Veillez !

Eglise d'Arras n°20

Pape strasbourg Pape strasbourg  Le mardi 25 novembre 2014, le pape François s’est successivement adressé aux membres du Parlement Européen et à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. A de rares exceptions près, ces interventions ont reçu un accueil chaleureux,  intéressé et enthousiaste. Deux longues ovations en témoignent.

 

Les mots prononcés par le Saint-Père serviront longtemps de source d’inspiration aux hommes et aux femmes de bonne volonté préoccupés de sortir l’Europe de son enlisement quasi permanent.

 

Le pape François n’a pas hésité à bousculer l’Europe. Il déclare : « A une Union plus étendue, plus influente, semble cependant s’adjoindre l’image d’une Europe un peu vieillie et comprimée, qui tend à se sentir moins protagoniste dans un contexte qui la regarde souvent avec distance, méfiance, et parfois avec suspicion.[1] »

 

Le pape lance aussitôt après « un message d’espérance fondé sur la confiance que les difficultés peuvent devenir des promotrices puissantes d’unité, pour vaincre toutes les peurs que l’Europe – et le monde entier – est en train de traverser. L’espérance dans le Seigneur qui transforme le mal en bien, et la mort en vie. [2] »

 

En écho à ces exhortations formulées dans des enceintes hautement politiques, Les Chrétiens entendent au début de l’Avent l’invitation que le Christ destine à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. [3] »

 

L’Europe a pris de l’âge et en supporte les effets. La réception de la Parole de Dieu, l’enseignement et le témoignage de l’Eglise qui ont joué un rôle de premier ordre dans l’histoire de l’Europe subissent le même sort. Insérée au cœur monde, l’Eglise vit du dynamisme de l’Esprit Saint, elle en reçoit sa jeunesse. Elle est cependant marquée par les hommes et les femmes qui en sont les membres. Les fidèles du Christ souffrent aussi de l’engourdissement qu’un pape venu d’Amérique latine repère en Europe !

 

L’appel divin à veiller est donc particulièrement bienvenu. L’Eglise est souvent tentée de se replier sur son propre fonctionnement, sur l’image qu’elle donne à voir d’elle-même, sur son influence. Elle ne parvient pas à se détacher du rôle parfois enviable que lui ont reconnu à certaines époques les cultures, les peuples et les sociétés.

 

 Il est toujours gratifiant d’exercer sur les consciences, les groupes et les institutions un pouvoir, tantôt reconnu ou souhaité, tantôt toléré ou supporté. Le mécanisme qui semblait bien huilé s’est grippé et l’Eglise souffre d’une certaine usure quand elle s’épuise à vouloir maintenir, coûte que coute, un modèle de présence et d’autorité qui est de plus en plus contesté ou ignoré.

 

Veiller ne signifie pas renoncer et disparaître. «  Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! [4]» s’écrie Saint Paul. L’Eglise ne cessera pas d’annoncer l’Evangile. Sa persévérance ne prend pas l’allure d’une conquête ou d’une reconquête. Elle demeure l’offrande généreuse d’une Parole de vie et d’amour en laquelle tout être humain, de tous les lieux et de tous les temps peut puiser sans modération son bonheur et celui de la communauté humaine.

 

Il n’est pas trop compliqué de reproduire indéfiniment les modes d’insertion de l’Eglise hérités de l’histoire, même lorsqu’ils rassemblent et fédèrent des acteurs  moins nombreux et plus fatigués.

Il est plus exigeant de veiller et de découvrir les signes que Dieu réservent de sa présence à ses enfants en notre temps. Ils ne sont perceptibles que par les cœurs et les yeux eux-mêmes renouvelés et transformés par la fidélité au Christ déjà venu, mais dont le monde est toujours en attente. Dieu nous a déjà comblés. Il nous faut toutefois reconnaître et accueillir ses bienfaits.

Dans une aventure humaine qui se laisse de moins en moins façonner et guider par la Parole de la Vie, il est urgent de redoubler de vigilance pour discerner dans les personnes et les événements les appels à aimer que Dieu fait retentir.

 

Le temps de l’Avent nous permet de relire l’histoire du Peuple choisi. Elle est celle de l’Amour fou d’un Dieu pour une humanité qui méconnaît trop souvent les richesses qui lui sont offertes. Celle-ci obscurcit tellement son projet itinéraire qu’elle ne sait pas ou ne sait plus recevoir le Fils de Dieu qui se fait chair et vient en elle lui faire la grâce du Salut. Elle a peur.

Oui, il nous faut veiller et aider nos frères humains à redevenir des guetteurs. Jésus vient, il est là. « Il transforme le mal en bien, et la mort en vie. » Oserons-nous le dire et en témoigner ?

 

 Jean-Paul JAEGER

 

[1] Discours du pape François, le 25 novembre 2014, devant l’assemblée européenne à Strasbourg.

[2] Discours du pape François, le 25 novembre 2014, devant l’assemblée européenne à Strasbourg.

[3] Marc 13, 33.

[4] 1ère Corinthiens 9, 16.