L'ouverture 2013
Lettre de Mgr Jaeger Nouvel an
Il est bien révolu le temps où les cadets d’une famille se faisaient un devoir « d’étrenner. » Les plus jeunes, suivant un ordre protocolaire bien établi se rendaient chez les plus âgés, à une date la plus rapprochée possible du 1er janvier, pour leur présenter leurs vœux.
Aujourd’hui quelques clics suffisent à joindre instantanément les parents et les amis les plus éloignés. Un magnifique et unique montage permet de dire à tous et à toutes le bien que leurs proches leur souhaitent. Malheur à celui ou à celle qui n’est pas branché ! Il devra se contenter d’un S.M.S, d’un rapide coup de fil ou d’une carte qui tardera à arriver !
Si elle évolue, la tradition subsiste. Nous continuerons sans doute à désirer pour celles et ceux que nous aimons tous les bienfaits dont nous savons pourtant qu’ils n’en bénéficieront pas toujours, pas encore ou plus du tout !
Les vœux de début d’année sont aussi fragiles que les promesses électorales ou les résolutions de retraite ! Je pense cependant qu’ils engagent les personnes qui les formulent. Il n’est pas anodin de décider, en affichant un nouveau calendrier, d’œuvrer ensemble pour la santé, le bien-être, la solidarité, la paix et la justice. Ce que nous n’avons pas pu, su entièrement réaliser peut encore nous mobiliser. L’humanité ne désespère pas d’elle-même !
Aux premiers jours de 2013, les regards se tournent vers les peuples qui aspirent à la liberté, à la reconnaissance, à la démocratie. Ils doivent souvent avoir le sentiment de souffrir dans l’indifférence et d’être abandonnés entre les mains de pouvoirs jaloux et tyranniques.
Le pape Paul VI disait naguère que le développement est un autre nom de la paix. L’inégale répartition des biens et des capacités constitue un fléau dont nous n’avons pas fini de mesurer et de subir les conséquences. L’humanité restera en équilibre instable et périlleux tant que la mise en valeur de la planète et de ses habitants ne sera pas l’affaire de tous.
Dans le même ordre d’idées, le respect de la création s’impose de plus en plus. Il ne suffit pas de dire que les drames écologiques et climatiques sont pour demain et après-demain. Le lent travail de la nature réservera de fâcheuses surprises aux générations qui suivent celles qui jouent les tortues de la fable. La responsabilité est actuelle.
L’emploi sera, nous annonce-t-on, une préoccupation majeure dans notre pays. En ce domaine, comme en tant d’autres, il ne suffira de désigner des coupables ou des acteurs commis d’office. Une priorité de cet ordre mobilise toute une collective nationale. Elle nécessite l’affermissement des liens avec une foule de partenaires. Le travail contribue à l’humanisation et à la dignité. Sa sauvegarde et son accroissement méritent l’intérêt et l’investissement de tous.
Les quelques choix évoqués ci-dessus ne seront possibles et féconds que si un sens admis et partagé de l’homme demeure le ciment de l’unité nationale.
A cet égard, nous pouvons légitimement nourrir quelques inquiétudes. Il est relativement facile de voter une loi parce que son objet semble respirer l’air du temps. Il est alors presque simple et évident d’affirmer que le changement ne remet rien de fondamental en cause. Il ne fait que prendre acte de l’évolution des pratiques et des mœurs.
Les nouveaux dogmes qui préconisent le mariage pour tous, la fin de vie dans la dignité, la procréation médicalement assistée font joliment sonner les mots et agiter les idées. Sont-ils en mesure, compte tenu de leurs implications, de mobiliser toutes les énergies propres à faire advenir, défendre et promouvoir un être humain dont l’horizon ne s’arrête pas à ses propres désirs ?
La foi nous fournit une réponse à cette question, mais elle ne nous dispense pas d’élaborer ensemble une réponse selon la raison. Nous risquons de souffrir de plus en plus d’étroitesses idéologiques. Il n’est pas rare de ressentir comme une agression le fait d’être confronté à une opinion qui n’est pas partagée. Pour ne pas heurter, il ne faut pas dire. Pour respecter, il faut se taire.
Je ne souhaite pas que quiconque, même au nom de sa foi, impose une doctrine à autrui. Le concile Vatican II sait quel prix il lui faut payer pour préconiser la liberté de conscience ! En revanche, je m’étonne de la fermeture qui ne supporte pas la remise en question de l’opinion, des conformismes ou du prêt à penser et à agir.
Rien de beau, rien de grand, rien de juste, ne peut se réaliser au long de cette année 2013, à l’échelon des personnes, des états, de l’humanité sans une authentique ouverture des esprits, des cœurs, des mains. L’année de la foi nous invite à ce cheminement.
Bonne année au soleil de Dieu !
Arras, le 29 décembre 2012
+ Jean-Paul JAEGER