Choisir à la lumière de Pâques
Edito Eglise d'Arras n°04
Avant même l’organisation des primaires, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France rendait public, le 16 octobre 2016, un document intitulé : « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. »
La sagesse épiscopale entendait alors proposer au nom de sa mission, bien en amont des échéances électorales, un ensemble de réflexions, propre à projeter la lumière de l’Évangile sur des situations, des débats et des projets. Il ne lui serait reproché d’intervenir d’une manière ou d’une autre dans les joutes légitimes et les choix qui les suivraient.
Les évêques de France ne lisent pas dans le marc de café. Ils n’ont pas, au nom d’un quelconque pouvoir, la prescience des événements. Il faut aujourd’hui reconnaître que ce texte colle de façon étonnante à une actualité qui déboussole les Français dans leur ensemble, les organisations politiques en particulier. Il en énonce des composantes qui n’ont pas fini de marquer la vie de nos concitoyens et les relations qu’ils entretiennent entre eux.
Des commentateurs s’interrogent : Les évêques ne sortent-ils pas du champ de leur mission en prenant la parole dans le cadre d’élections politiques ? A l’inverse, des groupes souhaiteraient que les évêques donnent des consignes plus précises. Les uns et les autres oublient que l’Église n’intervient pas pour elle-même et qu’elle ne sert aucun intérêt particulier, quelle qu’en soit la qualité. Elle ne veut pas davantage être le bras séculier d’un projet divin qui devrait s’imposer à la société et en déterminer le fonctionnement.
Quand l’Église parle, elle rappelle le prix unique de l’être humain, de chaque être humain, de tout être humain créé à l’image de Dieu et sauvé par le Christ qui livre sa vie, meurt et ressuscite au matin de Pâques. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’aucun programme, aucun candidat ou candidate ne peut atteindre par ses seules ressources cet objectif divin. Il dépasse les capacités humaines.
L’Église proclame à temps et à contretemps, dans tous les lieux et toutes les circonstances, la grandeur de l’être humain. Elle invite les fidèles et les hommes de bonne volonté à imprégner de la Bonne Nouvelle les choix personnels et communs qui orientent la croissance des individus, de la société et de l’humanité.
Dans le discours qu’il a prononcé à Lourdes en ouvrant la récente assemblée plénière de la Conférence des évêques de France, Monseigneur Pontier, son président, a indiqué quelques voies de renouvellement susceptible d’assurer ce service de l’homme en une période difficile que traverse notre pays.
L’Église rappelle avec une vigueur qui ne s’est jamais démentie « la dignité de toute personne humaine de sa conception à sa mort naturelle. » Elle redit que la famille est « un lieu essentiel d’humanisation, d’apprentissage de la vie et de l’amour. » Elle réaffirme que « la fraternité n’est pas un simple sentiment, elle se transforme en engagement concret en faveur des plus défavorisés, des chômeurs et aussi des migrants, des réfugiés venus en France, en fuyant des conditions devenues dangereuses ou misérables dans leur pays d’origine. »
Quand l’Église parle, elle n’a pas d’autre langage que celui de Jésus qui vient à la rencontre de la condition humaine, en affronte les pauvretés et les faiblesses, en partage les joies et les attentes. Le Fils de Dieu a cloué sur le bois de la croix la haine, la division, le rejet, la domination qui minent les personnes et faussent toutes les relations. Il s’est abaissé jusqu’à la mort pour que toute mort soit vaincue.
Au matin de Pâques, le Christ reçoit de son Père la Vie nouvelle qu’il offre en partage à la multitude de ses frères et sœurs. Cette vie n’aura pas de fin.
Nous nous heurtons quotidiennement au caractère transitoire et fragile de nos entreprises humaines, au péché. Souvent merveilleuses, elles se heurtent aux limites qui hypothèquent nos désirs les plus hauts et les plus généreux. Seules, la mort et la résurrection de Jésus dans lesquelles le baptême nous plonge, nous font déjà goûter au sein même de notre pèlerinage terrestre les premiers fruits de la Vie Éternelle.
Cette espérance nous habite au moment où nous nous apprêtons à poser de nouveaux jalons pour tracer pour les années qui viennent le chemin qu’ensemble nous parcourrons pour le meilleur service du plus grand bien du plus grand nombre de nos semblables.
Belles et fécondes célébrations du mystère de Pâques !
+ Jean-Paul Jaeger