Une maman, une pauvre Brésilienne
Lettre publiée dans Eglise d'Arras n°6
Il est désormais impossible d’ignorer, dans l’opinion publique, la signification du mot « excommunication. » Une douloureuse actualité l’a inscrit dans tous les esprits. Sa seule évocation suscite, ces jours-ci, des commentaires forts peu aimables pour l’Église catholique. Nous ne pouvons pas cacher qu’ils troublent, pour des raisons diverses, de nombreux fidèles, disciples du Christ, bons et loyaux serviteurs de leur Église.
Je ne reviens pas sur la levée de l’excommunication des quatre évêques ordonnés illicitement par Monseigneur Lefebvre. Le pape lui-même en parle dans une lettre touchante dont le style est peu familier à un successeur de l’apôtre Pierre. Peut-être augure-t-elle de l’évolution des modes de relation entre le pape, la curie romaine et l’ensemble des évêques.
Voici qu’une autre excommunication déchaîne, à nouveau, des commentaires acerbes et indignés. Un évêque brésilien vient de prononcer l’excommunication d’une maman et des médecins qui ont demandé ou effectué un avortement sur la personne d’une fillette de 9 ans agressée sexuellement, depuis plusieurs années, par son beau-père.
Sous réserve de la connaissance exacte de toutes les paroles prononcées en la circonstance, nous sommes gagnés par l’incompréhension et l’indignation. Avec l’Église, je défendrai, sans défaillance, la conviction ancienne reprise par Vatican II : La vie est un trésor précieux, un don merveilleux qui doit être sauvegardé de la conception jusqu’à la mort naturelle.
Faire subir à un enfant des atteintes sexuelles constitue une grave entrave à ce principe. On sait mieux, aujourd’hui, que de telles pratiques peuvent durablement, voire définitivement, abîmer un être humain d’autant plus fragile qu’il est jeune. La culpabilité est d’abord là. Elle mérite sanction.
Nous entrons dans le domaine de l’irrationnel et de la folie quand de tels agissements déclenchent le processus de la vie dans un corps insuffisamment formé et un cœur totalement brisé, l’un et l’autre n’étant pas préparés à la seule hypothèse d’une maternité ! A vues humaines, il n’existe probablement aucune solution bonne et juste pour sortir, à coup sûr, d’une telle impasse.
En de telles circonstances, l’Église se sait mère. Il lui revient de guérir, de chérir, de consoler et de donner, autant que faire se peut, des signes crédibles de l’amour quand celui-ci a été détruit. Une mère souffre avec ses enfants. Quand l’humanité est foulée aux pieds, elle sait qu’au-delà des textes, des règles et des lois, elle doit aimer parce que seul l’amour peut apporter lumière et chaleur quand tous les repères se sont volatilisés. Elle a le droit de pleurer comme pleure une maman, soudain, témoin d’un drame qui met à mal ce qui lui tenait le plus à cœur pour conduire ses enfants au bonheur.
L’amour miséricordieux, compatissant, loin de s’apparenter au laxisme, est alors la seule voie qui ouvre à la reconstruction des personnes.
Tout au long de son parcours terrestre, le Christ a parlé, enseigné et formé. Il n’a pas détruit la loi. Il a montré comment elle devait s’accomplir en vérité et s’inscrire, non pas dans un code, mais dans la chair d’un cœur.
Jésus n’a pas condamné. Il a pris sur ses épaules toutes les souffrances et les épreuves. En réponse à ceux qui, de façon permanente, lui ont reproché de ne pas respecter la loi, il a livré sa mort sur une croix. Il n’avait pas d’autres discours à tenir.
À certaines heures, seul le silence de l’amour qui se dit et s’exprime à travers les déchirures humaines est grand et digne ! C’est aussi le temps où, dans le sanctuaire de la conscience, l’Esprit et l’Eglise peuvent tracer un autre chemin.
+ Jean-Paul JAEGER
Relire la lettre précédente, du 13 mars: le jeûne que Dieu préfère