Qui et que choisir ?

Eglise d'Arras n°9

 L’élection du Président de la République se joue, en France, en deux tours. La première partie de la compétition a offert un choix assez large. Il s’agit maintenant de retenir un candidat ou plus négativement d’éliminer l’autre. Ce système fait fatalement appel au compromis.
 
Pour rallier les suffrages éparpillés au premier tour sur dix candidats chacun des deux finalistes doit lisser son propre programme, supprimer et ajouter des propositions, négocier les formules, oser de nouvelles promesses qui seront encore plus difficiles à tenir que les précédentes.
 
                Comme tous les autres Français, les catholiques de notre pays passeront par l’isoloir. Ils voteront en conscience. Ils exerceront leur jugement. Ils auront sans doute en tête et dans le cœur, la Parole de Dieu, l’enseignement de l’Eglise, les pistes de réflexion proposées par les évêques de France. Munis de tous ces repères, comme leurs concitoyens, ils se détermineront.
 
                L’Eglise ne donne pas des consignes de vote. Elle apporte la lumière qu’elle a elle-même reçue. Il ne lui revient pas de donner son onction à tel ou tel candidat. Elle reste dans sa fonction quand elle analyse des programmes et souligne les atteintes à l’intégrité, à la dignité de l’homme et au respect qui lui est dû.
 
                En ces domaines, elle ne négocie pas car la Parole de Dieu, son annonce et son accueil par les personnes ne sauraient faire l’objet d’aucune tractation. L’apôtre Paul le rappelle à son disciple : c’est à temps et à contretemps que l’Evangile est annoncé. Jamais l’Eglise n’acceptera de taire une seule Parole du message qu’elle a reçu mission de proclamer, jamais elle ne doit l’utiliser pour faire triompher une cause politique particulière.
 
                Il n’y a pas du négociable et du non-négociable dans le mystère de mort et résurrection du Christ. Le Christ est allé jusqu’au bout de sa démarche d’amour, de renoncement, de don de soi. Il n’a pas marchandé le salut qu’il est venu apporter à l’humanité.
 
                Aucun programme politique n’assumera, un jour, la totalité du message évangélique. La politique est une forme de l’art du possible dans un monde qui est encore dans les douleurs de l’enfantement. Le péché pervertit les meilleures intentions. La réalité politique doit, elle aussi, emprunter le chemin du salut, de la liberté, de la vérité.
 
                Sur cette route, l’Eglise fait humblement briller la lumière qu’elle a reçue et aide les êtres humains personnellement et collectivement à faire des choix qui servent l’homme et sa grandeur. Nul n’est obligé de se tourner vers sa lumière. Elle est cependant bien utile quand il faut avancer dans l’obscurité où tout se vaut et où chacun cherche la direction qu’il faut suivre pour atteindre le bonheur.               
 
L’Eglise n’aura pas son élu. Elle ne changera pas de cap au lendemain de scrutin, quel que soit le vainqueur sorti des urnes. Elle gardera la liberté de parole que lui a donnée le Christ qui connaît l’homme mieux que quiconque puisqu’il a donné sa vie pour lui. C’est cet amour qui lui donnera toujours l’audace de parler et de témoigner.
 
En cette longue période électorale, il n’est pas inutile de relire quelques lignes de l’enseignement du concile Vatican II à propos de la noblesse de l’activité politique : « Que tous les citoyens se souviennent donc à la fois du droit et du devoir qu’ils ont d’user de leur libre suffrage, en vue du bien commun. L’Église tient en grande considération et estime l’activité de ceux qui se consacrent au bien de la chose publique et en assurent les charges pour le service de tous. [1] »
 
On peut y ajouter cette invitation : «  Ceux qui sont, ou peuvent devenir, capables d’exercer l’art très difficile, mais aussi très noble de la politique, doivent s’y préparer ; qu’ils s’y livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels. Ils lutteront avec intégrité et prudence contre l’injustice et l’oppression, contre l’absolutisme et l’intolérance, qu’elles soient le fait d’un homme ou d’un parti politique ; et ils se dévoueront au bien de tous avec sincérité et droiture, bien plus, avec l’amour et le courage requis par la vie politique. [2] »
 
Et maintenant la parole est aux urnes !
 
Jean-Paul JAEGER


[1] Gaudium et spes § 75-1
[2] Gaudium et spes § 75-6

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