroisses.

 

Ces équipes ont besoin d'être renouvelées, et régulièrement formées à l'accueil, à l'accompagnement des personnes dans la peine, à la célébration de l'espérance chrétienne, au dialogue dans la foi avec les personnes rencontrées. Nous avons à veiller à cette formation continue : le diocèse a fait et fera des propositions, les responsables de paroisses et de doyennés doivent aussi veiller à ce que ces propositions soient réellement faites aux équipes, et qu'elles soient suivies.

 

            Avec ou sans prêtre ?

 

Pendant un temps, on a pu croire que ces équipes remplaceraient définitivement la présence des prêtres auprès des familles, et lors de la célébration des obsèques. Des textes de nos Commissions de Pastorale Liturgique et sacramentelle sur ces questions ont pu envisager cette évolution, mais ils recommandaient aussi d'éviter une systématisation abrupte.

Depuis quinze ans, la situation s'est montrée plus complexe qu'on ne l'aurait cru, par exemple sur le fait que les familles des défunts ne résident pas toujours sur la paroisse du défunt où sont célébrées les obsèques : le rattachement à cette communauté paroissiale précise n'est pas toujours réaliste …

En outre, l'expérience montre que les prêtres, s'ils ne peuvent pas être présents en toute circonstance, ne peuvent cependant pas être tenus à l'écart : une communauté chrétienne, ce n'est jamais tantôt les prêtres, tantôt les autres baptisés, c'est toujours les uns et les autres. On ne peut donc pas fixer un principe qui interdirait aux prêtres d'être présents aux obsèques.

 

On invoque quelquefois le besoin de traiter tout le monde de la même façon, selon un principe d'égalité, et donc d'interdire à tous ce que l'on ne pourrait pratiquer que pour quelques uns. C'est ajouter une règle qui est bien peu évangélique et pastorale : Jésus dans l'évangile privilégie toujours les personnes au-delà des règles, et la pastorale c'est vraiment l'art du discernement des situations. D'abord, c'est le calendrier qui détermine le plus souvent le choix. Ensuite, les circonstances dramatiques, les liens personnels, ou d'autres critères peuvent conduire à telle décision plutôt qu'à l'application raide d'un règlement. Notre synode provincial insiste sur la proximité avec les personnes et les familles, et désire favoriser le dialogue avec elles, en Église.

 

            L'eucharistie et la Résurrection

 

Enfin, la célébration de l'eucharistie, célébration de la résurrection, est liée à celle des obsèques. Il est naturel d'inviter les personnes à se joindre à une eucharistie du dimanche dans la communauté où l'on a célébré les obsèques. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour interdire la célébration de l'eucharistie lors des obsèques : lorsque des personnes ont vécu toute leur vie en participant à l'eucharistie dominicale, voire davantage, lorsque, dans leurs familles, des personnes communieront parce que c'est aussi leur pratique habituelle, et lorsqu'un prêtre pourra le faire volontiers, pourquoi faudrait-il nourrir un conflit qui laissera dans la mémoire de beaucoup le sentiment que l'Église est davantage soucieuse de règles qu'elle impose que d'un service fraternel qui soutient la foi ?

 

Il ne faut pas en conclure que l'eucharistie doit être la règle aux obsèques : chacun constate qu'elle est rarement demandée, et que c'est plutôt à nous d'inviter à la célébration d'un dimanche suivant … L'eucharistie lors des obsèques elles-mêmes n'est certes pas un dû ou un droit pour les proches d'un défunt ; mais l'absence d'eucharistie ne peut pas devenir une loi.

 

En toute circonstance, on ne peut oublier que la célébration des obsèques chrétiennes est l'un des moments privilégiés pour témoigner de la foi au Christ et pour entrer dans le mystère pascal.

 

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De la présence de l’Église au crématorium

               

Depuis plus de cinquante ans, l'Église a fait connaître que la crémation des défunts, quand elle n'était pas recherchée pour manifester son opposition aux pratiques chrétiennes, n'était plus impossible pour les catholiques. Et cette pratique s'est installée dans notre pays. Les premières dispositions prises dans les diocèses, il y a une quinzaine d'années, ont été partagées entre le refus, pour certains, d'aller célébrer dans les crématoriums et la possibilité, dans d'autres diocèses, pour les équipes d'accompagnement des familles en deuil, d'aller prier au crématorium à la demande des familles.

