Une année dans la vérité

Lettre N°01 - Eglise d'Arras

Calendriers et horloges sont ajustés, nous sommes en 2007. L'usage veut qu'en ces premiers jours de l'année, nous échangions quelques vœux. Ils expriment des attentes communes et nous aident à mobiliser les énergies tellement nécessaires pour servir l'humanité en chacun et chacune d'autres nous, comme autour de nous.

Je voudrais, cette année formuler mes propres souhaits en les résumant en un mot: la vérité. Je n'évoque pas ici, la vérité des philosophes et des penseurs, mais cette attitude de l'esprit et du cœur sans laquelle, il n'existe pas ou plus de rencontre authentique.
Dans quelques mois, les électeurs choisiront l'homme ou la femme qui, pendant cinq ans présidera aux destinées de notre pays. Suivra la désignation des députés. Des personnes, des groupes solliciteront des suffrages. Le désir du résultat risque cependant d'estomper l'ampleur et la réalité des problèmes que devront affronter les élus. La France ne peut pas s'offrir le luxe d'éviter les sujets qui sont susceptibles de fâcher sous prétexte qu'il faut engranger des voix et faire gagner son camp.

Quels que soient les élus, ils se trouveront face à la disparition et à la création des emplois, aux effets de la globalisation, au développement durable, à la gestion de la planète, à l'allongement de la vie, à la prise en charge de la santé, au financement des retraites, à l'étiolement de la famille, aux débats et choix éthiques, à la dissolution des repères, à l'effacement de la morale devant la démocratie.

Sur tous ces sujets, et bien d'autres, le moment est venu de débattre. Il serait irresponsable de remettre au lendemain des élections la réflexion en tous ces domaines. Le refus d'un regard vrai paralyserait immédiatement les élus et leurs mandants. Nous ne pouvons pas nous contenter d'élire d'abord et de voir ensuite!

Fidèles du Christ, nous avons un double devoir de vérité. Nous sommes citoyens au même titre que d'autres. Nous avons à prendre notre part de la recherche commune. Le devenir de notre pays, de l'Europe, du monde, de notre société et de l'humanité nous intéresse. Nous n'oublions pas que nous sommes appelés, sans aucune exclusive au service fraternel.
Nous mettons notre foi en celui qui se présente comme « la Vérité. » Le terme est explosif. Il peut laisser croire, ce fut parfais le cas dans l'histoire de l'Église que, de façon instantanée, il est possible de trouver dans la Parole de Dieu et l'Enseignement de l'Église la réponse à toutes les questions. Pour l'avoir proclamé, certains ont utilisé la parole de Dieu et le magistère pour revendiquer l'exercice du pouvoir politique.

La Vérité du Fils de Dieu n'arrache pas la famille humaine à ses responsabilités et à ses engagements. Elle ne se laisse exploiter et utiliser par aucune personne, aucun groupe, aucun parti. Elle révèle et manifeste l'homme tel que Dieu le veut et le désire pour renouer les liens paternels et fraternels sans lesquels les égarements de l'histoire se répètent.
Dans le long et patient travail qui attend notre pays au cœur de l'Europe, du monde, nous recevons l'urgente mission de parler, de témoigner et de choisir. Il est difficile d'être réellement chrétien. Il est clair que le message évangélique gêne et dérange. Force est de constater que s'il est perçu comme utile et bienfaisant, au plus près des individus, il est de plus en plus exclu des grands courants d'opinion. La volonté plus fortement réaffirmée de reléguer les religions dans la sphère du privé relève de cette démarche. Il n'est plus rare de lire et d'entendre que l'Église n'a strictement rien à voir avec tel ou tel débat et qu'elle serait bien inspirée de s'en tenir à l'écart.
Rendre témoignage à la vérité, ce n'est pas alors prendre la tête de croisades pour récupérer un pouvoir qui échappe ou imposer un ordre dont on voudrait accréditer l'origine divine et immuable. Il y a dans l'attitude chrétienne, des êtres humains à défendre et à promouvoir, quelles que soient leur origine, leur race, leur culture. Dans la fragilité de l'embryon, jusqu'à celle de la personne âgée et dépendante, en passant par la vigueur de l'adolescent et de l'adulte, il y a des mots, des choix, des gestes, des engagements personnels et collectifs qui disent et montrent la vérité de l'homme. Elle n'a rien d'idolâtrique. La liturgie de Noël nous en parle en ces termes: « Lorsque ton Fils prend la condition de l'homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse: il devient tellement l'un de nous que nous devenons éternels. »A qui cette vérité pourrait-elle faire peur?

Bonne année 2007 !

+ Jean-Paul JAEGER