"Donné par notre Dieu"

Eglise d'Arras n°18

« Donné par notre Dieu.[1] »
 
        Des épisodes récents et parfois dramatiques ont, à nouveau, braqué les feux de l’information sur la délicate réalité de l’immigration. Apprenant le naufrage d’un navire surchargé de migrants au large de l’île de Lampedusa, le pape François a parlé de « honte. » C’est précisément sur cette île qu’il était venu quelque temps auparavant secouer et réveiller la conscience collective fort peu soucieuse de s’embarrasser du phénomène inéluctable des mouvements de population.
            Rien n’est simple en ce domaine. Il serait catastrophique d’en limiter l’exploration à son émergence politique ou de céder à la tentation de l’approche démagogique. Des êtres humains ne peuvent jamais être les marionnettes du castelet électoral.
            Non, il n’est pas facile et spontané d’accueillir l’autre. Les différences gênent et dérangent. Elles ont leurs racines dans des origines, des cultures, des histoires, des religions et des usages divers et variés. Il nous semble tellement naturel de considérer que l’autre est finalement fréquentable lorsqu’il nous ressemble ou qu’au minimum il partage avec nous un ensemble de valeurs communes.
            Nous sommes aussi des héritiers. Notre nation s’est forgée par l’intégration et l’assimilation. Elle s’écarte assez peu du centralisme et de l’uniformité. S’y retrouvent logiquement des hommes et des femmes habitués et façonnés par des réalités semblables ou voisines. On sait, par exemple, malgré les oublis volontaires de certains textes ou déclarations, le rôle qu’a joué et, qu’à côté d’autres sources, joue encore le Christianisme à cet égard.
            Les disparités économiques, les écarts de niveau de vie, les aléas politiques, les références religieuses et leurs pratiques compliquent la cohabitation, les échanges et les rencontres. La cacophonie des réglementations et l’absence de dispositions communes au sein même de l’Europe compliquent largement la gestion harmonieuse et humaine d’un phénomène migratoire aussi vieux que le monde. De plus, sur ce terrain comme sur bien d’autres, chaque pays, chaque commune, chaque collectivité ne peut pas tout et tout de suite ! 
            Nous ne sortirons pas des difficultés en jouant la politique de l’autruche. Il serait, par ailleurs, irresponsable de voter des lois ou d’en refuser dans le seul but de contraindre le ou les voisins à assumer une situation dans laquelle un état ne souhaite pas ou souhaite moins s’engager. Les instances internationales, les gouvernements locaux ne peuvent pas baisser les bras. Le courage, la lucidité et la justice ne doivent pas s’arrêter aux frontières de la prochaine échéance électorale.
            Pour l’heure, des bénévoles se dévouent jusqu’à l’épuisement, au découragement pour contrecarrer, au mieux, les effets pervers de la lèpre de la pauvreté, de l’absence de concertation politique, du ballet des intérêts économiques. Ils ne peuvent malheureusement offrir aux migrants désemparés qu’un minimum de dignité et de respect. Dans leur immense majorité, ils ne nourrissent aucune arrière-pensée politique ou idéologique. Certains savent qu’ils entrent par ce service dans la tradition biblique, qu’ils honorent l’enseignement du Christ et ses gestes. Parce que des êtres humains sont là, ils s’efforcent de les traiter comme tels, ni plus, ni moins. Que personne n’ajoute imprudemment sous leurs yeux fatigués de l’inhumanité à l’inhumanité !
            Avec la fête de la Toussaint, l’Eglise va célébrer cette « foule immense » que nul ne peut dénombrer, « une foule de toutes nations, races, peuples et langues.[2] » Ces êtres humains venus de tous les horizons ont en commun le Salut en Jésus-Christ, « Ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l’Agneau.[3] » Ils ont accueilli la Grâce du pardon, de la réconciliation. Ils font partie de la famille que la faute d’Adam avait en quelque sorte brisée dès son origine. Le livre de l’Apocalypse n’est pas un conte. De manière symbolique et imagée, il affirme que malgré les épreuves, les douleurs, les persécutions et à travers elles, le projet de l’Amour de Dieu se réalise, qu’il est déjà achevé, même si « Ce que nous serons ne paraît pas encore clairement.[4] »
            Cette merveilleuse promesse s’accomplit et il nous appartient d’en discerner et d’en donner les signes. L’unité de la famille humaine n’est pas une utopie. Elle exige une véritable conversion, une totalité fidélité. Elle semble impossible à réaliser par l’homme, mais à Dieu tout est possible. Humblement, nous nous laissons guider par Lui et nous nous mettons à l’œuvre, son Œuvre !
 + Jean-Paul JAEGER
           


[1] Apocalypse 7, 10.
[2] Apocalypse 7, 9.
[3] Apocalypse 7, 14.
[4] 1ère Jean 3, 2.

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