A nos maires

Eglise d'Arras n°03

Anniversaire du concile Vatican II Anniversaire du concile Vatican II  
Mgr Jean-Paul Jaeger
Mgr Jean-Paul Jaeger
La période des vœux de début d’année constitue un moment propice à l’expression des intentions des maires en place. Les uns annoncent leur nouvelle candidature quand les autres font part de leur retrait. Je m’associe aux membres du Conseil Permanent de la Conférence des Evêques de France qui ont rendu un hommage appuyé à la foule des élus locaux qui achèvent un mandat.  Avec une extrême générosité, un parfait désintéressement et des moyens limités, ils sacrifient leurs intérêts personnels et parfois leur vie familiale au service du mieux-être de leurs concitoyens. Habitué à parcourir le Pas-de-Calais, je mesure  toute la reconnaissance qui revient à  ces hommes et ces femmes de l’ombre dont les mérites sont trop facilement éclipsés par les dérapages de quelques-uns - très rares - d’entre eux. Merci Mesdames et Messieurs les maires !

 

                A l’approche d’une campagne électorale, l’Eglise a l’habitude de  s’exprimer. Aussitôt, certains lui reprochent de s’aventurer dans un domaine qui ne la concerne pas, laïcité oblige ! D’autres la somment de prendre position sur des programmes, des projets, voire sur des partis,  et d’orienter ainsi des votes. Fidèle à l’enseignement du concile Vatican II, l’Eglise ne se reconnaît aujourd’hui dans aucune de ces deux attitudes.

 

                Le décret Gaudium et Spes affirme clairement l’autonomie des réalités temporelles, donc du domaine politique. L’Eglise  n’a nullement à se substituer aux citoyens et aux responsables démocratiquement élus pour gérer les affaires de la cité, de la nation, des peuples. Il n’existe aucun parti susceptible d’être officiellement ou officieusement désigné comme  le parti de l’Eglise Catholique en France.

 

                En revanche, il est heureux que l’Eglise prenne part à l’indispensable débat qui s’instaure au moment d’une campagne électorale. Elle contribue alors à la formation des consciences et à la réflexion  commune  qui précèdent les votes. Elle sait qu’elle n’est pas seule à remplir cette mission. Elle n’en revendique pas le monopole. L’Eglise annonce l’Evangile. Elle le fait en tous lieux et en toutes circonstances, « à temps et à contretemps[1] »  selon l’enseignement de Saint Paul. Elle s’acquitte d’autant plus librement de cette responsabilité qu’elle n’est candidate  à aucun poste et ne revendique aucun pouvoir. Proclamant l’Evangile, elle se met au service de la grandeur et de la dignité de l’homme qui ont en Dieu leur origine et leur achèvement.

 

                Nul ne peut prétendre recevoir l’onction de l’Eglise pour accréditer auprès de ses concitoyens un programme ou une orientation. Nul ne peut davantage s’approprier l’Evangile ou l’Eglise pour fourbir des arguments personnels à l’encontre de compétiteurs de la joute électorale.

 

                Des concepteurs de programmes peuvent légitimement  faire référence à l’enseignement de l’Eglise et  s’en inspirer pour orienter le présent et l’avenir de la société. Ils ne le font pas alors pour se concilier les bonnes grâces d’une institution qui disposerait, à leurs yeux,  d’un certain crédit ou d’une influence supposée. Tant mieux s’ils sont intimement persuadés  que cette voie trace des perspectives de bonheur pour les personnes et d’harmonie, de paix et de justice pour la société.

 

                « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile. [2] » Cette conviction de Paul vaut aussi en période électorale. Comment les messagers de la Bonne Nouvelle pourraient-ils se taire quand la vie, de la conception de l’être jusqu’à sa mort naturelle, la famille  sont  constamment remises en cause? Comment ne feraient-ils pas entendre la divine  amertume qui reproche, aujourd’hui encore,  leur aveuglement à celles et à ceux qui n’ont pas eu égard à l’affamé, à l’assoiffé, à l’étranger, au dévêtu, au malade, au prisonnier ?

 

Même à la veille d’élections, la Parole de Dieu gêne et dérange, mais pas seulement à l’intérieur d’un unique  parti.  Elle bouscule et interpelle, mais pas seulement un unique parti ! Soit. L’Eglise sème. En l’occurrence, elle n’attend pour elle-même aucun résultat. En une période de doute, d’incertitude, de repliement sur les intérêts particuliers ou corporatistes, elle souhaite simplement jouer un modeste rôle dans l’ouverture des yeux, des mains des et des cœurs. Fidèle à son Seigneur, Elle désire ardemment que les êtres humains, notamment  les plus faibles et les plus petits, demeurent des membres à part entière de la famille humaine. Elle le dit et le redira, au risque de jouer le rôle du visiteur importun, mais elle demeurera toujours en deçà du voile de l’isoloir !

 

+ Jean-Paul JAEGER

 

[1] 2 Timothée 4, 2.

[2] 1 Corinthiens 9, 16.