Halte, Danger !
Eglise d'Arras n°15
Faut-il tout dire, faut-il tout écrire, faut-il tout diffuser, faut-il tout croire ? L’actualité est venue, au cours des semaines écoulées, raviver l’acuité de ces questions.
Nous ne devons pas regretter l’époque pas si lointaine où les puissants jouissaient, dans leurs errements, de la tacite complicité de ceux qui savaient et se taisaient. Les chemins de l’exception et de la transgression étaient largement dégagés pour les personnes qui détenaient un pouvoir ou exerçait une influence.
Des membres de l’Eglise elle-même ont bénéficié de cette complaisance dont certains croient encore qu’elle est une sorte de droit acquis. Il est encore trop souvent cause de fracture entre les citoyens d’un même pays, les membres d’une même société.
Nous ne pouvons que nous réjouir si, à notre époque, il est demandé aux membres de l’humanité qui ont reçu davantage que d’autres d’avoir en tous points une conduite et une pratique conformes à leur état, leur engagement, leur mandat. Il est normal d’attendre un maximum d’intégrité de la part de ceux qui exercent des responsabilités au service de leurs semblables.
La clarté, la transparence, la justice doivent dénoncer et condamner ce qui lèse le bien commun et permettent à quelques-uns de s’approprier, de manière trompeuse, ce qui revient à tous.
Il importe cependant que dans une société cette régulation s’exerce dans le respect du droit et celui des personnes. Il arrive trop souvent que se colportent, aujourd’hui, sur les réseaux sociaux des mensonges, des calomnies, des ragots, des indiscrétions.
Les moyens techniques hautement performants permettent, de nos jours, de fabriquer par l’écrit, par l’image et par le son, des montages qui font passer l’erreur pour la vérité, le truquage pour la réalité, la manipulation pour l’authenticité.
On objectera qu’il est tout aussi rapide et facile de démentir que d’affirmer et qu’après tout on peut bien rire un peu sur le compte d’autrui.
Nous avons renoncé, au fil du temps, à la cruauté des jeux du cirque, au spectacle de l’exécution des suppliciés sur la place publique. Tant mieux ! L’ordinateur, le téléphone portable, la tablette, le poste de télévision, le voyeurisme peuvent être aussi cruels que les combats de gladiateurs ou le couperet de la guillotine.
L’heure n’est plus où un fieffé malfrat pouvait passer pour un héros ou un bienfaiteur de l’humanité. Il serait dommage de sombrer dans le goût collectif du lynchage et d’inventer les piloris des temps modernes.
Non, il ne faut pas cacher, tromper, dissimuler, soustraire à la justice. Il ne faut pas davantage dégrader, dévaloriser, duper. Même fautif, pécheur, un être humain reste un être humain. L’ennemi du moment peut toujours susciter une part de considération. Si nous ne gardons pas fermes ces convictions, il n’y aura plus rien pour nous unir et donner sens à notre volonté de vivre ensemble. Chacun de nous courra un réel danger. Notre humanité marchera vers sa ruine. Il est sans doute urgent de nous ressaisir !
Ce n’est probablement pas par hasard que le Christ fustige des comportements, mais ne rejettent pas celles et ceux qui s’en rendent coupables. Jamais il ne referme la porte du renouveau du cœur, de la conversion, de l’avenir et de l’amour. Décidément, l’Evangile n’a pas fini de servir l’humanité !
+ Jean-Paul JAEGER