 

            Une question pastorale

 

Aujourd’hui, il nous semble bon de développer cette présence des équipes au crématorium car :

- la pratique de la crémation continue à se développer ;

- nous ne pouvons laisser les familles endeuillées seules au crématorium. Nous percevons là un enjeu missionnaire important.

Cette présence se vit à la demande des proches du défunt, et avec l'accord des responsables du crématorium et des entreprises de pompes funèbres.

 

Le corps humain et la foi chrétienne

 

Nous décidons cela, bien que nous soyons conscients des nombreuses questions que suscite cette pratique de la crémation au niveau du sens de l’homme, de notre foi, de notre pastorale.

Même si l’Églisene pense pas que la crémation soit un obstacle à la foi en la résurrection de la chair[1], la crémation

 

  • Le corps humain a été créé par Dieu ;
  • c’est dans les réalités du corps que Dieu pense, parle et agit : c'est à travers lui que Dieu se révèle à nous ;
  • Dieu s’est incarné en Jésus-Christ et c’est par le don de son corps que le Christ s’offre au Père pour nous et qu'il accomplit le mystère pascal ;
  • le Christ a tout connu de la condition humaine jusqu’à la mise au tombeau ;
  • les sacrements ont une réalité corporelle et l’agir sacramentel donne au corps et à toute chose créée leur destinée ultime.

 

Par ailleurs, est-ce qu'on ne perçoit pas une sorte de décalage entre le respect manifesté au corps durant la célébration des funérailles à l’église et sa destruction rapide dans la crémation ? [2]

À ce titre, les funérailles chrétiennes, avec une célébration autour du corps avant l'inhumation, constituent un itinéraire symbolique ; la destruction progressive du corps en terre favorise le temps du deuil, le "travail de deuil" selon les psychologues, exprimant le passage de la mort à la vie éternelle.

Enfin, les célébrations au crématorium éloignent la mort de la vie sociale et en diminuent la dimension ecclésiale : l’assemblée chrétienne paroissiale est absente, de même que celle du ministre, le plus souvent.

C'est pourquoi l'Église préfère l'inhumation à la crémation ; cependant, dans son désir de soutenir les familles en deuil pour leur signifier la présence du Christ ressuscité auprès d'elles, l'Église désire, autant qu'il est possible, être présente au crematorium.

 

Vivre notre foi avec les familles endeuillées

 

Dans ce choix d'une présence ecclésiale et d'une célébration chrétienne au crématorium, il convient de vivre en Église notre foi avec les familles endeuillées. « Pour celui qui croit en Jésus Christ, le sens de la vie et de la mort se découvre à la lumière de la vie et de la mort du Christ. A sa suite, l’Église reconnaît que toute vie vient de Dieu, que toute vie va à Dieu et que la mort n’est pas la fin de tout, mais un passage. Plus encore, Jésus en mourant pour sauver le monde a fait de sa mort l’acte suprême d’obéissance, l’acte suprême d’amour pour son Père et pour l’humanité toute entière. Dans la mort de tout être humain se joue donc une mystérieuse communion avec la mort du Christ. Dès lors, tout en sachant que c’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet, nous croyons que ‘si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne.’ – Rm 6, 5 [3]

 

 

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Que faire ?

Voici quelques indications pratiques :

 

* L’équipe

             

À moins que les possibilités locales recommandent une autre solution, il y aurait une équipe (de référence) par crématorium, ou par diocèse selon les modalités de chacun. Cette équipe doit être nombreuse : douze personnes semble être un bon nombre. Ayant reçu une formation, elle est envoyée par notre évêque pour un temps déterminé.

Elle veillera aux liens avec la paroisse d’origine ou d’habitation du défunt, notamment quand il n’y a pas eu de passage par l’église paroissiale.

Elle reversera les offrandes données par les familles et les proches au diocèse, ou à la paroisse d’origine ou de domicile du défunt ou d’un proche.

Une formation et des temps de relecture sont indispensables pour bien vivre la conduite de cette célébration.

