Auschwitz
Eglise d'Arras n°16
Les déplacements à l’étranger sont bénéfiques à plus d’un titre. Ils offrent notamment l’occasion de prendre de la distance par rapport à des préoccupations hexagonales, à la manière de les traiter et d’y répondre.
À la faveur d’un pèlerinage en Pologne sur les pas du Bienheureux Jean-Paul II, je me suis arrêté avec une cinquantaine de diocésains et de voisins à Auschwitz. Cette étape fait partie de l’itinéraire qu’emprunte tout visiteur avisé de la Pologne.
En entrant dans ce camp d’extermination, la conscience est brutalement percutée et interrogée. Il n’est pas nécessaire de demander le silence. La réflexion et la parole s’effacent comme si l’humanité elle-même avait soudain déserté ce lieu tragique.
Au fil des allées et des bâtiments, l’horreur s’étale. Le raffinement des sévices, des humiliations, des brimades, des tortures dessinent un monde où toute l’énergie de la vie est mobilisée pour dégrader et détruire la vie.
Une question émerge de cet amas de pratiques sordides : pourquoi et comment des êtres humains ont-ils pu vouloir et concevoir un système aussi puissant qu’exécrable d’extermination du peuple juif ou de catégories de personnes au nom même d’une idéologie et d’une vision de l’homme ?
Je n’ai pas compétence pour entrer dans les considérations historiques. Comme celles et ceux qui s’attardent à Auschwitz, à Birkenau et dans d’autres camps de la mort, j’ai eu le souffle coupé en constatant que des êtres humains sont capables, à un point inimaginable, de fouler au pied et de nier le droit à la vie et à la dignité d’autres êtres humains. Ces derniers sont coupables de ne pas entrer dans le champ de ce qu’ils ont décidés, eux, être l’humanité. Oui, cela est possible ! Que de leçons à tirer pour hier, aujourd’hui et demain ! Nous n’avons pas le droit d’oublier les chambres à gaz et les fours crématoires. Ils parlent plus que les discours, les théories et les mises en garde.
La Pologne a été, bien malgré elle, le théâtre de ces horreurs. Elle a connu bien d’autres motifs de souffrance. Elle est devenue espace de rencontre, de paix, de pardon, de réconciliation. Aussi blessée qu’elle puisse être, l’humanité est capable d’espérance. La présence d’un centre d’accueil pour tous, la prière discrète de Carmélites attestent que l’homme peut revivre. Un prêtre de nationalité allemande invite à la méditation et au rapprochement. Le chemin qu’emprunte l’homme est sinueux et escarpé. Il ne se termine pas en impasse.
En quittant Auschwitz, chaque personne se redécouvre pauvre et faible. Rien de ce qui s’est passé dans ce camp ne peut lui être étranger. Il ne s’agit pas alors de sombrer dans la culpabilité diffuse, mais de savoir que le mépris de l’homme par l’homme est possible. Il peut prendre des proportions insoupçonnées.
Dans le même temps, chaque visiteur ou pèlerin est appelé à rechercher et à trouver en lui-même et en ses semblables l’étincelle de vie et d’amour capable de résister aux plus fortes tempêtes et d’embraser le monde à chaque fois que les forces de la mort semblent triompher.
Je voudrais ne pas laisser s’évanouir le silence d’Auschwitz. Il se joint pour moi au silence d’un tombeau qui s’est refermé après une douloureuse passion. Il appelle la victoire de la Vie. Ce parcours peut aider à affronter lucidement les défis que l’humanité de ce temps est invitée à relever.
+ Jean-Paul JAEGER.