 

* Le déroulement de la célébration

           

Elle se déroule habituellement après le passage à l’église paroissiale. Le livret ‘Dans l’espérance chrétienne’ [4] donne le déroulement de cette célébration au crématorium. comporte :

- une monition ou introduction

- une lecture biblique

- une lecture de versets de psaumes

- une oraison finale

- le Notre Père

- un geste d’adieu

 

            Remarque : Les textes liturgiques, les propositions de passages de la Parole de Dieu, nous montrent comment l’Église nous invite à vivre dans la foi ce moment :

Ainsi les monitions (§§ 324 et 325): ‘Car Celui qui nous a faits pour lui saura bien nous recréer’ ou ‘confions à Dieu N. pour qu’il lui fasse partager sa vie éternelle et crée pour lui/elle, au dernier jour, le corps nouveau de sa résurrection.’ ;

Pour les lectures bibliques : ‘Car la création a été livrée au pouvoir du néant, non parce qu’elle l’a voulu, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu’ – Rm 8, 20-21 –

Ou ‘Il faut que ce qui est périssable en nous devienne impérissable’ – 1 Co 15, 53 –

Pour l’oraison finale : ‘fais-le/la revivre dans le Christ qui transformera notre corps de misère pour le rendre semblable à son corps glorieux’ ou ‘Donne-lui le souffle qui renouvelle et fait revivre, le souffle qui recrée les êtres de chair’.

 

 

* Lorsqu'il n'y a pas eu de célébration à l'église

 

Cette célébration est plus développée quand il n’y a pas eu passage par l’église paroissiale. [5] Les  seules commodités pratiques (gain de temps ; simplification des démarches rituelles) ne justifient pas notre présence au crématorium. Mais cette discussion est plutôt à tenir avec les responsables des services funéraires qu'avec les familles : le moment de la mort n'est pas favorable à un échange de cette nature.

Si l'on s'est bien expliqué avec les sociétés de Pompes funèbres, l'échange avec les familles peut simplement souligner les "avantages" d'une célébration à l'église : c'est un lieu symbolique, un lieu qui rappelle les événements familiaux, un lieu qui manifeste et permet les liens avec une communauté paroissiale, une communauté vivante.

Une telle célébration, sans passage à l'église, peut survenir lorsque :

- le défunt est le seul croyant de sa famille et qu'existe le risque de funérailles purement civiles ;

-les circonstances dramatiques font que la famille proche n’envisage pas de passer par l’église ;

- le passage par l’église susciterait trop de tensions et de dissensions entre les proches du défunt.[6]

           

 

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Cette célébration au crématorium peut être précédée d’un temps de prière au domicile du défunt, ou au salon funéraire. (cf. Dans l’espérance chrétienne, § 412). Elle peut être également suivie par un temps de prière au cimetière, Et rappelons que la loi 2008-1350 du 19 décembre 2008 interdit la conservation de l'urne dans une propriété privée, c'est-à-dire, par exemple, au domicile familial.

 

 

Le 20 mars 2015,

† Laurent Ulrich, Archevêque de Lille

† François Garnier, Archevêque de Cambrai

† Jean-Paul Jaeger, Évêque d'Arras

† Gérard Coliche, Évêque auxiliaire de Lille

 

 

[1] ‘A ceux qui auraient choisi l’incinération de leur corps, on accordera le rite des funérailles  chrétiennes, sauf s’il est évident qu’ils ont fait ce choix pour des motifs hostiles à la foi chrétienne’ : cf. Code de droit canonique, canon 1176, § 3.  – Dans l’espérance chrétienne, Desclée-Mame, 2008, § 15, p. 234 – Congrégation romaine pour le culte divin : l’incinération indications normatives. Prot. N. 222/08/L de février 2012 cité dans Documents Épiscopat, n°6/2014, Accueillir et accompagner la pratique de la crémation.

  1.   Sr Bénédicte- Marie de la Croix Mariolle : ‘La crémation : incidences d’une pratique sur la liturgie des funérailles’, in La Maison-Dieu 269, mars 2012

[3]  Dans l’espérance chrétienne, p. 230

[4] Dans l’espérance chrétienne,  §§ 324-335.

[5] Cf. Documents Épiscopat, p. 37

  1. Ces critères peuvent s'appliquer pour le seul passage au crématorium.

[7] Pour aller plus loin : Sr Bénédicte-Marie de la Croix Mariolle : ‘La crémation : incidences d’une pratique sur la liturgie des funérailles’, in La Maison-Dieu 269, mars 2012. Et : Documents Épiscopat n°6/2014 : Accueillir et accompagner la pratique de la crémation. Évolutions en cours et réflexions théologiques.